Fixer le loyer d'un hôtel
Grossièrement, la valeur locative d'un hôtel représente un pourcentage de la recette de l'exploitant qui doit revenir au bailleur. La méthode hôtelière consiste, en partant du chiffre d'affaires idéal qui pourrait être réalisé dans des conditions optimales, à attribuer au bailleur une partie de ce chiffre d'affaires en y apportant différents correctifs.
La recette théorique annuelle
Elle correspond au chiffre d'affaires qui pourrait être réalisé si l'hôtel était
complet d'un bout à l'autre de l'année. Cette recette est obtenue en multipliant le
nombre de chambres de l'hôtel par leur prix affiché respectif, le résultat obtenu
étant multiplié par 365.
Ex. : un hôtel 2 étoiles de 45 chambres dont :
15 affichées à 200 F
20 affichées à 300 F
10 affichées à 350 F
La recette théorique annuelle sera de :
(15 X 200) + (20 X 300) + (10 X 350) X 365 = 4 562 500 F
Cette recette se compose uniquement de l'hébergement pur et simple, elle ne comprend pas
les petits-déjeuners, téléphone, boissons et autre services annexes.
Déduire la TVA mais pas le service
De la recette TTC est ensuite déduite la TVA au taux de 5,50 %.
En revanche, le service (15 %) destiné au personnel n'est plus déduit depuis 2 arrêts
de principe de la Cour d'Appel en 1996.
Ainsi, en partant de l'exemple précédent on obtiendra :
4 562 500 F x 100 : 105,50 = 4 324 644F
Abattement pour ristourne
Un abattement pour remise est souvent pratiqué sur la recette théorique annuelle afin de
tenir compte des ristournes ou des pratiques tarifaires habituellement consenties par
rapport aux prix effectivement pratiqués.
Soit un abattement de 15 % retenu :
4 324 644F - 15 % = 3 675 947 F
Taux d'occupation ou coefficient de fréquentation
Sur ce chiffre d'affaires idéal corrigé, on applique un taux d'occupation ou coefficient
de fréquentation moyen variable selon l'année, la situation géographique et la
catégorie de l'hôtel.
On aboutit alors à la recette que pourrait obtenir un hôtelier moyen dans des conditions
normales d'exploitation.
Ex : 3 675 947 F x 60 % = 2 205 568 F
Pour déterminer le taux d'occupation ou coefficient de fréquentation, les experts se
fondent sur les sources publiées et diffusées par les syndicats et revues
professionnelles ou les services économiques publics (INSEE notamment).
L'expert se doit de retenir le taux d'occupation moyen à la date du renouvellement et non
à la date d'établissement de son rapport. Dans le meilleur des cas, il y aura donc un
décalage d'au moins 1 an par rapport au taux actuel ou bien plus. Le taux d'occupation
est un taux d'occupation moyen par catégorie d'hôtel. Pour des hôtels pris dans la
même catégorie, le taux d'occupation réel pourra être sensiblement différent par
rapport à ce taux moyen et dépendra de la localisation géographique, de la proximité
de la concurrence, de la notoriété et bien entendu des qualités propres à l'exploitant
(aptitudes commerciales, compétences dans la gestion etc.).
C'est cependant un taux moyen qui sera retenu par l'expert et le plus souvent repris par
le juge. Le recueil des données permettant de déterminer ces taux d'occupation moyens
étant effectué auprès des professionnels, on ne saurait que trop conseiller aux
hôteliers de répondre sérieusement à ces demandes de renseignements (ou qu'ils
s'abstiennent dans le cas inverse).
Une hôtelière nous a suggéré pour sa part que l'INSEE devrait de son côté valider et
recouper les données recueillies avant de les diffuser.
Taux de rentabilité
Sur cette valeur est ensuite appliqué un taux de rendement ou pourcentage sur recette,
variable également suivant la catégorie de l'hôtel, et qui représente la part des
recettes devant rémunérer le bailleur.
Ex : 2 205 568 F x 15 % = 330 835 F
Les fourchettes communément utilisées par les experts s'établissent comme suit :
Hôtel préfecture : 18 à 25 %
Hôtel 0 étoile : 18 à 18 %
Hôtel 1 étoile : 15 à 16 %
Hôtel 2 étoiles : 14 à 15 %
Hôtel 3 étoiles : 13 à 14 %
Hôtel 4 étoiles : 11 à 12 %
Abattements supplémentaires
A ce stade il y a lieu de tenir compte des travaux d'amélioration éventuellement
effectués par l'hôtelier et qui excèdent l'obligation normale d'entretien et de
réparations locatives qui sont normalement à sa charge.
Il s'agira le plus souvent des travaux d'amélioration et de confort d'une certaine
importance envisagés par la loi du 1er juillet 1964. Ce pourcentage de déduction sera
d'autant plus élevé que les travaux permettent le passage de l'hôtel dans une
catégorie supérieure.
Ex : 330 835 F - 20 % = 264 668 F
Viennent en déduction les clauses du bail faisant supporter au locataire des charges
inhabituelles par rapport aux baux commerciaux usuels (impôt foncier, grosses
réparations de l'article 606, assurance incendie de l'immeuble garantissant sa valeur de
reconstruction).
Précision : il est d'usage en matière de baux hôteliers que ces charges soient
supportées par le locataire, mais il en est malgré tout tenu compte.
Lorsque l'exploitant effectue des travaux visés par la loi du 1er juillet 1964
(réfection de l'installation électrique, de distribution d'eau, des équipements
sanitaires, chauffage, climatisation, TV, téléphone, ascenseur etc.), il a tout
intérêt à respecter le formalisme prévu par cette loi.
Ce formalisme consiste à informer par lettre recommandée le propriétaire du projet de
travaux en y joignant un plan d'exécution et un devis descriptif et estimatif. Il a tout
intérêt également à procéder officiellement à l'exécution de ces travaux, non
seulement pour des questions de responsabilité et d'assurance, mais aussi pour pouvoir
les déduire ou les amortir fiscalement et être à même d'en justifier comptablement,
factures à l'appui, lors du renouvellement du bail.
Le montant de l'abattement pratiqué va dépendre d'une part de l'importance des travaux
réalisés (plus élevés si l'hôtel augmente d'une ou plusieurs catégories, moindre
s'il reste dans la même) ; d'autre part de l'ancienneté de leur réalisation. En effet,
les agencements et installations s'amortissent selon leur nature sur 10 à 15 ans. On
considère donc que pour les travaux les plus anciens, le locataire a déjà profité de
l'économie d'impôt déduite par l'amortissement total ou partiel de ceux-ci.
L'abattement sera dans ce cas moins élevé que si les travaux ont été réalisés
récemment.
Donne lieu à un supplément de loyer, le logement dont dispose l'hôtelier dans l'hôtel.
Mais le lieu doit correspondre à un véritable logement avec des conditions de confort
normales. En fait, dès lors que l'exploitant habite réellement sur place, il est
réputé faire l'économie du loyer du bail d'habitation qu'il devrait payer s'il
disposait d'un logement distinct.
Provisionnez le montant de votre futur loyer
La prescription de l'action visant à obtenir la fixation judiciaire du loyer du bail à
renouveler est de 2 ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.
Compte tenu, par ailleurs, des lenteurs de l'institution judiciaire, il peut s'écouler 4
ou 5 ans entre la date effective de renouvellement du bail et la date de la décision
fixant le nouveau loyer.
Ainsi, dans une affaire où le propriétaire a donné son congé à son locataire le 25
mars 1993 pour le 1er octobre 1993, il a ensuite attendu le mois de septembre 1995 pour
saisir le juge des baux commerciaux du Tribunal de grande instance. Le jugement fixant le
loyer provisionnel et désignant l'expert a été rendu en avril 1996. L'expert a déposé
son rapport en mars 1997 et le jugement fixant le loyer définitif est intervenu en juin
1998, soit près de 5 ans après la date du renouvellement.
Le locataire a du ainsi régler le différentiel de 5 ans de loyer, ce qui peut
représenter une somme relativement conséquente (il est bien entendu possible de demander
des délais de règlement pendant l'instance ou après).
Dès lors, il convient de ne pas se laisser porter par les événements, mais de réagir
dès la date de renouvellement du bail lorsque le congé a été donné. Il y a lieu
également de provisionner en comptabilité tout ou partie de l'augmentation de loyer
prévisible afin à tout le moins de bénéficier de l'économie d'impôt correspondante.
Notre conseil :
A titre pratique, la provision peut être constituée à hauteur de la moyenne entre le
loyer actuel et le loyer demandé par le bailleur.
Ainsi, pour un loyer de 120 000 F et un nouveau loyer réclamé par le bailleur de 300 000
F, la provision pourra être de :
(300 000 - 120 000) : 2 = 90 000 F
Eric Duroux
Avocat au barreau de Paris
Les exemples cités dans cet article correspondent à des cas réels tirés de rapports d'expertise établis par Messieurs Xavier Ferrandi, Etienne Mayeux et Jacques Roussille, tous trois experts près la cour d'appel de Paris. |
Cas n° 1Hôtel ** de 39 chambres dans le XIe arrondissement pour un renouvellement au 1er octobre 1993. Loyer en fin de bail : 125 000 F/Loyer demandé par le propriétaire : 315 000 F Loyer provisionnel fixé pour la durée de la procédure : 150 000 F Recette théorique annuelle TTC : 4 310 650 F Remises moyennes à la clientèle de 15 % : 3 664 052 F Déduction de la TVA Coefficient de fréquentation retenu 58 % Pourcentage sur recette de 14 % à 14,50 % Abattement pour travaux de 25 % à 30 % Valeur intermédiaire Déduction de la taxe foncière à la charge du preneur
Abattement pour charges grosses réparations (article 606 du
Code civil) au preneur 8 % à 10 % Dans la décision rendue en juin 1988, le magistrat retient un coefficient de fréquentation de 63 % et un abattement pour travaux de 28 % et fixe le prix du bail renouvelé à 202 189 F. |
Cas n° 2Hôtel ** de 23 chambres dans le XIe arrondissement pour un renouvellement au 1er avril 1997. Loyer en fin de bail : 117 197 F/Loyer demandé par le
propriétaire : 275 000 F réduit ensuite à 207 000 F Recette théorique annuelle TTC : 3 423 700 F Déduction de la TVA : Remises moyennes à la clientèle de 20 % Coefficient de fréquentation retenu 65 % Pourcentage de recette de 14 % (6 chambres sont à tolérance
révocable) Abattement pour travaux de 30 % (passage de 1 à 2**)
Décision non rendue, mais un accord a été conclu sur la base déterminé par l'expert. Le nouveau loyer a été fixé à 165 000 F. |
Cas n° 3Hôtel préfecture de 48 chambres dans le XIe arrondissement pour un renouvellement au 1er mars 1995. Loyer en fin de bail : 86 000 F/Loyer demandé par le propriétaire : 270 000 F Loyer provisionnel fixé pour la durée de la procédure : 100 000 F Recette théorique annuelle TTC : 1 426 800 F Remises moyennes à la clientèle : NÉANT car chambres louées au mois. Déduction de la TVA Coefficient de fréquentation retenu 98 %, mais minoré de 5 %
compte tenu du fait que la moitié des chambres sont autorisées à la location à titre
de tolérance révocable. Pourcentage sur recette de 19 % Abattement pour travaux de 15 % (pas de changement de
catégorie de l'hôtel) Taxe foncière et grosses réparations : La valeur locative est fixée à 203 000 F Dans le jugement rendu en novembre 1997, le magistrat retient
un coefficient de fréquentation de 95 %, un pourcentage sur recette de 16 % et accorde un
abattement forfaitaire de 3 % pour tenir compte du fait que le bailleur n'a pas effectué
le ravalement qui demeure à sa charge. |
Cas n° 4Hôtel de 21 chambres dans le Xe arrondissement pour un renouvellement au 1er juillet 1993. Loyer en fin de bail : 81 860 F Recette théorique annuelle TTC : 3 011 250 F Déduction de la TVA Remise pour clientèle tour-opérateur de 6 % Coefficient de fréquentation retenu 70 % Pourcentage sur recette de 15 % Abattement pour travaux de 30 % Taxe foncière à déduire La valeur locative est fixée à 193 558 F |
Cas n° 5Hôtel de 23 chambres dans le XIIIe arrondissement pour un renouvellement au 8 juin 1993. Loyer en fin de bail : 50 000 F Recette théorique annuelle TTC : 1 197 217 F Déduction de la TVA Remises : NÉANT Coefficient de fréquentation retenu 78 % Pourcentage sur recette de 17 % Majoration pour logement de l'exploitant : La valeur locative est fixée à 168 475 F |
L'HÔTELLERIE n° 2586 Hebdo 05 Novembre 1998