Deux ans après l'élargissement de la loi Raffarin au secteur de l'hôtellerie, le bilan révèle un taux très important d'acceptation des dossiers présentés devant les CDEC. Si certains pensent que la montagne a accouché d'une souris, cette application aura eu au moins le mérite de calmer les esprits et d'obliger les investisseurs à devenir plus rigoureux.
Deux ans après son application en juillet 1996, la loi Raffarin doit faire l'objet d'un rapport qui sera présenté fin septembre à l'Assemblée nationale. Selon la Direction du tourisme, en charge de centraliser les informations sur l'impact de la loi Raffarin dans le domaine de l'hôtellerie, jusqu'à aujourd'hui 85 dossiers ont été traités par les CDEC (Commissions départementales d'équipement commercial qui statuent pour autoriser ou non la création d'hôtels de plus de 30 chambres en province et de plus de 50 chambres en Ile-de-France). Pour des raisons évidentes de flux de marchés, la répartition géographique des dépôts des dossiers n'est pas homogène. La région la plus prisée reste l'Ile-de-France où les plus forts taux d'occupation se profilent. Elle est suivie de la région Rhône-Alpes et de la Bretagne. A l'inverse, certaines régions comme le Limousin ou la Franche-Comté n'ont eu aucun dossier déposé. Parmi les 85 dossiers, seuls 18% d'entre eux (soit une quinzaine) ont essuyé un refus ce qui représente un taux de réussite plutôt important. Les demandes émanaient à 53% de chaînes intégrées, dont des franchisés (8%) et à 47% d'investisseurs pour la création d'hôtels indépendants (devant être affiliés ensuite ou non à des chaînes volontaires).
Les chaînes intégrées et les franchisés ont eu à encaisser 9 refus contre 37
acceptations (80% de taux de réussite). Les hôteliers indépendants ont reçu 33
approbations contre seulement 6 rejets, soit un taux de réussite de 85%. Comme on le
prédisait, les CDEC ont davantage pénalisé les créations de 0-1 et de 2 étoiles,
hôtels jugés moins créateurs d'emplois mais aussi plus susceptibles de gêner les
professionnels déjà en place. Cependant, les projets dans ces catégories
représentaient le plus grand nombre des demandes. D'après l'étude de la Direction du
tourisme, l'ensemble du parc hôtelier français (hôtels de chaînes et indépendants
confondus) aurait stagné en 1997, voire diminué de 1 à 1,5% pour les catégories 0-1
étoile. Cependant, les chaînes semblent avoir été moins pénalisées que les autres.
D'après l'étude des chaînes hôtelières présentes en France réalisée chaque année
par Coach Omnium pour La Revue, la croissance du parc des chaînes intégrées s'est en
effet maintenue en 1997, avec près de 5% de progression. L'évolution du parc, qui s'est
enrichi de 147 hôtels, correspond à la moyenne constante observée depuis ces dernières
années. Mais il s'agissait essentiellement de franchises et de seulement 17% d'hôtels
neufs qui n'avaient pas encore été concernés par la loi Raffarin.
Ce premier bilan officiel n'est toutefois pas véritablement exhaustif. D'une part, le
prochain rapport ne prendra pas en compte les établissements non soumis aux CDEC qui ont
ouvert pendant la période étudiée (permis de construire obtenu avant application de la
loi ou hôtels de moins de 30 à 50 chambres). Leur incidence sur le marché hôtelier
sera donc complètement occultée. D'autre part, les créations autorisées au début de
la mise en application de la loi viennent tout juste d'être mises en exploitation.
N'offrant pas le recul nécessaire pour une analyse complète, elles seront de ce fait
exclues du rapport officiel. Enfin, le recensement ne tient pas compte des dossiers
déposés et non encore traités par les CDEC. En faisant un raccourci, on pourrait penser
qu'il aura fallu mettre en route une lourde machine pour finalement voir accepter plus de
8 projets hôteliers sur 10.
Est-ce que cela signifie que les commissions étaient conciliantes ou incompétentes ou
bien que les dossiers présentés étaient simplement convaincants et sérieux ? Quoi
qu'il en soit, on peut penser que des projets supplémentaires n'ont pas été déposés.
Que l'obligation de devoir présenter une demande devant une commission a joué
l'épouvantail et en a découragé plus d'un. Par ailleurs, la loi Raffarin aura eu au
moins la vertu de calmer les esprits dans la guerre que se livrent chaînes et
indépendants. Elle a également obligé les investisseurs à faire réaliser une étude
de marché et d'impact avant ouverture, ce qui devenait curieusement très rare
auparavant. Les opérateurs se fient souvent à leur flair, pas toujours très
développé, il faut bien le reconnaître.
G. Floch
Jacques Stribick, fervent défenseur de la loi Raffarin, est bien décidé à
mobiliser les hôteliers indépendants pour que le passage par les CDEC soit maintenu pour
toute création d'hôtels.
L'HÔTELLERIE n° 2580 Supplément Economie 24 Septembre 1998