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A la loupe

Fort-Mahon-Plage (80)

Une vraie station à portée de Paris

Grâce à la volonté locale et aux autoroutes, une plage picarde longtemps difficile d'accès prend place dans la concurrence.


Atouts principaux de Fort-Mahon-Plage : la proximité de grandes agglomérations et de l'Angleterre, la plage par beau temps en saison et les sports du vent en demi-saison, l'équitation ou le tourisme vert à l'arrière-saison.

En vingt ans d'efforts, Fort-Mahon s'est éveillée et ses CHR avec. Cette station se situe sur la côte de la Somme au bord de la baie d'Authie, sur une plage de 17 km de long à l'avant des prés salés. Depuis l'achèvement de l'autoroute A 16, cette station se trouve à une heure et demie de Paris, Rouen, Bruxelles. Encore faut-il y ajouter les encombrements de sortie d'autoroute, péage et dernier accès. Les deux premiers week-ends d'août par grand beau temps, il a fallu deux heures aux dix à vingt mille véhicules pour parcourir les derniers quinze kilomètres et se garer, comme à Saint-Tropez. Cela peut s'améliorer, assure le président de l'Office du tourisme Jean-Marie Boulard.
Cette commune de moins de mille habitants permanents vit du tourisme saisonnier. Atouts principaux : la proximité de grandes agglomérations et de l'Angleterre, la plage par beau temps en saison et les sports du vent en demi-saison, l'équitation ou le tourisme vert à l'arrière, de très nombreuses alternatives au bronzage. Au début des années 70, tout cela n'était exploité que part des une et zéro étoile, des cafés de campagne et des campings ou locations peu confortables. A présent, on compte 33 licences IV et un peu moins de trente restaurants, six hôtels classés sur place ou très proches pour quelque 160 chambres dont près de 90 en trois étoiles et un peu moins de 60 en deux étoiles. La station compte plus de mille résidences secondaires, quinze chambres d'hôtes et une résidence Pierre et Vacances, à la fois porteuse d'affaires et concurrente de l'hôtellerie et un golf récent déjà bien intégré dans le circuit des amateurs, mais dont la réservation serait confiée à Pierre et Vacances.
Pour Jean-Pierre Boulard, patron de la brasserie Le Grain de Sel, membre de la CCI d'Abbeville et président de Force 8 l'association des commerçants et pour beaucoup de ses collègues, la vie c'est la saison. «Je ferme cinq mois par an comme la majorité des commerçants. On se relaie, ce n'est pas mal organisé. Je fais 65% de mon chiffre en juillet et août». Autant dire qu'un juillet gris comme cette année est difficile à avaler. Sans se plaindre, ce patron indique avoir triplé son CA en quatorze ans de présence grâce au volume pratiquement sans augmenter les prix. Ce laminage des marges et l'accroissement de la fréquentation est une clé des stations de plages d'aujourd'hui et de Fort-Mahon en particulier. L'entreprise investit néanmoins de cinquante à cent mille francs sur fonds propres chaque année et emprunte de 200 à 400.000 F tous les quatre à cinq ans pour se moderniser. A voir les restaurants et commerces autour, tel La Mouette, très avenante avec ses 150 places complètes et sa terrasse bondée sous les parasols d'août, les investissements ont été considérables ces dernières années.

«Il y a de la place pour les entreprenants»
Partout, la moule frites des bouchots voisins règne en maître autour de 50 F dans un décor simple, complétée par les glaces, crêpes et gaufres de l'après-midi. L'Hippocampe plus bourgeois propose un nappage blanc éclatant et une vraie carte de restaurant, mais en saison, les touristes y mangent presque comme ailleurs.
Mais la nouveauté, c'est le développement de l'activité en inter-saison et hors saison. Les familles Delefortrie à la Chipaudière (18 ch 2* et 70 à 80 places de restaurant doublées par la terrasse) et Cantrel à l'hôtel de la Terrasse (56 chambres et une annexe 3*, 150 places de restauration et six salles de séminaire), à la tête de deux Logis de France aux emplacements numéro un de la station montrent l'exemple. Dans les deux cas, ces jeunes du début des années 80 partant d'hôtels de préfecture ont investi progressivement dans le confort et le service. Les rapports qualité/prix de 200 à 350 ou 440 F la chambre ou de 60 à un peu plus de 200 F le repas sont convaincants. Le bingo est au bout. «Il faut une vraie offre variée pour attirer la demande. La quasi totalité des commerces a changé de main et évolué en quinze ans. Il y a de la place pour les entreprenants», pose Pierre Delefortrie, dont le frère Jean-Michel exploite un petit casino avec trente machines à sous... La Chipaudière ne ferme plus que quelques semaines l'hiver. Les Cantrel à La Terrasse ne ferment plus sauf pour travaux et à Noël, mais travaillent pour la Saint-Sylvestre. Ils ont joué gros jeu en 94 en doublant presque leur capacité et en se lançant dans le séminaire et les groupes. Pari gagné. L'entreprise ne cesse de progresser, emploie 30 à 35 personnes hors saison, 45 en saison et devrait passer cette année les 60% de TO moyen quand la norme sur la côte est bien inférieure à 50%. C'est l'avenir. Les longs séjours diminuent, les courts séjours plus rémunérateurs et moins liés au soleil se développent. A condition de savoir les attirer et les fidéliser, sans pour autant perdre les saisonniers.
A. Simoneau asimoneau@lhotellerie


Trente-cinq brasseries, les bouchots sont à trois kilomètres.


Jean-Pierre Boulard, patron de la brasserie Le Grain de Sel, au tirage : saison d'abord, moules frites à volonté.


Un logis de France, La Chipaudière, ne ferme plus que quelques semaines l'hiver.

Le problème du recrutement

Saisonnalité plus relatif éloignement des grands centres, plus notoriété encore embryonnaire de la station égale : problème de recrutement de gens de métier. Après un mois de juillet très décevant (après trois années de progression), août éclatant pour la Hutterie, le restaurant de milieu de gamme de Sylvie et Christian Hermel pose le problème du personnel. Ces professionnels longtemps saisonniers (montagne l'hiver, mer l'été avec deux affaires) sont présents à l'année et ne ferment plus que deux mois. Mais l'effectif idéal passe de deux postes et demi à sept.
Trois absents, et Sylvie Hermel est seule en salle. «Même les jeunes professionnels amiénois ne veulent pas venir «jusqu'ici» (à 60 km) comme ils disent», note-elle. Au Grain de Sel, on préfère les étudiants aux professionnels blasés... mais précise la patronne de la Hutterie, il faut un vrai pro pour servir un plat de fruits de mer. Le cas n'est pas isolé. Problèmes de société, de formation, de statut, de prix ? Problèmes en tout cas.


L'HÔTELLERIE n° 2577 Hebdo 3 Septembre 1998

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