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Editorial

Une lamentable polémique

Décidément, la presse dite «grande» manque singulièrement de flair, ces dernières semaines. Après la pitoyable confession de CNN sur un sujet aussi grave que l'emploi de gaz toxique pendant la guerre du Viêt-nam, évoqué par Peter Arnett, l'une des stars de la chaîne d'Atlanta soudainement renvoyé au rang de stagiaire d'un mensuel de province, après l'incroyable aveuglement de «L'Equipe» qui n'a eu de cesse pendant des mois de brocarder Aimé Jacquet devenu depuis idole de tout un pays, «Le Monde» ne fait pas mal non plus. Dommage que ce soit l'un des plus brillants représentants de la profession qui fasse les frais de cette lamentable pantalonnade.

Pour faire court, le groupe Flo vient de reprendre une brasserie du quartier latin, le «Balzar», une «institution» pratiquement en désuétude (le mot est faible). Et «Le Monde», bastion du politiquement correct et de l'intellectualisme germanopratin le plus primaire, de mener le combat, déjà engagé par son confrère pas mieux inspiré «Le Figaro», contre la société de Jean-Paul Bucher.

Il suffit de lire la prose publiée sous le titre «S.O.S. Balzar» pour se demander si «Le Monde» est toujours un journal sérieux. On relève dans cet article dirigé contre «Flo» et son dirigeant une terminologie d'une rare agressivité : «grand prédateur», «Flo fait main basse sur la place», «éléphant en mouvement dans de la porcelaine», «lourdauds faisant argent et profit de tout», «le géant Bucher, symbole de la goujaterie, explorateur parvenu du grand capital marchand, dessoudeur irréfléchi de toutes les ententes cordiales». On dépasse l'entendement lorsqu'on arrive au terme de cette diatribe : «Soyez aimable : disparaissez !». Difficile d'invoquer le trop commode «second degré» réservé à ceux qui savent et comprennent.

Diantre, une telle philippique pour le sauvetage d'une brasserie où la qualité ne fut jamais la préoccupation fondamentale de ses exploitants, il y a sans doute une explication cachée. En fait, pas si cachée que ça : l'auteur de cet inoubliable chef-d'œuvre de la désinformation nous donne la clef de son courroux : bien sûr, on a toujours mal mangé au «Balzar», mais c'était en «décryptant les films japonais consommés dans l'ombre de cinémas de quartier». Bref, vous l'avez compris, Jean-Paul Bucher nous empêcherait, en rendant comestibles les épouvantables nourritures d'antan du Balzar, d'apprécier le dernier Kurosawa. Et ça, pour un rédacteur du «Monde», c'est bien sûr impardonnable.

Il est vrai que la chronique gastronomique n'est pas considérée, à tort, comme un fleuron du journalisme et les directeurs de publication ont trop souvent tendance à affecter à une rubrique aussi noble que d'autres les plumes les moins inspirées.

Tout cela ne serait pas bien grave si ces braves plumitifs ne se mêlaient de mettre en cause l'honneur de ceux qui n'ont pas attendu leurs critiques pour faire leurs preuves. Rassurons-nous toutefois, Jean-Paul Bucher n'a pas besoin du «Monde» pour affirmer son talent et sa réussite.

L.H.


L'HÔTELLERIE n° 2571 Hebdo 23 Juillet 1998

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