Paul Bocuse, Gaston Lenôtre et Patrick Scicard au Stade de France !
Les premières analyses chiffrent à 10%
l'augmentation de la fréquentation due à l'effet «Coupe du Monde» sur une période
traditionnellement très chargée. Une augmentation des prix moyens est également
observée. S'agit-il d'un paradoxe ? Pas vraiment, si on analyse en profondeur les raisons
de cette augmentation de fréquentation.
En premier lieu, il faut noter la présence de deux équipes dans les Alpes-Maritimes.
L'équipe d'Allemagne qui a atteint les quarts a séjourné au Mas d'Artigny à
Saint-Paul-de-Vence et l'équipe des Pays-Bas, qui a joué le match pour la troisième
place, a choisi le Vista Palace à Roquebrune-Cap-Martin. La présence de ces deux
équipes sur la Côte d'Azur a permis l'arrivée de centaines de journalistes qui ont
suivi pas à pas la vie quotidienne des joueurs en séjournant bien entendu dans d'autres
hôtels des Alpes-Maritimes. Même observation pour les fidèles supporters allemands et
hollandais qui ont choisi d'être hébergés tout près de leurs idoles. A noter
également l'hébergement de nombreux représentants des sponsors officiels des équipes
d'Allemagne et des Pays-Bas qui ont profité de la présence des joueurs pour organiser
des manifestations de relations publiques.
En deuxième lieu, plusieurs voyagistes ont choisi les Alpes-Maritimes pour l'hébergement
des groupes de supporters et notamment pour les 7 matchs qui ont eu lieu à Marseille.
C'est ainsi que des groupes de Brésiliens, Anglais, Norvégiens, Hollandais ont
transformé certaines nuits niçoises en soirées samba et autres soirées folkloriques
selon les nationalités. D'autres supporters individuels ont choisi les Alpes-Maritimes et
notamment ceux qui ont voulu utiliser le train pour se rendre à Marseille.
En dernier lieu, plusieurs hôteliers ont signalé avoir hébergé des clients
individuels étrangers ayant choisi le département des Alpes-Maritimes parce qu'en plus
de ses atouts traditionnels, aucun match de football n'y était programmé. En quelque
sorte, la Côte d'Azur a été considérée par un nombre important de touristes
étrangers comme un îlot de calme et de sérénité dans un océan de ferveur populaire.
En ce sens, les graves incidents de Marseille causés par une poignée de hooligans
déchaînés et largement repris dans les médias partout dans le monde ont conforté
cette image.
A noter enfin, l'engouement des Italiens pour la Coupe du Monde de Football 1998. Beaucoup
ont séjourné dans les Alpes-Maritimes et cette situation explique les pincements au
coeur ressentis par de nombreux hôteliers azuréens au moment du match France/Italie.
Tous, au fond de leur coeur, souhaitaient la victoire de la France, mais n'ignoraient pas
qu'un succès de l'Italie aurait permis des séjours italiens en plus grand nombre.
L'histoire retiendra que la France est allée en finale et que les Italiens,
traditionnellement amoureux de la Côte d'Azur, n'ont à ce jour toujours pas boudé leur
plaisir d'y séjourner.
Comme le déclare un hôtelier proche de la gare de Nice : «Une Coupe du Monde tous
les ans et dans les mêmes conditions : je suis preneur !». La France n'a plus qu'à
présenter à nouveau sa candidature pour une prochaine Coupe du Monde, les hôteliers
azuréens auront encore le sourire.
C. Roussel
La fréquentation à Marseille a pourtant dépassé les prévisions, selon Dominique Vlasto, adjoint au tourisme, le siège de l'OT sur la Canebière a renseigné en juin 40.000 personnes, soit un quart de plus que d'habitude.
Les hôteliers ont tiré leur épingle du jeu, avec un TO de 85%. «Par rapport à
un mois de juin normal, cela ne représente qu'environ 3% de plus ; mais le niveau de prix
a été nettement supérieur car les hôteliers se sont alignés sur les tarifs de
Mondiresa, même lorsqu'ils n'y participaient pas ; c'est donc positif», estime Paul
Schianchi, président du CHR 13.
De son côté, la centrale de réservations de dernière minute, mise au point par le CHR
13, l'OT et le CDT, a traité environ 6.000 nuitées. Mais les grands gagnants sont en
fait les bars et brasseries, essentiellement, bien sûr, ceux des endroits stratégiques
qui, selon le CHR 13, ont vu leur chiffre d'affaires s'accroître de 30 à 40% : Vieux
Port, abords du Vélodrome, et environs immédiats des plages du Prado où se déroulaient
concerts et retransmissions sur écrans géants (400.000 personnes au total, selon la
mairie).
Là, les supporters étrangers ont consommé, souvent sans rechigner à la dépense,
avec une mention spéciale pour les Anglais, les Norvégiens ou les Hollandais.
Les établissements qui ont joué le jeu de l'ambiance de fête et foot ont en fait
touché les dividendes de leurs efforts ; sur le Vieux Port bien sûr, où l'OM Café par
exemple a fait un malheur, affichant complet tous les soirs de match (repas sur
réservation), mais aussi dans les quartiers. En effet, les Marseillais se sont volontiers
rassemblés dans les bars qui leur proposaient un grand écran télé installé sur la
terrasse. Place Notre Dame du Mont, le Bar du Marché, lieu de rendez-vous déjà
convivial habituellement, a ainsi doublé la mise les soirs de match. Les incidents
provoqués au centre-ville par les hooligans en début de Coupe ont suscité une psychose
pendant quelques jours. Mais elle s'est ensuite estompée.
Le CHR 13 avait d'ailleurs d'emblée réussi à convaincre le préfet de ne pas faire
fermer les établissements à 23 heures et de maintenir au contraire l'autorisation
exceptionnelle d'ouverture jusqu'à 4 heures du matin. Seul bémol : pendant quelques
jours, les bars purs ont dû cesser de vendre de l'alcool à emporter à partir de minuit,
puis 2 heures du matin.
Les grands perdants sont en fait les restaurants traditionnels. «La Coupe leur a
fait perdre 40 à 50% de leur clientèle habituelle, restée à domicile devant la télé.
Et l'apport des supporters n'a de loin pas compensé, même sur le Vieux Port, à quelques
exceptions près», estime Paul Schianchi. «Hormis quelques groupes, qui ont
remplacé nos groupes habituels, on n'a pas vu un supporter», estime Simone Laffite
aux Arcenaux, place Estienne d'Orves.
Même constat chez Sauveur, pizzeria renommée située sur les quais. «On a eu
quelques belles journées de travail quand les matchs avaient lieu à Marseille
l'après-midi. Sinon, rien. Le soir de la rencontre France-Croatie par exemple, on a fait
7 couverts au lieu de 70...»
Ailleurs, le constat est parfois catastrophique. A l'Escale Borely en bord de mer mais un
peu à l'écart des plages du Prado, les restaurants ont fait jusqu'à 60% de moins qu'un
mois de juin ordinaire.
L. Casagrande
A Lyon, le souffle Coupe du Monde est parfaitement passé et nul ne songe à se
plaindre des cinq semaines de compétition dans l'ancienne capitale des Gaules.
Comme prévu, ce sont les hôtels du centre-ville qui ont le mieux tiré leur épingle du
jeu avec, pour le mois de juin, des augmentations significatives, tant en taux
d'occupation qu'en prix moyen par rapport à l'année dernière.
Un exemple ? Le Sofitel Lyon-Bellecour où séjournait la délégation de la FIFA
(Fédération Internationale de Football) qui grimpe de 12 points en TO à 85% et gagne
44% en prix moyen. Seule la clientèle lyonnaise a semblé bouder quelque peu le
restaurant... qui a néanmoins, comme les bars, réalisé des scores très appréciables.
D'autres exemples ? Le Méridien Part-Dieu qui gagne 17% en TO à 87,5% et surtout 72% en
PM à 791 francs contre 458 en juin 97. Ou encore le Grand Hôtel Concorde qui progresse
de 11 points à 92% avec un PM en hausse de 45% et le Royal Bellecour à 85% de TO avec un
gain de 27% en PM.
En règle générale, tous les hôtels ont franchi la barrière symbolique des 80 voire
85% ce qui est particulièrement significatif à Lyon.
Même engouement pour la restauration, tant pour les établissements à thème que
traditionnels.
Ainsi, idéalement situé dans le quartier de Gerland à un jet de pierre du stade, le
Ninkasi Ale House a enregistré des hausses de clientèle de 100% les jours de matches et
une affluence globalement en hausse de 70% en juin. Et le 21 juin, à l'occasion
d'Etats-Unis/Iran, tous les records ont été battus avec 2.500 litres de bière servis
contre 600 à 700 précédemment les grands jours !
Pour sa part, Paul Bocuse annonce 30 à 35% de hausse par rapport à l'année dernière
pour son Auberge alors que ses trois brasseries (Le Nord, Le Sud, L'Est) n'ont pas
désempli et Jacotte Brazier a attiré une nouvelle clientèle les jours de matches
programmés l'après-midi chez La Mère Brazier qui n'a rien perdu de son aura.
«C'était une excellente chose pour Lyon», dit Paul Bocuse en résumant le
sentiment général, ravi du déroulement d'une compétition suivie en supporter jusqu'à
la finale au Stade de France où il n'était pas le dernier à s'enthousiasmer pour les
Bleus !
J.-F. Mesplède
La Coupe du Monde de Football 98 n'aura pas été un événement catastrophique pour
tous les restaurants, comme on l'entend parfois trop souvent ces derniers temps. Tel est
le constat de ce restaurateur de Montpellier, Richard Abou, propriétaire des deux
brasseries Prosper de la ville.
Conscient de l'ampleur de l'événement, Richard Abou n'a pas hésité une seconde à
mettre en place une animation dans ses établissements, ce qui lui a valu une progression
de son chiffre d'affaires de l'ordre de 25% sur le mois de juin, par rapport à l'année
précédente.
Au programme, le maître des lieux avait concocté un véritable kit d'animation aux
couleurs du Mondial. Ouvertes sept jours sur sept, de midi à minuit, sans interruption,
les brasseries proposaient d'une part un menu spécial «Prosper» à un prix très
attractif de 69,90 F (entrée, plat, dessert), ainsi que leur spécialité le couscous
royal, d'autre part un set de table très apprécié des touristes et supporters et un jeu
pour enfants permettant de gagner un ballon de foot Mondial 98 tous les dimanches. Fort de
son talent commercial, Richard Abou remerciait chaleureusement ses clients et ne les
laissait pas repartir sans s'être assuré qu'ils avaient bien emporté la carte de visite
de ses brasseries.
L'HÔTELLERIE n° 2570 Hebdo 16 Juillet 1998