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Lens : joie et ten sion chez le champion

Lens a accueilli ce Mondial 98 avec ferveur comme tout ce qui touche au football. Malgré la terreur d'Allemagne-Yougoslavie et la tension d'Angleterre-Bulgarie, l'événement a apporté une énergie nouvelle sur laquelle les professionnels comptent pour la prochaine saison.

Par Alain Simoneau

Lens est ville du football plus que toute autre en France. Patrie du club champion cette année, l'ancienne capitale des houillères en reconversion économique accélérée ne peut que profiter de l'événement Coupe du Monde. Ici, pour beaucoup de professionnels des CHR, le Racing Club est tout simplement l'activité la plus porteuse de la ville. Le stade Bollaert est situé tout près du centre de la ville et de la gare, visible par tous depuis le haut du boulevard Emile Basly, l'artère commerciale centrale. Bollaert est la cathédrale de Lens. Le titre 1997-98, fêté jusqu'à trois heures du matin par plus de trente mille personnes a donné un nouvel élan à la passion de la population, 35.000 habitants intra-muros mais 330.000 dans une agglomération tout entière vouée à la cause. L'élan était donné, la ferveur très ancienne subitement embrasée. «Une euphorie saine, sans casse, suivie d'une atmosphère plus heureuse, laissant pour un temps les problèmes estompés», commente Bernard Legay, le patron du restaurant la Fiesta, porte-parole des CHR dans l'Union commerciale. «Nous avons vu qu'il était possible de monter des affaires grâce au football. Je suis certain que des événements bénéfiques vont arriver».

UNE NOTORIÉTÉ INESPÉRÉE

Bernard Legay pense là non seulement à l'environnement immédiat du jeu, mais à l'aura qu'apporte la réussite. Il estime que le RC Lens aide considérablement les développeurs de la ville à encourager de nouvelles implantations industrielles et logistiques. Le mouvement est déjà lancé. Premiers atouts de la ville : sa situation géographique et sa facilité d'accès par tous les modes transport, la jeunesse de sa population. «Les visiteurs notamment VIP l'ont remarqué, nous allons en profiter», escompte Bernard Legay. A cette ferveur locale, au respect des amateurs de football d'autres régions, la Coupe du Monde a ajouté une dimension internationale et une notoriété inespérée et deux journées de folie commerciale, particulièrement pour les bistrots et les points de vente de bière. La ville était jusqu'alors inconnue à l'étranger, sinon des supporters des clubs de football européens autrefois rivaux du Racing en coupe de l'UEFA. Défilés de géants du Nord (plus authentiques que les parisiens) et accueil bon enfant de cette population qui sait recevoir, extension d'un thème football dans la vie associative intense de cette population ont permis de lancer la Coupe. Les bistrots gros porteurs du quartier de la gare où se trouvaient nombre de cars de télévision ont été les premiers à surfer sur la vague. Répondant à notre confrère «Nord Eclair», Albert Pitaval patron du café de la Paix notait avoir été cité par des journaux croates et danois venus en reconnaissance.

+ 500% DE C.A. PAR JOUR !

Résultat, plus 500% par jour de chiffre d'affaires et trois ravitaillements de bière par jour durant les deux belles journées du premier tour, avec Croatie-Jamaïque et Danemark-Arabie Saoudite. Seule la braderie de Lille produit des quantités comparables. Pour ces deux seuls matches, l'apport aura été exceptionnel et irremplaçable par quelqu'autre manifestation locale ou nationale. Sans oublier la publicité télévisée gratuite. Sur la ville, puisque «ville de Lens» était inscrit à Bollaert sur tous les écrans de télévision pendant les retransmissions. Sur les bistrots, secondes vedettes lensoises, avec de gros plans sur les enseignes et les clients les soirs de matches... Avec son café Leffe place de la gare, et son café Hoegaarden pionnier de cette marque de cafés à thème dans un autre point fort de la ville, Interbrew n'en demandait pas tant ! Au hit-parade des bons clients étrangers, les Danois l'emportent haut la main devant les Croates et les Jamaïcains. Ces derniers, venus pour la plupart d'Angleterre auront toutefois laissé un excellent souvenir par leur capacité à faire la fête. Aucun problème d'adaptation pour les Lensois. Mais cette élégance des Danois en dépit de quantités incroyables absorbées, par demi-litre et non plus par demi-bock... Le gérant du Leffe n'attend que leur retour. Ce qui ne saurait tarder. A partir de la rentrée, le club et sa ville entament non seulement de nouvelles compétitions françaises, mais encore une carrière en Champion's league que l'on vivra ici comme une épopée. Il est évidemment indispensable que le club maintienne un bon niveau de résultats pour faire fructifier l'effet notoriété de la Coupe du Monde. A Lens, le mondial 98 n'était que l'étape forte d'un mouvement ample et enraciné. Pourtant, nul ne peut nier le désenchantement qui a frappé cette ville après le match Allemagne-Yougoslavie. Le drame du 21 juin qui a laissé un gendarme français en danger de mort a profondément affecté les Lensois. Cinq jours plus tard pour recevoir les Britanniques venus par tous les moyens de transport possibles, frappés d'interdiction de vente d'alcool en dehors des repas, la quasi totalité des commerces et des restaurants de ville et deux cafés sur trois étaient fermés pour la journée entière, celle dont on attendait le chiffre d'affaires le plus exceptionnel. Etrange situation alors que les stades de Leeds ou Bradford, l'histoire et les villes qui les entourent ressemblent comme des frères à Lens et Bollaert. La ville se prépare à la Champion's league en sachant désormais qu'il faudra à la fois gérer le meilleur et le pire.


Haute tension à Lens le 26 juin à une heure et demie du match pour recevoir les Anglais et les Colombiens.


Après les événements dramatiques du 21 juin, LE MONDIAL, comme LA MI-TEMPS, ont baissé le rideau.

Sur le vif

BONHEUR ET haute tension

A six jours du premier match, tout était prêt, en particulier dans les CHR. Partout les écrans étaient vissés pour les retransmissions. Au Sombrero, le premier bar à ambiance musicale de la ville, les patrons Hugues Dequersonnière et Hervé Nuez avaient mis en place décor et cocktail Coupe du Monde, et repassé les couleurs des équipes appelées à jouer. Anticipant les ennuis, le Sombrero proposait des cocktails light à 35 F et des sans alcool à 30 F. Le foot, ils ont l'habitude les soirs de retour de match du RC, et ils croient au fort potentiel de Lens, «une ville très vivante avec une bonne mentalité», appuie Hugues Dequersonnière. Optimisme très net aussi pour Alexandre Duez qui a repris un bar bd Basly six mois avant la Coupe et l'a baptisé simplement «Le Mondial». Tout pour le foot dans la décoration évidemment. Tout s'est bien passé jusqu'au dimanche 21 juin, quand ont sévi les nazillons en plein centre-ville. Ensuite, le charme est tombé et la tension est montée jusqu'au 26, jour d'Angleterre-Colombie. Finalement, il y eut peu d'échauffourées cet après-midi là. Mais aussi une tension palpable, une présence policière intense, et peu d'affaires pour les bistrots et restaurants. Deux sur trois étaient fermés. Les obstinés ont souvent installé des stands Coca-Cola à l'extérieur, ou filtré l'entrée pour accueillir les plus calmes des supporters. Au Leffe, on ouvert plus tard et fermé plus tôt.
Au Paparazzi, le patron italien soupirait : «J'ouvre parce que c'est mon métier. Mais les marges sont faibles et beaucoup d'Anglais disparaissent sans payer»... Satisfaction au Bollaert où des flots de soft drinks ont remplacé la bière au bistrot, tandis que les clients fortunés se pressaient pour manger et boire à l'intérieur du restaurant.


Au Sombrero, tout était prêt le 6 juin pour la fête...

Haute saison d'exception en hôtellerie

Dans un calendrier assez serré, l'hôtellerie lensoise et les restaurants des hôtels ont affiché complet du 10 au 29 juin à l'exception d'un creux modéré et variable selon les établissements entre le 14 et le 21 juin. Les annulations de dernière minute ont été comblées aussitôt par de nouvelles arrivées. L'Office de tourisme de Lens envahi pendant tout l'événement a vendu les hôtels jusqu'au dernier moment. Aucun hôtel n'avait passé d'accord avec Mondiresa, et on les comprend. Chacun à sa manière a joué la Coupe du Monde comme une haute saison d'exception et juge le mois de juin globalement très positif. Exemples, en trois étoiles le Lensotel (70 chambres en centre commercial, style resort méditerranéen) vendait la simple 400 F au lieu de 320 F affichés, un surcoût que Jean-François Navarro, patron propriétaire d'une affaire bien équilibrée entre clientèle d'affaires, familles et autocaristes, juge «raisonnable». «Reproche-t-on aux hôtels de la Côte d'Azur ou des stations de sports d'hiver leurs prix de haute saison», ajoute-t-il ? En deux étoiles le débutant Domaine des Pinchonvalles, en périphérie, affilié Inter Hotel, passait de 280 F affichés à 600 F. Pour H. Savary directeur et associé, «tous les mois comme celui-là, ce serait parfait». La palme revient à l'Espace Bollaert, 54 chambres à trois mi-nutes à pied du stade, un restaurant bourgeois et un bistrot, qui a vendu 1.400 F des chambres affichées 295 F. Pour Isabelle Parrain, gérante de cette affaire indépendante en relative difficulté, pas d'état d'âme. «Nous n'avons que des mois moyens et des creux terribles les week-ends et l'été, le football, c'est notre unique soutien», explique-t-elle. «C'était notre seule vraie haute saison, comment nous reprocher de ne pas la jouer ?»


L'Espace Bollaert, 54 chambres à 3 minutes à pied du stade : des chambres affichées à 295 F se sont vendues à 1.400 F !


L'HÔTELLERIE n° 2569 Hebdo 9 Juillet 1998

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