Le verdict est tombé le 23 juin. Le Palace, ancien haut lieu des nuits parisiennes,
fermé depuis le mois de décembre 96, a été acquis par les restaurateurs Pierre et
Jacques Blanc, pour seulement 7,5 millions de francs, lors d'une vente aux enchères
organisée à la chambre des notaires de Paris. Une vente à la bougie dont la mise à
prix du produit s'élevait à 4 millions de francs. Ce sont finalement les frères Blanc
qui ont remporté l'enjeu face au seul et unique enchérisseur le chanteur de rock
anglais, Michael Hucknall, propriétaire d'une vingtaine de boîtes de nuit aux
Etats-Unis, dont l'offre atteignait 7,1 millions.
Interrogé au Procope, l'une des sept brasseries du groupe, Pierre Blanc a indiqué son
intention de faire du Palace un lieu unique destiné à un public jeune, un lieu où se
mélangeraient à la fois des activités de spectacle, de restaurant et de boîte de nuit.
«Restaurateurs de métier avec pour vocation d'animer la vie nocturne parisienne au
travers de nos établissements ouverts nuit et jour comme Au Pied de Cochon, Le Grand
Café Capucines et L'Alsace, nous souhaitons poursuivre nos activités avec ce sens de la
convivialité et de la fête, c'est pourquoi, nous nous sommes portés acquéreurs du
Palace», ont souligné les frères Blanc.
«Par ailleurs, cette opération va également nous permettre de participer
activement au renouveau des Grands Boulevards, thème qui nous touche particulièrement,
étant donné l'implantation de plusieurs de nos affaires sur ces axes, à savoir Chez
Clément, Le Grand Café Capucines et Charlot, et auquel nous souhaitons contribuer».
Pour mener à bien leur projet, les frères Blanc estiment le coût des travaux à 20
millions de francs, l'état du Palace étant fortement délabré, et une réouverture des
lieux pas avant un an. Le bâtiment étant classé monument historique, les frères Blanc
ont soumis plusieurs projets de réhabilitation de l'ancienne discothèque au ministère
de la Culture. En attendant une réponse, Le Palace ravive les anciennes querelles et ce
rachat, qui semblait clore une page de l'histoire de ce lieu mythique, relance la
polémique. Tout d'abord, il faut savoir que l'affaire n'est pas clause. En effet, la loi
sur les ventes à la bougie laisse dix jours à toute personne pour se porter acquéreur
d'un bien après le dernier coup de marteau. La seule restriction réside dans l'offre ;
celle-ci doit être supérieure d'au moins 10% à la dernière enchère. Cependant, pour
l'instant, les frères Blanc restent les seuls acquéreurs. Selon le tribunal de commerce
de Paris, présidé par Jean-Pierre Mattéi, les frères Blanc sont les seuls à avoir pu
apporter des garanties suffisantes.
Mais les déboires du Palace sont beaucoup plus anciens ! Pour bien comprendre son
histoire, il faut revenir quelques années en arrière. Lancé à la fin des années 70
par Fabrice Emaer qui en fit l'un des temples de la nuit, il connut, après la mort de
celui-ci en 1983, un nombre incalculable de propriétaires et autant de déboires
financiers jusqu'à sa fermeture définitive en décembre 96.
En 1992, Régine s'y intéresse et le rachète pour 44 millions de francs.
Propriétaire du fonds, mais également des murs, dont elle n'arrivera pas à se séparer,
elle s'endette. En 1995, Philippe Fatien, qui exploite plusieurs boîtes de nuits
parisiennes, parmi lesquelles le Queen et les Bains Douches, lui propose 30 millions de
francs. Parallèlement, Michael Hucknall lui offre près de 50 millions. Seulement deux
mois plus tard, Le Palace ferme après une saisie de drogue. Régine se voit contrainte de
déposer le bilan en septembre 95. Pendant un an, Michael Hucknall va négocier pour
arriver à signer un protocole d'accord avec les créanciers. Il aurait alors investi cinq
millions dans Le Palace, à fonds perdus puisqu'après analyse du dossier, le tribunal
ordonne la liquidation judiciaire de la boîte de nuit et refuse l'offre de ce dernier,
estimant le repreneur «pas assez solide financièrement». Le Palace ferme
définitivement en décembre 96.
Une première tentative de vente aux enchères a lieu en mars 97 avec une mise de 22
millions de francs. Michael Hucknall est toujours dans la course. La vente n'aura pas
lieu. Il faudra attendre la seconde du 23 juin dernier qui, cette fois-ci, aboutira au
rachat du Palace par les frères Blanc.
Toutefois, aujourd'hui, l'affaire est loin d'être classée. La commission d'enquête
parlementaire, dirigée par Arnaud Montebourg, s'interrogerait sur la gestion de la
liquidation du Palace et Régine en profite pour faire état d'un appel téléphonique
l'informant que «Le Palace était réservé pour un juge qui veut le confier à un ami».
Une information judiciaire a été ouverte. Le passé de Pierre Blanc, juge consulaire à
Paris de 85 à 95, n'est pas passé inaperçu. «Je n'ai pas à me justifier car il n'y
a là aucun mystère, a assuré Pierre Blanc. La vente du Palace était une vente
publique. Tout le monde pouvait surenchérir.» Michael Hucknall, qui s'était dit
prêt à reprendre le Palace à 50 millions s'est arrêté le jour de la vente à 7,1 MF.
Personne ne l'empêchait d'aller plus loin !
B. Thiault
bthiault@lhotellerie-restauration.fr
Pierre et Jacques Blanc ont l'intention d'inverstir la somme de 20 MF pour mener à
bien les travaux de réfection du Palace, un établissement classé qui pourrait devenir
un lieu multiculturel axé à la fois sur le
spectacle, la danse et la restauration.
L'HÔTELLERIE n° 2568 Hebdo 2 Juillet 1998