«Le projet dispose en effet que sont également considérées comme agricoles, les
activités de restauration et d'hébergement à usage touristique ou de loisirs,
réalisées par un exploitant sur le site de l'exploitation, à condition qu'elles
présentent un caractère accessoire. Que signifient ces quelques mots ?
Cela veut dire que les agriculteurs pourraient, en toute légalité, ouvrir hôtels et
restaurants sur leurs domaines, tout en échappant aux lois et règlements qui s'imposent
aux établissements normaux.
Depuis des années déjà, nous critiquons sans relâche la concurrence déloyale que
certaines exploitations agricoles font à la restauration et à l'hôtellerie patentées.
Nous avions d'ailleurs été suivis par de nombreux tribunaux qui jugeaient -avec bon
sens- qu'un hôtel est un hôtel, même si son propriétaire exerce par ailleurs le
métier d'agriculteur. Un agriculteur peut, bien sûr et comme tout autre citoyen, ouvrir
un hôtel ou un restaurant, mais à la condition expresse que son établissement soit
soumis exactement aux mêmes règles -notamment fiscales et sociales- que les
établissements qu'il concurrence.
C'est précisément ce principe de bon sens que le projet de loi veut mettre en échec.
Or, il ne faut pas se dissimuler que, pour la restauration et l'hôtellerie de tourisme,
ce serait un mauvais coup très grave. On officialise le fait qu'il y a deux types
d'industrie hôtelière : celle qui supporte tout le poids des impôts et obligations
diverses et celle qui peut bénéficier de tous les avantages que nos lois accordent à
l'agriculture.
Pesons nos mots : pour beaucoup de CHR des régions rurales et touristiques ce sera la
fermeture. Les lois du marché font que si leurs voisins agriculteurs peuvent -par la
faiblesse de leurs charges et obligations- offrir un meilleur rapport qualité/prix, les
CHR normaux auront le plus grand mal à survivre. On verra se multiplier les dépôts de
bilan, s'aggraver le chômage... au détriment, en définitive, de l'économie locale.
Le SNRLH s'élève avec force contre cette véritable aberration. le gouvernement
veut-il vraiment la ruine de l'hôtellerie rurale et touristique ? A lire ce projet, on
peut sérieusement se le demander».
L'HÔTELLERIE n° 2568 Hebdo 2 Juillet 1998