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Nantes : opération sans risque

Seule ville de l'Ouest engagée dans la Coupe du Monde, Nantes accueille Japonais, Brésiliens, Américains... Les professionnels s'en réjouissent-ils pour autant ? Etat d'esprit mitigé dans l'hôtellerie, pessimiste en restauration et optimiste chez les cafetiers.

Par Olivier Marie

Les hôteliers nantais soufflent le chaud et le froid. Une seule question brûle les lèvres : les 4.932 chambres réparties dans 109 hôtels sur l'ensemble de l'agglomération sont-elles remplies et pour combien de temps ? Selon Gérard Henault, président du syndicat, "nous enregistrons un coefficient de 100% les veilles et jours de matchs. Avant et après, cela n'est pas terrible. Nous misons en moyenne sur un taux de remplissage de 70%." Les premiers établissements à avoir rempli leurs chambres ont été comme partout les trois et quatre étoiles, "et puis les réservations se sont portées sur les autres hôtels. Depuis (fin mai) les réservations concernent l'hôtellerie économique. Mais tout le monde a eu peur car tout s'est décidé tardivement", souligne Claudine Esnault, directrice de l'Otelinn La Beaujoire et vice-présidente de l'Office du Tourisme. Même si cette dernière demeure optimiste (voir interview), d'autres se plaignent des faibles taux d'occupation enregistrés en dehors des matchs. "Il suffit d'observer les 80 atterrissages quotidiens à l'aéroport !, signale Bernard Daniel de la Confédération. Les gens viennent pour les matchs et repartent aussitôt. Pourquoi ne pas avoir fait jouer les équipes dans une même ville, à l'image des précédentes Coupes du Monde ?"

En restauration, pas d'euphorie

L'hôtellerie profite tout de même de l'événement. On ne peut pas en dire autant pour la restauration. Selon Gérard Ryngel, propriétaire de La Villa Mon rêve à Basse-Goulaine et président des Tables Gourmandes, "ce n'est pas la grande euphorie." Il reste de la place dans tous les établissements, qui n'ont augmenté ni le personnel ni les prix. La petite restauration du centre tire davantage son épingle du jeu en créant des animations et en profitant de l'attrait du centre-ville. "Par contre, les animations dans les restaurants moyen haut de gamme, ne fonctionnent pas", rappelle G. Ryngel. Les Tables Gourmandes ont en effet parié sur les menus spéciaux et les animations, "mais je me demande si cela correspond bien à notre clientèle. Nous avons réalisé un repas franco-espano-nigérien lors du premier match. La clientèle n'a pas suivi, poursuit le chef. Ils viennent chez nous pour manger les spécialités du restaurant." Pour cette restauration (repas au-delà de 200 F), la clientèle se trouve davantage chez les entreprises invitant leurs clients, "et quelques individuels, notamment japonais." Ces derniers peuvent venir après match. "Chez moi par exemple, nous restons ouverts plus tard. Mais cela vaut-il le coup de fermer à 1 h du matin, pour deux ou trois tables de plus ?"
Au cœur de l'animation, les bars devraient largement s'impliquer dans l'événement (voir encadré le Virgil). Tous ont d'ailleurs reçu une dérogation de fermeture à 3 h du matin et Nantes ne reçoit pas d'équipes "à risque". Selon G. Henault, "beaucoup ont investi dans la décoration et les animations à thème, en fonction de leur clientèle." Pour bien s'organiser, les cafetiers font cause commune avec les autres commerces du centre, "et c'est une première", tient à souligner G. Henault.

 

«Jongler avec les groupes et les individuels»

Propriétaire de l'Otelinn La Beaujoire situé à deux pas du stade, Claudine Esnault fait le plein dans son établissement deux étoiles.

L'Hôtellerie :
Etes-vous satisfaite de votre taux de remplissage ?
Claudine Esnault :
"Mes chambres sont presque complètes pour près de 4 semaines ! Les quelques chambres de libre ne le resteront pas longtemps. Tout est histoire de gestion de planning. Jongler avec les groupes et les individuels, les réservations et les chambres prises au dernier moment."

L'H. :
Quelle clientèle allez-vous accueillir ?
C.E. :

"Des habitués, mais aussi beaucoup de Japonais, Américains, Brésiliens, etc. Les Japonais, très organisés (un quotidien japonais va livrer 8 exemplaires chaque jour), étaient déjà venus pour observer. Ils viennent par groupes entiers, arrivent deux jours avant et partent deux jours après leur match. Les Américains fonctionnent par E-mail, plus rapide mais impersonnel."

L'H. :
Et en restauration ?
C.E. :
"Nous proposons des plats français de la région. La carte a été remodelée pour l'occasion et nous présentons des animations dans trois salons différents. Pour capter la clientèle de passage, nous avons investi dans une terrasse crêperie. Enfin, nous vendons des sandwichs sous un barnum."

 

Le Virgil, 100% foot

Bar brasserie, Le Virgil n'a pas de problème pour trouver une décoration originale, l'un des deux gérants n'étant autre que Marcel Desailly, arrière de l'équipe de France. "Il nous a donné des maillots de foot que nous avons encadrés. Des espagnols, anglais, hollandais ou le maillot italien signé de tous les joueurs", explique Philippe Clément, l'autre gérant. La déco se compose aussi d'une Coupe du Monde géante encadrée des drapeaux français et brésilien, de ballons au plafond, de crampons de M. Desailly, de photos de Papin, etc. Le Virgil retransmet les matches sur 6 TV, organise des soirées spéciales jusqu'à 3 h 00... "L'un de nos sponsors nous affrète deux cars pour transporter nos clients au Quai West, la discothèque d'un autre joueur de foot."
Le bar propose de nouveaux produits sur sa carte brasserie tel ce bordeaux spécialement étiqueté Coupe du Monde. Le gérant compte "multiplier par 3 le chiffre si nous travaillons bien."


Une décoration 100% foot pour la brasserie Le Virgil dont l'un des gérants n'est autre que Marcel Desailly, le joueur de l'équipe de France qui fait l'unanimité depuis le début de cette Coupe du Monde.

 

Echos

Menus traduits
L'Office du Tourisme a eu la bonne idée de faire traduire par des linguistes des menus en plusieurs langues : japonais, portugais, espagnol, anglais, etc. Selon Gérard Ryngel, propriétaire de "Mon rêve" à Basse-Goulaine, "les clients japonais ont été très honorés de cette initiative." L'opération a été proposée gracieusement aux professionnels.

Cours de portugais
La brasserie Le Carnivore dans le centre-ville s'est allouée les services d'une association franco-brésilienne pour accueillir les supporters brésiliens. Cette dernière n'a pas hésité à donner quelques rudiments de portugais aux serveurs du Carnivore afin d'améliorer l'accueil. En plus de la langue, le Carnivore propose des animations exclusivement brésiliennes et une carte guinguette.

La Belle équipe
Ancien joueur professionnel de football ayant exercé à Metz, Nantes et Nice, Vincent Bracigliano tient un bar, La belle équipe, sur les rives de la Loire. Entièrement dédié aux sports, cet établissement propose des concerts et "nous nous rapprochons des ambiances des différents pays avec plusieurs groupes, des drapeaux sur l'extérieur, des alcools nouveaux..." Rien que la déco vaut le détour avec ses pièces dignes d'un musée (skis en bois, raquettes, vieux ballons de rugby cousus, etc.). Saluons l'état d'esprit volontariste de Vincent Bracigliano qui ajoute, "même si nous nous situons en arrière, nous faisons partie de la mise en scène !"

Le must des animations

Septième ville de France, Nantes est, du 10 juin au 12 juillet, "la première ville de France en nombre d'animations pour la Coupe du Monde", souligne Isabelle Simonet, chargée de communication à la Cité des Congrès. La cité des Ducs de Bretagne a d'ailleurs été choisie par les Japonais (futurs organisateurs de la coupe en 2002) comme ville d'observation.

"La fête est culturelle, économique, sportive et associative, avec l'organisation d'une coupe du monde des quartiers. Au programme : des démonstrations sportives, musicales, culinaires, artisanales, etc." Parmi les animations permanentes, la plage de Copacabana (2.800 tonnes de sable déversées sur le cours St Pierre) donne une ambiance brésilienne avec tournois de beach volley, de sculpture sur sable, etc. Le cours des 50 otages accueille le marché bleu de l'été avec des productions gastronomiques régionales, le quai Ceineray se transforme en une rafraîchissante guinguette du muscadet vibrant le soir au son de l'accordéon... Sans oublier les écrans géants, le festival international de Pyrotechnique (seule animation payante), le carnaval, etc. 2 millions de spectateurs attendus pour un coût de 30 MF.

Quid des marchands ambulants ?

Les marchands ambulants sont installés sur l'île Gloriette, près du centre. A la Beaujoire, ils désertent leur places habituelles, mais au dernier moment, ils ont reçu l'aval des autorités pour s'installer non loin du stade. Au grand dam de C. Esnault, propriétaire de l'Otelinn la Beaujoire. "On nous avait dit qu'ils ne viendraient pas alors nous avons investi dans une terrasse. Et maintenant les voilà juste à côté !" Pour autant, les marchands ambulants restent dans un périmètre restreint, Coca-Cola, sponsor de la Coupe du Monde n'ayant pas envie de les retrouver sur ses "terres" aux alentours immédiats du stade.


L'HÔTELLERIE n° 2568 Hebdo 2 Juillet 1998

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