Sa construction à l'époque n'avait pas soulevé l'enthousiasme des foules. Son
architecture, avec ses toits en pagode bleu turquoise posés sur du béton, non plus.
En 1992, le propriétaire de La Mer, restaurant de bord de mer bien connu des Marseillais,
avait obtenu l'autorisation de reconstruire son établissement sur les plages du Prado. La
Sogema, société d'économie mixte où la ville est actionnaire à 45%, lui avait loué
nu ce terrain appartenant au domaine public maritime et dont elle a la concession.
Le restaurateur avait investi 10 MF dans sa nouvelle affaire, construite sur 1.400 mètres
carrés autour d'une piscine.
Mise en liquidation en 1995, La Mer avait été rachetée 6 MF par un promoteur
immobilier, Jean- Claude Madonna, mais l'établissement ne parvenait toujours pas à
trouver une clientèle. Au point d'ailleurs qu'il avait changé d'activité et avait été
transformé en dancing, sans autorisation. Illégalité qui, ajoutée aux dettes,
conduisait à une nouvelle faillite en septembre 1997. La Sogem rachetait donc La Mer
après appel d'offres au syndic de liquidation à un prix de loin inférieur au
précédent...
Pour tenter d'améliorer son espérance de vie, elle a scindé les locaux en quatre, dont
deux boutiques. L'espace entourant la piscine a été désolidarisé du restaurant afin
d'y édifier une construction supplémentaire de 90 mètres carrés et de créer un
restaurant grill à thème sportif. Quant à La Mer, elle garde son nom mais se replie sur
600 mètres carrés pour devenir une brasserie haut de gamme.
L'établissement souffrait sans doute de la disparité presque antagoniste de sa
clientèle avec, d'un côté, celle qui venait pour profiter de la piscine (location de
matelas et parasols), de l'autre celle qui venait pour trouver en bord de mer un
restaurant «classe». «C'est pourquoi nous avons choisi cette solution», estime
Gérard Girel, directeur du service gestion de la Sogima.
La SEM a investi 1 MF pour améliorer les abords extérieurs (espaces verts) et réaliser
le partage des espaces et des réseaux.
Le restaurant grill a ouvert ses portes pour la Coupe du Monde de Football. A la grande
satisfaction des trois jeunes associés qui ont signé le contrat d'amodiation.
Le pari ne leur fait pas peur : tous trois sont d'anciens professeurs de gym et exercent
dans les métiers de bouche. Dominique Penciolelli et Alain Michaud-Bonnet tiennent même
déjà les rênes de l'Indigo, un restaurant "voisin" de l'Escale Borely .
"Nous avons choisi le concept du bar à bière qui marche très bien et du grill
(poissons et viandes), mais en les déclinant, pour les renouveler, autour du style
"Sport-café». Nous sommes ouvert sept jours sur sept de huit heures à deux heures
du matin. Nous tablons sur un ticket moyen de 150 à 200 F. Nous avons une formule
"brunch" à 100 F le matin, un menu d'appel à 65 F à midi et à 98 F le soir»,
explique Dominique Penciolelli.
L'ambiance "Sport café" est donnée par la décoration (tables en forme de
surf, piétements en roues de formule 1, etc.), l'activité billetterie pour les
événements sportifs, l'installation d'un terrain de pétanque à côté du bar
extérieur, la retransmission de l'actualité sportive et l'organisation en journée
d'animations sportives autour de la piscine (aquagym, mini-club enfants, baptêmes de
plongée, cours de natation...).
Côté grill, poissons et viandes sont exposés à l'étalage sur une banque réfrigérée
"pour que le client ait l'impression de faire lui même son marché" et sont
cuits "en public" sur le barbecue intérieur. Une fois par semaine, le Sport
Café organisera des animations avec orchestre.
Quand à La Mer, qui a rouvert le 1er mai, son avenir repose désormais entre les mains
de Jean-Claude Maggiani-Antoniotti, président de la Société de Restauration et de
Promotion (SPR). La SPR est bien connue à Marseille pour son activité de traiteur et de
restauration événementielle ou ponctuelle (exclusivité de la restauration du circuit
automobile Paul Ricard au Castelet notamment) mais ne gérait jusque-là aucun
établissement ouvert quotidiennement.
"Je n'avais pas l'intention de reprendre La Mer, mais on est venu me le demander.
C'est un restaurant qui a une histoire et qui fut jadis réputé. Le pari m'intéresse
donc", confie Jean-Claude Antoniotti qui annonce un investissement de l'ordre de
1 MF pour la rénovation intérieure mais reste discret sur le coût de reprise du
fonds...
Le restaurant, au milieu duquel trône un "pointu" marseillais (barque) monté
sur roulettes en guise de desserte, comporte désormais 120 places intérieures (80 places
en terrasse) en configuration normale et 300 en configuration banquets, auxquelles
s'ajoutent 400 mètres carrés de terrasse.
Carte jouée : celle des poissons et des spécialités régionales avec un ticket moyen de
200 F, une assiette "canaille" à 88 F et un menu du jour à 125 F à midi, un
menu à 185 F le soir. Cibles : les hommes d'affaires à midi et la clientèle
traditionnelle, en quête d'un lieu calme et stylé, sans être compassé, le soir.
Jean-Claude Saindrenan, le chef formé chez Taillevent à Paris, puis restaurateur à
Cassis et à Nîmes, souhaite, "faire du nouveau avec des recettes
anciennes." A la carte donc, côté entrées : soupe de poissons, terrine de
fenouil, omelette au crabe, mousseline de rascasse, brandade de morue (de 45 à 75 F) ;
côté plats : poissons grillés, marmite du pêcheur, chaudrée de poissons façon
bouillabaisse, mérou rôti à la sauce vierge et au confit d'oignons, viandes diverses,
pieds et paquets (de 72 à 140 F). "Nous allons tester la formule et nous nous
adapterons ensuite à la clientèle", conclut Jean-Claude Antoniotti.
L. Casagrande
Le restaurant comporte désormais 120 places intérieures, 80 places en terrasse,
auxquelles s'ajoutent 400 m2 de terrasse.
L'HÔTELLERIE n° 2568 Hebdo 2 Juillet 1998