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Editorial

Bistrots et restos maudits

Quelques dizaines d'Anglais imbibés et autant de désoeuvrés «des quartiers nord» de Marseille ont pas mal cassé dans la cité phocéenne à l'occasion de la rencontre Angleterre-Tunisie de la Coupe du Monde de Football.

L'événement était, paraît-il, prévisible. Les «hooligans» sont, dit-on, connus des services de police britanniques qui, en collaboration avec leurs collègues français, étaient bien décidés à tout mettre en oeuvre pour éviter les regrettables débordements qui ont finalement eu lieu. Malgré cette menace, à laquelle s'ajoutait la tentation permanente de quelques excités de la banlieue marseillaise à en découdre, les pouvoirs publics n'ont rien fait pour prévenir l'explosion de violence qui a sérieusement terni la première phase du Mondial 98. Il n'était pourtant pas besoin d'être un spécialiste du renseignement pour supposer les risques d'un match Angleterre-Tunisie à Marseille. Dès le vendredi précédent, après la victoire de la France sur l'Afrique du Sud, de très actifs «supporters» descendaient la Canebière en brandissant... le drapeau tunisien.

M. le Préfet de police de Marseille n'a pas considéré néanmoins qu'il y avait eu faute de l'autorité publique. Chacun a pu l'entendre déclarer devant les caméras de télévision que l'alcool était le principal responsable de ces regrettables événements, ce qui relevait d'une vérité d'évidence, précisant qu'une mesure efficace venait d'être prise : la fermeture des débits de boissons.

Cette simple précision suffisait à désigner enfin le pelé, le galeux, l'infâme pourvoyeur de boissons fortes : le bistrot. Car vous l'avez bien constaté : Anglais et Marseillais abrutis de bière se sont enivrés dans les estaminets du Vieux Port et de la Canebière.

M. le Préfet est rassuré, ce ne sont pas les failles dans le dispositif de maintien de l'ordre ni l'idée sublime d'une retransmission sur la plage où étaient joyeusement mélangés les supporters des deux camps qui ont provoqué les dégâts. Ni d'ailleurs les grandes surfaces de la région marseillaise, dont le chiffre d'affaires «alcool» de ces chaudes journées n'a certainement pas souffert des événements.

Et comme il vaut mieux tenir un suspect vite reconnu coupable, ce qui se fait couramment en France, M. le Préfet de Toulouse, en prévision d'un match à haute tension Roumanie-Angleterre, lundi prochain, a décidé de la fermeture des cafés et restaurants de la Ville Rose à partir de 23 h, et ce dès le 18 juin, soit 4 jours avant l'événement !

Il est temps pour la profession de réagir avec force contre ces mesures discriminatoires : si les bistrots ont pour vocation de vendre des boissons alcoolisées à consommer sur place, ils ne fournissent pas, à ce qu'on sache, les milliers de canettes qui jonchent les abords des stades après le passage des hordes enivrées.

Et puisqu'il s'agit des Britanniques, faut-il rappeler que le gouvernement de sa Très Gracieuse Majesté a naguère supprimé la fermeture des pubs à 23 h, car on avait constaté que cette mesure incitait les buveurs impénitents à consommer davantage avant l'heure fatidique...

Souhaitons néanmoins à M. le Préfet de la Haute-Garonne une belle soirée de football lundi prochain, en espérant qu'il ne s'est pas trompé de cible. Il reste aux cafetiers et aux restaurateurs l'amertume d'être encore une fois désignés pour une situation à laquelle ils ne peuvent rien. Fermer les établissements est-il le meilleur moyen d'assurer l'animation et la fête dans la ville ?

L.H.


L'HÔTELLERIE n° 2566 Hebdo 18 Juin 1998

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