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L'Air du Temps de... Patrick Derderian

La restauration est-elle toujours un métier d'avenir ?

Une nouvelle rubrique qui veut donner la parole à tous ceux qui imaginent l'avenir. Débat d'idées, quelquefois provocation, ces réflexions ont pour but de vous faire réagir. Entretien avec des créateurs. Cette semaine, la parole est donnée à Patrick Derderian.

«On a assisté au cours de ces dernières années à un grand bouleversement dans le métier au niveau de la gestion de la restauration. Jusqu'à il y a environ une quinzaine d'années, l'objectif des personnes entrant dans le milieu professionnel de la restauration consistait à ouvrir sa propre affaire un jour ou l'autre. Par ailleurs, les salaires étaient plus élevés. Aujourd'hui, ce schéma semble de plus en plus difficile à réaliser. Les salaires ont baissé, le taux d'imposition a augmenté : pourquoi travailler plus si c'est pour payer des impôts et ne pas profiter de ses avantages ? Du coup les gens travaillent moins et gagnent moins d'argent. De plus, les coûts et les risques sont devenus beaucoup plus importants dans le cadre de l'ouverture d'un restaurant. En d'autres termes, l'économie française n'incite pas à la création d'entreprises. Du reste, c'est un secteur où la création d'entreprises se fait rare et on peut se poser la question de savoir pourquoi il n'y en a pas davantage.

Prenons un exemple concret pour mieux comprendre. Avant, avec 100 F de capitaux propres, j'investissais 300 francs, grâce à un emprunt bancaire de la somme équivalente à ma mise de départ, soit 100 francs, et 100 francs de cash-flow. Ces 300 francs généraient un chiffre d'affaires de 900 francs, soit une rentabilité de 5% suffisante pour créer un rendement de 45 à 50% sur capitaux propres. Aujourd'hui, avec la même mise de départ, la banque accepte le prêt équivalent mais le cash-flow est nul, donc l'investissement de départ ne s'élève plus qu'à 200 francs. Cette somme peut générer un chiffre d'affaires de 400 francs au maximum. Et pour arriver à la même rentabilité que la précédente, il faudrait réussir à faire 12% de résultat, contre 5% auparavant, le tout avec moins de personnel, mais des charges supplémentaires très importantes. Ce qui relève de l'impossible. C'est l'une des raisons pour laquelle la restauration est l'un des domaines d'activité qui recense le plus grand nombre de dépôts de bilan.

Réduire les charges salariales

La gestion du personnel pose également des problèmes au restaurateur. Les charges salariales ont tellement augmenté que les entreprises ont réduit leur personnel, faute de moyens. Du coup, la qualité de l'accueil et du service s'en ressent. Un problème grave dans une profession qui génère des métiers de service, faisant appel à des hommes et des qualités humaines qui aujourd'hui n'existent plus, car l'employeur n'a plus la possibilité de les rémunérer à leur juste valeur. Un problème qui persistera tant que le gouvernement ne réduira pas les charges salariales.

On rencontre ce même type de problème dans le cadre du contrat d'apprentissage. Une formation remise au goût du jour qui ne tient pas compte de l'employeur. Aujourd'hui, l'entreprise doit rémunérer l'apprenti selon les lois en vigueur, non seulement au cours de son apprentissage dans l'entreprise, mais également pendant sa période de scolarité. D'autre part, l'employeur se voit contraint de payer la taxe d'apprentissage, alors qu'il emploie des apprentis. Ce qui n'était pas le cas auparavant, puisque dans ce cas-là, elle était déduite.

Par ailleurs, on assiste également à l'heure actuelle à une motivation très réduite chez les jeunes. En effet, la conjoncture incite au travail mais les compensations sont minimes. Les jeunes ne sont plus motivés.

L'industrialisation est un autre facteur qui a accéléré le processus de démotivation. Contrairement à certains métiers où l'industrialisation a frappé, les métiers rencontrés dans la restauration restent des métiers de service, qui ne peuvent pas être remplacés par des machines, outre le département comptabilité et la caisse du restaurant.

Toutes ces innovations ont permis au restaurateur de savoir aujourd'hui gérer son entreprise, mais en contrepartie, il consacre moins de temps à ses clients. Les temps changent. Au restaurateur de s'adapter. Toutefois, certaines contraintes ne pourront être résolues sans l'aide du gouvernement.

Propos recueillis par B. Thiault
bthiault@lhotellerie-restauration.fr


L'HÔTELLERIE n° 2564 Hebdo 4 Juin 1998

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