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Vie professionnelle

Après l'instauration d'une taxe de séjour à Lille

"Il faut casser les cloisons"

Véronique Davidt, adjointe au tourisme à la Ville de Lille s'attelle en concertation avec la profession à la création d'une destination touristique métropolitaine. Elle s'en explique ici, et affirme des convictions dont les hôteliers attendent fermement les effets.

Depuis le 1er janvier, les nuitées vendues par les hôteliers lillois sont soumises à une taxe de séjour sur la base d'un franc par étoile plus un franc, sous réserve des réductions (enfants de moins de dix ans, familles nombreuses), et exonérations d'usage (notamment les VRP et les fonctionnaires en mission). Les modalités de perception d'abord envisagées annuellement sont depuis une délibération municipale du 6 avril, élaborée avec la profession, organisées en trois périodes de quatre mois, en décalage avec les sorties de trésorerie destinées à l'Urssaf. Exceptionnellement, la première mise en recouvrement pour la période de janvier à août est prévue au 1er septembre.

La taxe est prévue au réel, sur base déclarative, donc "sur la base de relations de confiance", commente Véronique Davidt, adjointe au tourisme, à l'origine de la taxe. Elle est limitée à la seule ville de Lille. Le produit escompté sur la base de simulations serait de l'ordre de 1,5 à 2 MF.

En vertu de l'engagement pris vis-à-vis du Club Hôtelier représentant la profession dans la négociation, le produit de la taxe ne doit être affecté qu'à un plan d'action concerté pour la destination Lille mis en œuvre par l'office du tourisme. Mais certaines villes ont connu des déconvenues dans la perception de la taxe. La première perception sera donc un test, et son bon recouvrement conditionnera dans une large mesure les actions menées par la suite.

Pourquoi cette taxe ? "La taxe manifeste que la ville s'intéresse au tourisme, répond Véronique Davidt. A Lille, c'est une volonté nouvelle, qui devrait nous conduire à un classement en ville touristique. Nous ne sommes pas une cité balnéaire ni une capitale de très grand renom, mais nous construisons et mettons en valeur méthodiquement nos atouts". "Je suis adjointe au tourisme depuis trois ans, poursuit-elle. Je voyais Lille prendre un virage vers le tourisme depuis quatre à cinq ans. Nous étions comme on dit une "ville d'art" où on ne s'arrêtait guère jusque-là. Mais la ville avait déjà investi indirectement pour le tourisme : la réhabilitation du vieux Lille, la refonte complète du Musée des Beaux Arts, l'Orchestre national, les festivals, et bien sûr le carrefour TGV entre Paris Londres et Bruxelles et le projet Euralille, sans oublier la construction d'une nouvelle aérogare à Lille Lesquin par la CCI. Priorité avait été donnée à la reconversion économique, mais le temps du tourisme était venu. De plus, si le projet Euralille n'a pas abouti, il nous a donné une impulsion, un commencement de notoriété qu'il ne fallait pas laisser retomber. La profession hôtelière, dans une période difficile était par ailleurs très motivée par une action en faveur du tourisme pour compléter sa vocation d'hôtellerie d'affaires. Il fallait agir mais nous manquions de budget. La loi nous permettait de créer cette taxe qui sans grever d'un nouvel impôt le citoyen lillois permettait d'engager une action. Je l'ai proposée à un niveau modique. La profession a décidé de collaborer, sous réserve d'une affectation des fonds à la promotion touristique".

Véronique Davidt l'affirme, "les hôteliers sont pour nous des partenaires essentiels. Sur trente-cinq hôtels étoilés à Lille, vingt-neuf sont adhérents à l'Office de tourisme. Le vice-président de l'Office est un hôtelier. Nous répondrons à leur attente, nous négocions ce qui est à négocier".

Une métropole multipolaire

Il fallait toutefois lever une objection de taille. La destination de Lille vise une agglomération d'un million d'habitants, mais la commune de Lille compte quelque 175.000 âmes seulement. Pourquoi taxer les visiteurs de Lille seulement, et est-il possible de faire la promotion de la seule ville de Lille ? "C'est vrai, nous sommes une agglomération multipolaire, dans laquelle Lille ne tient pas une place écrasante comme Lyon ou Toulouse dans leurs aires métropolitaines. Mais Lille assume une vraie charge de centralité. C'est la destination Lille que nous vendons", explique Véronique Davidt. Mais Lille seule "est incapable de réaliser l'ensemble de l'effort de promotion attendu par les hôteliers. C'est pourquoi outre la recherche de ressources nouvelles, nous travaillons à abattre les cloisons pour agir de concert et mobiliser toutes les ressources disponibles". La communauté urbaine de Lille (Cudl) n'a pas compétence de principe sur le tourisme. Mais elle pourrait ajouter le thème touristique sans grands frais supplémentaires à son budget de communication. Et surtout la Cudl a accepté le principe d'une certaine coordination stratégique dans le domaine touristique. L'un de ses vice-présidents, Daniel Barbarossa est désormais chargé du tourisme. Le dossier de la création éventuelle d'une taxe de séjour viendra vraisemblablement à l'ordre du jour dans d'autres communes de la Cudl, chacune à son heure. Le terrain économique, humain et politique, l'opinion des hôteliers également sont différent dans chaque commune. "Nous travaillons également avec d'autres collectivités, comme le Département et la Région à travers le CDT et le CRT. Lorsque nous sommes présents sur de grands salons à Berlin ou Londres, nous nous vendons comme destination Lille au milieu d'une région. Réciproquement pour la côte d'Opale, par exemple, Lille doit être la porte de cette région. Là aussi, nous abattons les cloisons et nous optimisons nos ressources en faisant stand commun".

Cela dit où en sont les actions après trois mois de validité de la taxe ? "Provisoirement l'Office de tourisme poursuit une activité d'édition (plan guide, guides des hôtels, guide professionnel à l'usage des prescripteurs de voyages), assure une présence active sur les foires et salons en liaison avec d'autres collectivités et le Club hôtelier, travaille avec Maison de la France". S'agissant des fins de semaine et des mois d'été, la plaie commerciale de l'hôtellerie lilloise, la ville travaille à "adapter son calendrier d'activités pour pouvoir proposer des produits de séjour culturels et loisirs, des prolongations de séjours d'affaires et de congrès. Par exemple, toutes les expositions et manifestations attractives ne doivent pas avoir lieu hors les mois de juillet et août". Il faudra aller plus loin. En attendant, la profession constate dès à présent une présence britannique en week-ends et l'été qui résulte semble-t-il à la fois de l'effet tunnel-TGV et du travail de promotion entrepris depuis des années.

Deux chantiers immédiats

Pour la suite, Lille a engagé deux grands travaux, l'un à base d'idées, et l'autre pratique. Le premier chantier est "un chantier de réflexion pour la construction d'un plan de promotion.". On l'espère mûr pour la fin de l'année et accepté de tous, toutes cloisons abattues...

Une signalétique réservée aux hôtels de la ville

Le second chantier concerne la signalétique hôtelière. Les premières études se chiffrent selon les solutions dans une fourchette très large de 800.000 F à 3 MF. L'addition finale se situera vraisemblablement entre les deux, et dépendra de la bonne perception de la taxe de séjour. Pour hâter le processus, la ville fera l'avance et se remboursera éventuellement sur plusieurs années. En pratique, Véronique Davidt s'oppose à l'idée d'une signalétique réservée aux payeurs. Bien entendu, la signalisation sera réservée aux hôtels de Lille. La taxe permet de financer une signalisation pour tous. "Rien n'est techniquement arrêté", reconnaît-elle. Il faut concilier l'impératif de bon résultat pratique pour le visiteur et les hôtels, le budget, l'esthétique et le style de la ville, et obtenir l'aval de la Cudl qui a compétence en matière de voirie et de circulation. Nous nous dirigeons vers un concept d'itinéraires balisés par des "relais information services" (RIS) où le visiteur trouvera plans, localisation des hôtels, numéros de téléphones et téléphones sur place pour réserver. Aux entrées de ville, des directions générales seront indiquées, puis de carrefour en carrefour chacun des hôtels sera indiqué. Pas question de mesurer le nombre de panneaux et d'établir une égalité comptable entre hôtels. Ceux qui sont les plus difficiles à trouver bénéficieront de davantage de panneaux". L'objectif reste de réaliser ce chantier avant la fin de l'année.

La signalétique sera évidemment un test pour la suite de la collaboration hôtellerie-Office de tourisme et ville de Lille. Les hôteliers attendent des actions en général et celle-ci en particulier depuis de nombreuses années. Ils se sont montrés pour le moins coopératifs. On leur fait observer à quel point il importe de payer sa taxe bien à l'heure. Il serait surprenant qu'ils n'obtempèrent pas. Mieux vaudrait en retour qu'ils soient traités avec efficacité.

A. Simoneau
asimoneau@lhotellerie-restauration.fr


Véronique Davidt, adjointe au tourisme de la ville de Lille : "La taxe de séjour manifeste l'intérêt d'une ville pour le tourisme."


L'HÔTELLERIE n° 2563 Hebdo 28 Mai 1998

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