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Restauration

Concours du Meilleur Sommelier du Monde

Eric Beaumard est prêt !

Meilleur Sommelier de France (1992) et d'Europe (1994), Eric Beaumard prépare depuis quatre ans le concours mondial programmé les 6 et 7 juin à Vienne (Autriche). Il se dit prêt à faire face à cette redoutable échéance.

A Montrond-les-Bains dans la Loire, on vit déjà à l'heure du Mondial de... Football avec la réception préparée de quelques équipes participantes et de journalistes accrédités.
A La Poularde, le restaurant le plus coté de cette ville de 4.000 habitants avec ses deux étoiles au guide Michelin, c'est également de Mondial dont il s'agit : celui de sommellerie.
Complice du chef Gilles Etéocle -MOF et Prix Taittinger- depuis 1987, Eric Beaumard prépare le concours le plus prestigieux dans sa spécialité et pour mettre toutes les chances de son côté, il n'a négligé aucun détail.
Pour L'Hôtellerie, il dévoile les principaux aspects d'une préparation qui s'apparente à celle d'un sportif de haut niveau à la veille des Jeux Olympiques.

La sélection :

«J'ai laissé passer le précédent Mondial à Tokyo, puis j'ai eu le plaisir d'être qualifié en septembre face à Olivier Poussier. Ce désir de ne pas faire Tokyo m'a permis de faire le tour du monde viticole en quatre ans.
Aujourd'hui, je suis prêt. Je vendrai très cher ma peau, mais ce qui compte, c'est que le meilleur gagne

La préparation :

«On n'a pas de cadre précis pour se préparer. Chacun le fait à sa façon, moi je l'ai faite tous azimuts sur trois pôles :
- les voyages. Pendant une grande partie de mes congés sur quatre ans, j'ai fait le tour du monde : les pays du nouveau monde avec une réalité viticole très forte et les pays de tradition viticole, Europe et ancienne Europe.
- la théorie. Deux heures par jour depuis trois ou quatre ans sur la base des renseignements obtenus auprès des ambassades et des organisations viticoles du monde entier.
- la pratique. Dégustation quotidienne doublée de cours d'anglais, puisque si je fais la finale, ce sera totalement dans cette langue. Je travaille avec mon épouse qui me fait déguster tous les jours, à moins de trois minutes par vin, et m'aide à m'exprimer en anglais.

Je suis depuis quinze ans dans le métier et depuis quatre ans je ne pense qu'à ça. C'est très lourd et je comprends que tout le monde ne puisse pas le supporter. Chaque jour, j'ai consacré la moitié de mon temps professionnel, c'est-à-dire sept à huit heures. J'ai également fait plusieurs sessions avec Georges Pertuiset, le président de la sommellerie française. On ne fait pas toute cette préparation seul, mais avec une entreprise et sa famille

L'investissement :

«Il n'est pas obligatoire pour gagner de faire le tour du monde, mais je le sentais ainsi. Si j'ai le plaisir de gagner, je veux que les gens autour de moi comprennent que je n'ai pas appris que sur le papier, mais que je suis allé voir les gens pour comprendre le pays. J'ai créé une association où je suis tout seul, avec pour objet de permettre au président de se former pour donner ensuite des cours de dégustation. Le coût total est de 300.000 francs pour lequel j'ai trouvé des sponsors dans la région, qui ne sont pas du domaine du vin, mais comprennent le message que je veux faire passer

Le travail au quotidien :

«En terme de sponsoring, je n'ai jamais rien demandé à Gilles Etéocle qui m'a apporté un appui moral fondamental dans notre profession. Il arrive que le chef ait une certaine appréhension quand l'étoile du sommelier commence à briller. Ce n'est pas le cas chez nous, où il nous semble préférable que un et un fasse... trois.
Gilles m'a toujours suivi et voit l'effort considérable que j'ai fourni. S'il y a gain, il sera aussi pour La Poularde et pour l'ensemble de l'entreprise.
Travailler dans le restaurant d'une ville de 4.000 habitants n'a jamais été un handicap, car il faut être bien plus fort que ça. On peut avoir un staff fabuleux, la force est en soi... car le jour de la finale on sera tout seul devant sa feuille.»

Les connaissances :

«Tout réside dans la façon de présenter le vin et d'en parler, de donner aux gens l'envie de continuer et d'entrer dans ce monde fabuleux. Mon objectif est là : donner aux gens l'envie d'aller plus loin dans l'art de vivre, de déguster les vins et de les comprendre en découvrant leurs vraies valeurs.»

L'apport d'un titre :

«Lors de mes premiers concours, il y avait en moi une hargne terrible vis- à-vis de mon handicap. Puis les choses ont évolué, sans doute parce que je suis devenu plus mature. Aujourd'hui, il y a deux éléments :
- le premier, totalement égoïste et personnel, est que l'on aime gagner.
- le second part du constat qu'un titre plus élevé donne une écoute plus importante. L'intérêt est là. Grâce à ce concours, je pourrai communiquer ma passion, faire découvrir ce métier aux jeunes et apporter une pierre à l'édifice

Le mental :

«Il faut une énorme préparation mentale. C'est un état d'esprit particulier. Comme dans le sport, il faut avoir la gagne. Il ne faut se laisser aucune porte de sortie, parce que de toute façon on ne saura jamais tout.
En finale, il y aura des éléments que je ne pourrai pas maîtriser et il faut que dans mon esprit tout soit clair. Je vais à Vienne pour gagner, mais je respecte celui qui me battra au même titre que ceux que je battrai.»

La philosophie :

«Il est important d'être tolérant. Si un métier accepte un tel handicap, c'est un métier qui grandit parce que personne n'est jamais à l'abri de quoi que ce soit. Si ton propre enfant est comme ça, tu espères alors qu'il puisse être accepté comme les autres. C'est le message que je veux faire passer

Le jour J :

«Je ne vais penser qu'à ça. Malgré la présence de mes parents et d'une cinquantaine de personnes qui viendront d'ici, je ne verrai personne autour de moi.
On entre dans le sport ! On va rester cinq jours avant la finale avec les délégations, c'est la pression, c'est l'intox dont il faut savoir se détacher...
Il ne faut surtout pas dévoiler ses cartouches.»

La finale :

«Trente pays sont en lice le premier jour. En finale, il n'en reste que trois qui ne sont connus qu'une demi-heure avant. Il y a une très forte pression dont il faut savoir faire abstraction. Dans ces cas là, je suis tellement concentré que je répète tous les éléments, tous les gestes avant l'épreuve. Si je vais en finale, tout sera supervisé dans la tête.
Je ne regarde personne : il n'y a que le jury et le public. Mon but est de donner aux gens l'envie d'être servis par moi. J'ai quelques petits trucs à moi que je ne dévoile pas maintenant... mais il faudra émouvoir

J.-F. Mesplède


Faire découvrir les vins...

Digest

Eric Beaumard, 35 ans, originaire de Fougères en Bretagne.
Marié (Marie-France), trois enfants (Margot, Lisa, Baptiste).
Apprentissage de cuisine stoppé par un accident de la circulation qui le bloque pendant trois ans et prive son bras droit de toute motricité. Olivier Roellinger lui suggère de s'orienter vers le vin. Après cinq ans de galère, c'est le bonheur puisqu'il remporte successivement les titres de Meilleur Jeune Sommelier de France (1987), Meilleur Sommelier de France (1992) et d'Europe (1994).
«Je pensais que mon premier titre m'ouvrirait des portes, mais j'ai éprouvé des déceptions. Deux personnes que j'avais sollicitées n'ont pas vu le titre, ils n'ont vu que le handicap et n'ont pas vu les yeux», souligne-t-il.
Gilles Etéocle a su lui faire confiance en lui confiant en 1987 la cave de La Poularde, passée de 60.000 et 500 références à 25.000 et 3.000 références dont 290 étrangères aujourd'hui, avec une gamme de prix de 90/100 francs à 6.000 francs.
«Nous n'appliquons pas un coefficient linéaire. Il peut varier de 2,4 à 4. Il est moindre sur les grands vins pour permettre aux gens de les découvrir



Toujours une grande complicité avec Gilles Etéocle.



Donner envie aux gens d'être servi par moi.


L'HÔTELLERIE n° 2563 Hebdo 28 mai 1998

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