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n Les bars d'hôtels

Souhaités, mais difficiles à faire fonctionner

Lieux de convivialité et de communication par excellence, les bars en France représentent un véritable symbole national. Parallèlement, les bars d'hôtels, pourtant souvent agréablement conceptualisés, attirent beaucoup moins les foules. Souffriraient-ils du même syndrome que les restaurants d'hôtels ?

Bien que la France face figure de recordwoman au regard du nombre de ses bistrots et cafés, les bars d'hôtels, contrairement à ceux des pays anglo-saxons, ne profitent que d'une petite part du gâteau. En effet, dans l'esprit des Français, l'hôtel a pour seule vocation d'offrir une prestation d'hébergement. Aussi lorsqu'ils décident d'aller prendre un verre seul ou entre amis, trop peu ont le réflexe de franchir le hall d'un hôtel. Pire encore, certains pensent même que le bar, au même titre que le restaurant, est réservé aux clients de l'hôtel uniquement, ce qui est vrai officiellement, mais faux en pratique. En effet, les bars d'hôtels sont en général soumis à une licence spécifique qui ne les autorise à accueillir que leur clientèle hébergée et leurs invités. Mais, les contrôles d'entrée de la clientèle sont difficiles et l'administration ferme en général les yeux sur le respect de cette disposition réglementaire. Pour autant, les bars d'hôtels munis de cette licence particulière ne peuvent en principe avoir un accès direct sur la rue. Si les hôtels de longs séjours et de vacances ont un bar indispensable, les hôtels de centre-ville à forte proportion de clientèle d'affaires ont en général plus de mal à faire fonctionner le leur. En dehors des séminaires, les clients individuels ont souvent du mal à s'y installer, parce que de plus en plus d'hôteliers ont un bar sans toutefois disposer du personnel adéquate. Ainsi, bien qu'ouvert, le bar ne dispose pas de barman attitré et ne peut donc pas offrir la convivialité ou l'ambiance attendues.

Le bar, élément d'animation et de vie de l'hôtel

"C'est un peu l'oeuf et la poule. Pas de clients et pas assez de revenus pour embaucher un barman. Mais, pas de barman et pas de clients. Et puis, à part dans les grands hôtels, le personnel de bar est trop jeune, incapable d'animer et de parler à la clientèle. Un bar vide est triste. C'est une contre publicité pour l'hôtel, surtout le soir", résume non sans humour, Bertrand Perdrier, qui dirige un hôtel dans le Nord. Beaucoup d'hôtels neufs ont soit supprimé tout espace de bar depuis les années 1980 (alors qu'avant il y en avait presque toujours), soit associé le comptoir de bar avec celui de la réception, surtout sur les 2 étoiles pour réduire les charges de personnel. C'est alors le personnel de réception qui sert les consommations, ce qui ne reproduit pas forcément la même ambiance. Pourtant, toutes les enquêtes auprès de la clientèle hôtelière révèlent qu'elle apprécie le bar d'hôtel surtout après-dîner, pour terminer tranquillement sa soirée. Malgré cela, on le fréquente peu et la clientèle extérieure à l'hôtel, hormis ses préjugés, a souvent du mal à passer le barrage physique et psychologique du hall de l'hôtel pour se rendre au bar.

Une clientèle captive, mais insuffisante

La barrière culturelle freine encore trop les habitudes. "Traditionnellement, les clients aiment trouver un bar dans l'hôtel, même s'ils n'ont aucunement l'intention d'y aller, car cela crée une animation. En revanche pour aller boire un verre ils auront plus le réflexe d'aller au bistrot du coin que de profiter de celui de l'hôtel, c'est dans la culture française malheureusement !", remarque cet hôtelier breton. De plus, comme le précise Michèle Rieth du groupe Envergure : "contrairement au Britannique par exemple, le Français prend plus facilement un apéritif à table que debout à un comptoir." Ainsi le groupe n'a pas misé, notamment pour son enseigne Campanile, sur l'exploitation d'un vrai bar. "La plupart de nos unités sont de petite taille (50 chambres en moyenne) de ce fait le personnel est restreint et n'aurait pas le temps de s'occuper d'un bar à temps plein. Par ailleurs, les établissements sont souvent situés en périphérie de ville donc peu propices à attirer une clientèle non hébergée. Seules nos unités parisiennes bénéficient de ce produit, qui fonctionne d'ailleurs très bien car il y a beaucoup plus de passage", ajoute Michèle Rieth. La chaîne Ibis, pour sa part, qui propose un bar dont le comptoir est commun à celui de la réception et où la réceptionniste fait généralement office de barman, draine une clientèle type dont bénéficient la plupart des bars d'hôtels. C'est souvent une clientèle extérieure travaillant à proximité qui vient le midi prendre un café ou un petit en-cas. Il va sans dire qu'un hôtel implanté en zone périurbaine profitera d'abord de la clientèle hébergée.

Bars thématiques

Cela dit, le rôle du bar est fortement lié à la catégorie de l'hôtel. Contrairement à ce qui peut se passer au niveau des hôtels économiques, dans les établissements haut de gamme le bar occupe traditionnellement une place importante. Plus qu'un service annexe, il constitue un véritable élément moteur de la convivialité et de la communication. C'est également vrai dans les hôtels de loisirs. Ainsi, trouve-t-on généralement en ces lieux un vrai bar fonctionnant très tôt le matin jusque tard dans la nuit. De plus, il est généralement animé par une équipe de barmen qualifiés qui sont parfois de vrais personnages publiques. Dans ce type d'établissement, le bar prend ainsi une toute autre dimension et remplit un rôle social. Mieux, il parvient à créer véritablement une ambiance chaleureuse grâce à une décoration étudiée et très soignée. Dans certains cas, une atmosphère musicale live (piano) vient distraire davantage encore les convives. Et chacun y va de sa créativité pour charmer toujours plus la clientèle. Au-delà d'offrir une vue panoramique sur Paris, le Concorde La Fayette, par exemple, a la particularité de proposer quelque 80 cocktails originaux. Le Hilton de Strasbourg, quant à lui, dispose de deux bars thématiques ouverts toute la semaine. Le Bugati, c'est une ambiance piano-bar assez jeune et décontractée alors qu'au Churchill règne une atmosphère plus cosy, avec cave à cigares et grands alcools à disposition. Bénéficiant d'une identité qui leur estpropre, ces bars d'hôtels sont suffisamment personnalisés pour être perçus par le grand public comme des bars à part entière et peuvent donc attirer beaucoup plus de monde venant de l'extérieur. Dans ces conditions, cette activité devient particulièrement rentable puisque les marges tournent généralement autour de 20%. "Depuis que nous avons rénové notre bar à thème américain, désormais plus proche du hall d'entrée, nous tournons en moyenne à 20-25 couverts/jour car nous servons aussi une petite restauration express. Le chiffre d'affaires a également augmenté de 20 à 30 % avec ce nouveau concept et après rénovation", remarque le responsable du bar au Sofitel Porte de Sèvres. Preuve qu'avec un concept bien défini, cela peut fonctionner.

Le bar multifonctions

Cependant, la clé du succès ne provient pas uniquement du thème ou de l'ambiance sur lequel s'appuie le bar. Il faut également qu'il parvienne à contenter la clientèle sur une plage horaire la plus large possible. Pour cela, le concept se doit d'être polyvalent pour pouvoir s'adapter à chacun des moments de la journée. En effet, le client ne recherche pas forcément la même ambiance lorsqu'il vient à midi pour prendre un café rapide que lorsqu'il revient le soir, en charmante compagnie, pour terminer sa soirée. Dans le cadre de son vaste programme "Retour vers le futur", la chaîne Novotel a notamment repensé son produit bar pour créer un concept original. "Nos bars sont désormais organisés en trois zones. Le comptoir d'abord avec une position debout ou tabouret bar, pratique lorsqu'on est pressé le midi. Un coin un peu plus intime avec une assise basse (petits canapés, fauteuils et poufs) plus propice à la détente en début ou en fin de soirée. Et enfin la cyber-terrasse située à cheval entre le hall et le bar, très originale au déjeuner, pour un rendez-vous professionnel ou pour une pause séminaire dans l'après-midi", explique Michel Gicquel, directeur Recherche et Style pour le groupe Accor. L'originalité réside dans le fait que chacune de ces 3 zones peut être fréquentée à différents moments de la journée. Elles dégagent chacune des ambiances différentes ne serait-ce que grâce à la décoration ou à l'éclairage. Combiné bien évidemment à un service de qualité, cela a énormément d'incidence sur les consommateurs. Et dans ce contexte, il peut devenir un service périphérique valorisant les chambres. Car si le client se sent bien au bar et que le personnel lui est sympathique, pourquoi cela ne lui donnerait-il pas envie de revenir.

G. Floch


L'HÔTELLERIE n° 2561 Supplément Economie 14 Mai 1998

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