Outre la première vraie campagne publicitaire grand public en faveur des bistrots
lancée début avril, on doit à France Boissons une étude particulièrement instructive
sur les consommateurs face aux cafés. L'objectif était pour la filiale distribution
d'Heineken de déterminer quels pouvaient être aujourd'hui «les comportements des
Français à l'égard des cafés» mais aussi «d'autres établissements», de comprendre
«les motivations et les freins à la fréquentation» et de lister «les opinions et les
attitudes émises au sujet des cafés». Une enquête dont les résultats sont favorables
au bistrot. La profession commencerait-elle, enfin, à récolter les fruits des efforts
entrepris depuis plusieurs années maintenant pour redorer et rajeunir son image ?
Première bonne nouvelle donc : dans les douze mois précédant l'enquête, 90% des
personnes interrogées se sont rendues dans un café «pour boire, manger, acheter ou
consommer des services de quelque nature que ce soit». Mais le café n'est pas
seulement un lieu utilitaire, 58% des Français, révèle l'enquête, vont au café pour
communiquer avec les autres, 40% s'y donnent régulièrement rendez-vous et 81% estiment
même que c'est un bon endroit pour faire une pause. «La dimension sociale du café
est confirmée par cette déclaration, insiste France Boissons. Le rôle du café
ne s'arrête pas à la consommation : il est un point d'ancrage dans la société.»
Quand va-t-on au café ? «En semaine, la fréquentation s'étale depuis le matin
jusqu'au dîner alors que le week-end, les Français privilégient les repas et les
sorties après le dîner.» Ainsi 43% fréquentent au moins un établissement en
semaine à l'heure du déjeuner, contre 36% le week-end dans le même créneau horaire,
38% en fin d'après-midi contre 25% le week-end, 39% dans la matinée contre 30% le
week-end. Le moment du petit déjeuner est à la traîne avec 10% en semaine et seulement
5% le week-end et on sort plus après dîner le week-end (29%) qu'en semaine (22%).
En ce qui concerne les types d'établissements fréquentés, ils varient naturellement
en fonction de la journée. «Les cafés de quartier et cafés PMU-Tabac-Loto sont
très fréquentés le matin, tandis que ce sont les cafés avec une petite brasserie que
les Français privilégient à l'heure du déjeuner. Le restaurant et la grande brasserie
sont fréquentés de préférence pour le dîner.» Notons que le café PMU-Tabac-Loto
est le café habituel pour 37% des personnes interrogées.
Autre chiffre intéressant, 89% des personnes estiment que le café ne doit pas être
réservé aux hommes. Les femmes sont désormais d'ailleurs à égalité dans les taux de
fréquentation : 50% d'hommes, 50% de femmes, même si, dans les 10% qui ne vont pas au
café, on retrouve 67% de femmes (et 87% de non fumeurs !). «La principale différence
entre les femmes et les hommes est que les premières ne sont que 48% à se sentir bien au
café, alors que c'est un sentiment qu'on retrouve chez 74% des hommes.»
Paradoxalement, 94% des femmes se disent satisfaites de leur café habituel, 97% pour les
hommes.
Quelles sont les caractéristiques qui dominent ? Que remarque-t-on dans un établissement
? Quatre critères ont été proposés : la propreté, la qualité du service, la qualité
des produits et l'aspect. La propreté arrive en tête des préoccupations avec 97% de
réponses suivie par la qualité du service : 91%. «La qualité des produits est aussi
une dimension importante pour 79% des interviewés. La fraîcheur des produits et la
qualité du café servi constituent même des points de repère «tout à fait
importants» pour évaluer un établissement.» Quant à l'aspect de l'établissement,
l'aménagement intérieur s'avère déterminant pour 79 à 86% des personnes. On parle ici
d'espace, de confort, d'éclairage et de décoration.
Lorsqu'on demande aux sondés d'évaluer leur café habituel, ils sont globalement
satisfaits de la propreté et de la qualité du service. «Les critères concernant
l'aspect du café obtiennent des scores satisfaisants». En revanche, sur la qualité
des produits, «les appréciations sont plus nuancées» notamment à propos des
sandwichs et du plat du jour «jugés satisfaisants par environ une personne sur deux».
L'étude fait aussi ressortir le rôle du patron. 90 à 95% des personnes disent que le
patron de café est quelqu'un de sympathique et de dynamique et il représente «l'âme»
de l'établissement dans l'esprit des jeunes. Il n'est toutefois pas le confident des
clients et n'est pas la «raison principale» de fréquentation «même si le
patron du café de quartier est davantage apprécié sur ces critères que celui du café
PMU-Tabac-Loto.»
Si le café, on l'a dit, est un lieu où l'on se détend, on peut regretter son manque
d'innovation. «C'est un lieu de découverte de nouveaux produits pour seulement 39%
des interviewés». Sa vocation à faire découvrir les talents est aussi limitée :
36% des consommateurs pensent que c'est un lieu de révélation pour les jeunes artistes.
Des consommateurs qui ne connaissent évidemment pas les charges et les difficultés
administratives que rencontre le secteur quand il y a présence d'artistes, même
débutants.
Y a-t-il une grosse différence entre Paris et la province. «Les Parisiens
représentent 19% de l'échantillon total et les provinciaux 81%. Les parisiens
fréquentent plus les cafés et l'ensemble des établissements CHR proposés que les
provinciaux.» (...) «Les motivations pour se rendre au café montrent également
des différences significatives : se restaurer est une motivation principale pour
davantage de Parisiens que de provinciaux, ils vont davantage au café pour utiliser les
services et ont également davantage comme raison principale le fait d'y retrouver des
gens.» On constate par ailleurs chez les provinciaux une sorte de nostalgie
vis-à-vis du café. 77% d'entre eux estiment que le café n'a plus aujourd'hui la place
qu'il occupait et 60% ajoutent que la télé a tué la vie du café. Revenant sur la place
du café au sein de la société, 87% pensent que c'est le meilleur moyen d'éviter la
mort des villages et 77% que c'est le centre d'information de la vie du village ou du
quartier.
Sy.S.
François Charpy, directeur marketing, et Roger Santa, P-dg de France Boissons lors
de la présentation à la presse de l'enquête et de la campagne publicitaire.
L'HÔTELLERIE n° 2559 Hebdo 30 Avril 1998