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L'événement


Les réponses de Bernard Naegellen

Une nouvelle fois, le patron du guide Michelin s'est confié de bonne grâce à L'Hôtellerie pour évoquer l'édition 98 du petit livre rouge.

L'Hôtellerie : Vous avez couronné trois restaurants à trois étoiles. C'est la promotion la plus importante à ce niveau depuis 1973 (1). Cette générosité a-t-elle un rapport avec le centième anniversaire de Bibendum ?

Bernard Naegellen : «Absolument pas, seule la couverture du guide a changé. Nous sommes plutôt contents, car nous pensions qu'avec 18 restaurants à trois étoiles, nous étions un peu bas par rapport à certaines années. Le choix me semble bon...»

L'H. : Parlons-en justement. L'année dernière Ducasse perdait une étoile à Monte-Carlo. Qu'est-ce qui a changé depuis ?

B. N. : «Rien. Nous nous inquiétions simplement de savoir s'il tiendrait avec deux restaurants. Ducasse est un fabuleux organisateur qui sait s'entourer et qui peut donc assumer pleinement ses deux restaurants. Il le prouve chaque jour.»

L'H. : Pierre Gagnaire avait symboliquement rendu un bien qu'il retrouve aujourd'hui...

B. N. : «Psychologiquement, il aurait pu être atteint par ce qui lui est arrivé. Il n'en est rien et il va très bien à Paris. Il a su faire preuve de beaucoup de fermeté et continuer avec bonheur son bonhomme de chemin.»

L'H. : En fait, la surprise vient plutôt des frères Pourcel. Le choix se justifie-t-il par des prix plus doux qu'à Paris ?

B. N. : «Chez eux c'est peut-être un peu la régularité, peut-être un peu la créativité sans excès. Même si nous sommes contents qu'ils ne soient pas trop chers... encore faut-il relativiser, le prix n'est pas un argument décisif, car nous savons très bien que les bons produits coûtent cher.»

L'H. : Le choix de Gagnaire et Ducasse ne fermait-il pas la porte à d'autres ? Nous pensons à Savoy et Dutournier à Paris. Mais aussi à Roellinger et Bras en province qui, il est vrai, n'ont qu'une ouverture saisonnière...

B.N. : «L'ouverture saisonnière n'est pas un handicap et il ne s'agit pas dans notre esprit d'un rééquilibrage Paris-province. Tous ces chefs font partie des bons deux étoiles et l'on peut se dire à leur propos, qu'un jour peut-être...

Entre un trois étoiles et un deux étoiles de grande qualité, la marge est mince. On cherche beaucoup de régularité et, à talent égal, c'est souvent une question de volonté permanente.

Dans notre esprit, il doit exister chez les trois étoiles une grande diversité dans l'excellence. Il est bien qu'il y ait Gagnaire et Ducasse, mais aussi Bocuse et Troisgros.»

L'H. : Plus généralement, parlons des prix des restaurants qui sont souvent très élevés. Depuis quelques années, vous privilégiez les «repas soignés à prix modérés». Qu'en est-il des étoilés ?

B.N. : «Nous savons que sur l'axe Paris-Lyon-Côte d'Azur les prix sont souvent excessifs, mais on trouve désormais en province des menus autour de 150 francs qui sont parfaits ! Nous recensons plus de 450 repas à prix raisonnables et parmi eux des étoilés, dont certains sont entrés directement dans le guide.

C'est positif de retrouver, comme dans le temps, des restaurateurs qui montent en puissance tranquillement et ne misent pas sur de gros investissements pour atteindre l'étoile. C'est également vrai à Paris où des jeunes misent avant tout sur leur savoir-faire et je m'en rejouis.»

L'H. : On peut également constater que vous retenez moins d'hôtels. Le niveau est-il moins bon ou êtes-vous plus exigeant que jadis ?

B.N. : «Aujourd'hui les clients souhaitent du professionnalisme et n'admettent plus des chambres disons... poussiéreuses. La grande période des créations est passée et l'hôtellerie familiale est en perte de vitesse (2). Même si l'on peut la soutenir un peu, ce mouvement me semble irréversible.»

Propos recueillis

par PLN et JFM

(1) Cette année là, quatre restaurants avaient été promus à trois étoiles : Le Vivarois et Taillevent à Paris, Chapel à Mionnay et Pic à Valence. C'était également le cas en 1953 avec La Tour d'Argent, Maxim's et le Grand Vefour à Paris et l'Hostellerie de la Poste à Avallon. En 1981 et 1982, il y avait déjà 21 restaurants à trois étoiles. C'est le chiffre le plus important de l'après-guerre.

(2) Le Michelin 1998 sélectionne 9.652 établissements (5.767 hôtels et 3885 restaurants parmi lesquels 21 trois étoiles, 70 deux étoiles et 405 une étoile, soit 496 étoilés). En 1995, Michelin recensait 10.319 établissements (6.407 hôtels et 3.912 restaurants dont 542 étoilés).



L'HÔTELLERIE n° 2551 Hebdo 5 mars 1998

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