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Vie professionnelle

Réduction du temps de travail

André Daguin lance le débat

On connaît le côté «entier» du nouveau président de la FNIH à qui on ne peut pas reprocher de pratiquer la langue de bois. Interrogé sur les ondes de France-Inter, dans le cadre de la présentation de la convention collective, il a voulu certainement gommer l'image rétrograde du secteur donnée à l'antenne par la journaliste en n'hésitant pas à forcer le trait en matière de réduction due temps de travail et de lancer le débat sur «la semaine de 32 heures en quatre jours avec annualisation du temps de travail pour mieux répondre aux pics d'activité du secteur des cafés, hôtels et restaurants». Une formule qu'il ne souhaite pas voir imposée mais négociée. La déclaration «décoiffe» et n'a pas manqué d'amener certains commentaires, certaines réactions.

JACQUES JOND,

PRÉSIDENT DE LA FAGIHT

«La convention collective concernant 700.000 salariés de l'industrie hôtelière a été signée le 30 avril 1997, et vient d'être étendue. Un tel accord, fruit de plusieurs années de négociations entre le patronat et l'industrie hôtelière et les syndicats de salariés, constitue désormais, et espérons-le pour longtemps, la référence régissant les relations entre employeurs et personnel qu'il s'agisse de l'organisation dans l'entreprise de la durée du travail, des congés, des repos compensateurs, des références minimums de salaires, des adaptations aux particularités d'activités de main- d'œuvre soumises aux exigences de la clientèle et aux évolutions du marché. Pour la FAGIHT, qui a pris constamment et depuis toujours une part importante dans l'élaboration de cette convention collective, il est exclu et même déplacé d'envisager toute remise en question actuellement. Cette convention est la seule référence qui vaille et les entreprises de l'industrie hôtelière ne sauraient envisager dans l'avenir aucun nouvel aménagement entraînant un coût aux hôtels, restaurants ou bars, sans une compensation équivalente en réduction de charges, taxes ou impôts. Cette position est formelle et intangible, nous sommes parfaitement ouverts à des réformes mais il est exclu qu'elles soient mises en place en entraînant le moindre coût supplémentaire pour les entreprises qui doivent aujourd'hui investir dans la mise en oeuvre de la convention collective.

Je refuse catégoriquement d'entendre parler aujourd'hui de toute autre démarche».

ROLAND MAGNE, PRÉSIDENT DE LA CONFÉDÉRATION

«Notre secteur est en retard en matière de temps de travail, c'est exact et je le déplore. Je suis depuis toujours favorable à la diminution du temps de travail, dans un pays industrialisé comme le nôtre, c'est une suite logique de l'évolution de l'industrialisation, mais attention, notre secteur ne peut pas être traité comme l'industrie ! On vient de signer une convention collective et on a déjà beaucoup de difficultés à mettre en place une organisation des entreprises avec 42 heures, autant dire que l'on n'est pas à la veille de passer à 32 heures ! Nos charges sont beaucoup trop lourdes et je trouve que lancer le débat aujourd'hui sur les 32 heures est irresponsable et en particulier pour nos salariés : de quoi vivront-ils ? Avec une rentabilité de nos entreprises aussi faible, nous ne pourrons que les payer sur 32 heures, quel niveau de vie vont-ils avoir alors, comment occuper leur temps libre sans moyens financiers ? Et nous, que ferons-nous de nos entreprises mises en péril avec de telles pratiques ? Avec de telles idées, de toute évidence, on creuse encore l'écart qui existe entre les chaînes et les indépendants ! De par leur taille, leur structure et leurs moyens financiers, les chaînes pourront plus facilement que les indépendants, réorganiser le temps de travail et bientôt, nos petites entreprises se retrouveront dans la même situation que les épiceries face aux grandes surfaces. Je suis ahuri de savoir que des responsables syndicaux puissent aujourd'hui lancer des idées aussi utopiques, il ne faut pas faire rêver les gens si on n'a pas les moyens de réaliser leurs rêves, même pour se faire valoir. Allons y doucement et appliquons convenablement la convention collective dans nos entreprises».

JACQUES MATHIVAT,
SNRLH

«Il faut toujours bien analyser les dossiers avant toute déclaration publique et ceux qui concernent le social sont toujours très délicats. Il faut les maîtriser parfaitement avant de lancer tout débat. J'ai, pour le SNRLH, négocié plusieurs années cette convention collective, nous n'avons pas mis 10 ans pour trouver un accord qui obtienne l'adhésion de tous en matière d'aménagement du temps de travail pour recommencer aujourd'hui de nouvelles négociations !

Cette convention collective a permis de faire avec les salariés et le patronat, le tour des problèmes. Nous avons défini enfin des règles claires et amélioré sensiblement les conditions de travail des salariés, en contrepartie, le patronat a obtenu une certaine souplesse dans le cadre de l'annualisation et de la saisonnalisation. C'est vrai qu'il faudra continuer à tout faire pour améliorer cette situation pour que les conditions de travail de notre personnel se rapprochent de celles des autres secteurs mais pas n'importe comment.

Que les choses soient claires : toute augmentation du poids des charges sociales est IMPOSSIBLE et INIMAGINABLE. Aujourd'hui, dans son projet de loi, le gouvernement met obligatoirement les entreprises dans un schéma d'augmentation du coût du travail, à terme. Les aides qui sont évoquées pour la mise en place des 35 heures ne dureront qu'un temps et les chefs d'entreprise doivent voir plus loin : la réduction du temps de travail aura un coût. Qui plus est, dans notre secteur, les choses sont encore plus compliquées : comment passer de 43 heures à 35 heures ? Je n'ose évoquer les 32 heures ! Toute une partie du personnel y est d'ailleurs fermement opposée dans la mesure où la rémunération est directement dépendante du nombre d'heures travaillées. Imaginez la chute de rémunération et le personnel rémunéré au pourcentage... Autant dire que pour moi, le débat lancé par monsieur Daguin n'est absolument pas à l'ordre du jour.»

JACQUES BELIN,

PRÉSIDENT DU GNC

«A priori, je ne suis absolument pas partant sur ce type de solution ! Quand ont sait les difficultés que rencontrent certains pour mettre en place la convention collective, on se dit qu'on est très loin du débat des 32 heures. Ça supposerait une véritable révolution culturelle dans notre secteur.

Bien sûr, les problèmes ne se poseront jamais à toutes les entreprises de la même manière : plus leur taille est importante, plus on pourra trouver des solutions mais comment feraient les petits établissements indépendants ?

De plus, je suis très inquiet sur l'adéquation de la réduction du temps de travail et la satisfaction du client. Les clients, de plus en plus exigeants, veulent une chaîne de services de qualité, zéro défaut, c'est très difficile d'y arriver avec des équipes qui tournent beaucoup du fait de la réduction du temps de travail. Et puis, il y a un autre point essentiel dont on ne parle malheureusement pas assez dans ces propositions : les gens qui travaillent dans nos entreprises ont besoin de vivre, d'évoluer et de gagner convenablement leur vie : comment y arriveront-ils avec des salaires à la baisse du fait de la diminution de leur temps de travail ? Comment occuperont-ils leurs loisirs sans ressources suffisantes ?»

P.A.F.



L'HÔTELLERIE n° 2546 Hebdo 29 janvier 1998

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