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Actualité juridique

Prêter de l'argent à sa famille ou des amis

La générosité et le formalisme doivent faire bon ménage

Quand un parent ou un ami confronté à un problème financier important vous demande de lui prêter de l'argent, on ne pense qu'à une chose, si on le peut, lui venir en aide au plus vite. On lui remet donc sans aucun formalisme, la somme d'argent souhaitée. Mais par la suite, lors d'un contrôle fiscal par exemple, l'emprunteur peut devoir prouver la réalité de ce prêt. Il peut en être de même pour vous si votre prêteur oublie que ce n'était pas un cadeau. C'est pourquoi, pour éviter tout problème futur, mieux vaut respecter lors de l'octroi du prêt, un minimum de formalisme.

En premier lieu, mieux vaut constater par écrit la réalité du prêt. Un écrit prouve à la fois l'existence du prêt et les conditions auxquelles il a été consenti. D'ailleurs, si la somme d'argent prêtée est supérieure à 5.000 F, l'art 1341 du Code civil impose cet écrit, en revanche, en dessous de ce montant, aucune exigence légale n'est à respecter.

Un prêt peut donner lieu à la rédaction d'un acte sous seing privé (au choix, acte de prêt ou reconnaissance de dette) ou d'un acte notarié. Un acte sous seing privé est peu coûteux (frais d'enregistrement uniquement) mais vous devez faire attention à bien respecter certaines obligations lors de sa rédaction pour lui donner la valeur juridique souhaitée.

Un acte notarié est plus onéreux (prévoir 2.860F pour un prêt de 200.000 F), mais vous ne risquez aucune erreur préjudiciable à vos intérêts lors de sa rédaction. De plus, le notaire vous remet une «copie exécutoire» de l'acte avec laquelle en cas de problème, vous pouvez engager directement une procédure de saisie. Avec un prêt sous seing privé, une décision judiciaire préalable est nécessaire pour faire valider le prêt ou la reconnaissance de dette. De plus, si vous avez des doutes sur la solvabilité du débiteur et quelques craintes pour le remboursement des sommes prêtées, vous pourrez, dans ce même acte notarié, demander qu'une hypothèque vous soit consentie sur un bien lui appartenant. Le coût complémentaire de cette garantie sera de 0,65% du montant de la somme prêtée.

Pour que votre acte sous seing privé acquière une réelle valeur juridique, il faut lui donner une date certaine en le faisant enregistrer, sinon il ne pourra constituer qu'un «commencement de preuve» permettant de supposer la vraisemblance de l'existence d'un prêt et non la preuve du prêt.

Grâce à cet enregistrement, l'acte passé entre l'emprunteur et vous, devient opposable à tous et en particulier à l'administration fiscale. Ainsi, en cas de décès de l'emprunteur, un acte sous seing privé enregistré est déductible de l'actif de la succession comme un acte notarié de prêt.

Cet enregistrement peut être effectué aussi bien par le prêteur que l'emprunteur, dans la recette des impôts de son choix. Un droit de 500 F est alors perçu auquel s'ajoute le coût des timbres à apposer sur les pages de l'acte original et sur celles du double à déposer obligatoirement auprès de l'administration (34 F minimum plus 17 F par page).

A noter que les faces non rédigées doivent comporter la mention «face annulée, article 905 du CGI, arrêté du 20 mars 1958».

Enfin, il y a lieu de communiquer l'existence du prêt à l'administration fiscale. Tout prêt d'un montant supérieur à 5.000F qu'il ait ou non donné lieu à un écrit, qu'il ait été enregistré ou non, doit être déclaré par l'emprunteur auprès des services fiscaux de son domicile. Peu importe qu'un versement d'intérêts ait ou n'ait pas été prévu.

Cette déclaration doit être effectuée avant le 16 février de l'année qui suit celle de la conclusion du prêt sur un imprimé n° 2062. Par conséquent, il faut déclarer avant le 16 février 1998, les prêts consentis en 1997. A noter qu'en cas d'acte notarié, c'est le notaire qui se charge de cette déclaration.

Cette obligation concerne également les prêts successifs d'un montant unitaire de moins de 5.000 F mais dont le montant annuel cumulé dépasse 5.000 F.

De plus, lorsque le versement d'intérêts a été prévu, l'emprunteur doit déclarer chaque année, le montant des intérêts payés en remplissant l'imprimé n° 2561. Cet imprimé doit être envoyé aux services fiscaux dont dépend l'emprunteur avant le 16 février de l'année qui suit leur paiement. Les intérêts d'emprunt versés pour des prêts octroyés avant la fin de l'année en vue de l'acquisition d'un logement dans l'ancien occupé à titre de résidence principale, donnent droit à réduction d'impôts.

Un double de cet imprimé devra être adressé au prêteur. La somme indiquée devra être déclarée par le prêteur, sur sa déclaration d'ensemble des revenus. Les intérêts perçus entrent dans la catégorie des revenus mobiliers. Ils supporteront en plus de l'impôt sur le revenu, la CSG, la CRDS et le nouveau prélèvement de 2%.

En cas de prêt notarié, c'est le notaire qui se charge de la déclaration des intérêts perçus.

Sachez qu'il est possible de ne pas demander d'intérêts ou de prévoir une indexation du capital prêté. Deux solutions pour éviter d'avoir à payer des impôts sur les intérêts perçus !

Les risques
d'une non-déclaration

Si vous avez omis de déclarer le prêt effectué à l'administration fiscale, vous risquez une amende fiscale pour défaut de déclaration relativement peu élevée (environ 100 F). Mais dans un second temps, lors d'un contrôle fiscal, l'administration peut considérer la somme prêtée soit :

* comme un revenu non déclaré de l'emprunteur. Il devra alors acquitter l'impôt sur les revenus soit-disant oubliés plus des intérêts de retard de 0,75% par mois ;

* comme un don manuel non déclaré. L'emprunteur devra alors acquitter des droits de mutation sur la somme reçue (droits élevés en l'absence de parenté) ;

En second lieu, en cas de refus de l'emprunteur de rembourser, si le prêteur ne possède aucune preuve qu'il a effectué un prêt et non un don, ce sera à lui de faire la preuve qu'il a bien stipulé lors de la remise des fonds qu'il s'agissait d'un prêt. Une preuve qui peut être fort difficile à apporter surtout quand il y a eu un simple versement en espèces.

Enfin, en cas de décès du prêteur, si le prêt n'a pas été constaté par écrit, l'emprunteur risque d'oublier de le déclarer et léser ainsi vos héritiers ou augmenter contre votre volonté sa part successorale au détriment des autres héritiers. De même, si c'est l'emprunteur qui décède, il vous sera difficile d'obtenir le remboursement des sommes dues, par les héritiers sans document écrit.

La générosité fait souvent mauvais ménage avec le formalisme imposé par le droit mais le respect d'un minimum de règles peut éviter bien des tracas.

Marie-Claude Barbier



L'HÔTELLERIE n° 2542 Hebdo 1er janvier 1998

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