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Locataires commerçants

Votre loyer est-il trop élevé ?

Dans un contexte économique difficile, nombre de commerçants n'ont plus pour ambition d'augmenter leurs chiffres d'affaires mais d'en limiter la baisse. Les bailleurs confrontés aux difficultés des locataires sont souvent prêts à faire des sacrifices pour louer leurs locaux à de bonnes signatures. Cette baisse générale des valeurs locatives doit néanmoins être tempérée, certains secteurs se maintenant, tandis que d'autres voient leurs loyers progresser.

Les loyers dans les meilleurs secteurs de Paris et de quelques villes du sud de la France restent à des niveaux très élevés. Ainsi, sur l'avenue des champs-Elysées les valeurs locatives qui fluctuent aujourd'hui entre 20.000 et 25.000 F/m2 pondéré par an, ont vu leur niveau locatif augmenter au cours des cinq dernières années. Plusieurs sociétés internationales recherchent des locaux sur cette avenue.

Le quartier de Saint-Germain des Près a également vu sa commercialité progresser au cours des trois dernières années. Alors que les loyers culminaient à 7.000 F/ m2 pondéré par an, les dernières transactions font apparaître des loyers parfois supérieurs à 13.000 F/m2 pour les meilleurs tronçons de rue. Les sociétés de haute couture et de la mode, et plus généralement les commerces dits de «luxe», cherchent actuellement à s'implanter sur ce secteur (installations récentes de Hermès, Louis Vuitton, Cartier et Armani).

L'avenue Montaigne recherchée par de grandes marques de mode, a en revanche été sévèrement touchée. Les valeurs locatives parfois supérieures à celles de l'avenue des Champs-Elysées ont décroché depuis deux ans avec des baisses souvent supérieures à 30%. Les prix de vente au mètre carré pondérés de plus de 300.000 F constatés au début des années 1990 sont désormais révolus.

Les secteurs de bonne
commercialité

Aujourd'hui, les loyers des artères de bonne commercialité sur Paris se situent en général entre 2.500 et 5.000 F/m2 pondéré an. Les voies secondaires du quartier de Saint-Germain des Près ou du VIIIème arrondissement, les voies spécialisées dans les commerces alimentaires, situées dans les quartiers résidentiels et plus généralement, les meilleurs tronçons des voies des villes de banlieue parisienne ou d'agglomérations de plus de 200.000 habitants se situent pour la plupart également dans cette fourchette.

La concurrence des centres commerciaux avec «hypermarchés» en périphérie de ville n'exerce pas de pression à la baisse sur les loyers des meilleurs tronçons des centres villes. En revanche, les centres villes occupent une surface de plus en plus réduite et certains axes pourtant très commerçants dans les années 1960, sont désormais abandonnés.

Les secteurs sans attrait
commercial

De nombreuses rues en situation secondaire, à l'origine bordées de magasins sont aujourd'hui délaissées par les commerçants. Les boutiques de ces voies peu passantes restent souvent vides durant de longs mois et trouvent preneurs à des loyers parfois inférieurs à 500 F/m2 pondéré an pour Paris et à 300 F/m2 pondéré an en province.

En conclusion

L'analyse des transactions locatives en matière commerciale fait apparaître d'importants écarts entre les meilleures adresses, les emplacements secondaires et ceux dépourvus de tout attrait commercial. Alors que les loyers de bureaux fluctuent entre 2.700 F/m2 pondéré an pour les meilleures adresses parisiennes et 300 F/m2 an dans des secteurs peu prisés de villes dites «secondaires» soit un rapport de 1 à 9, les loyers des locaux commerciaux oscillent de 300 F/m2 pondéré an pour dépasser parfois 25.000 F/m2 pondéré an, soit un rapport de valeur dans ce cas de 1 à 80.

Cette dispersion rend toute analyse globale très difficile. Les experts considèrent que depuis cinq ans, les loyers des locaux commerciaux ont baissé globalement de plus de 35%. Cette moyenne doit néanmoins être nuancée, chaque local étant spécifique, chaque rue ou tronçon de rue ayant ses caractéristiques propres.

Malgré ces difficultés d'analyse les locataires se doivent tous les trois ans de faire le point sur leur loyer afin de ne pas payer plus que les prix de marché. Le décret de 1953 a été conçu pour protéger les locataires commerçants, cette «sur-protection» est aujourd'hui parfois critiquée mais pourquoi ne pas en profiter ?

Locataires : le juge peut baisser votre loyer

DE LA THÉORIE

Votre loyer est susceptible d'être révisé tous les trois ans. Le législateur encadre cette révision en précisant que si le montant du loyer à réviser doit correspondre à la valeur locative, la majoration ou la diminution du loyer ne peut, en général, excéder la variation de l'indice trimestriel du coût de la construction.

Hormis l'hypothèse où la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité est susceptible d'entraîner une majoration ou une diminution de la valeur locative supérieure à 10%, le mécanisme du plafonnement du loyer révisé, tel que l'a conçu la jurisprudence, interdisait jusqu'alors une baisse du loyer prévu dans le contrat, quant bien même la valeur locative aurait diminué.

Or, la jurisprudence récente, confrontée à la baisse généralisée des loyers de marché, a radicalement revu sa position en admettant que le loyer révisé «ne peut en aucun cas excéder la valeur locative».

Désormais le locataire peut donc prétendre à la révision à la baisse de son loyer dés lors qu'il apporte la preuve que la valeur locative de marché est inférieure, et ce, quel que soit le sens et l'importance de la variation de l'indice du coût de la construction et des facteurs locaux de commercialité.

Ainsi, compte tenu de cette évolution jurisprudentielle favorable au locataire, mais aussi en raison de la baisse des valeurs locatives commerciales constatées sur la capitale et dans bien d'autres villes de province, on peut penser que bon nombre de commerçants auraient intérêts à se demander si leur loyer ne peut pas être révisé, dès aujourd'hui à la baisse.

A LA PRATIQUE

Tous les trois ans, deux cas de figure peuvent donc se présenter :

* soit la valeur locative de marché est inférieure au loyer d'origine majoré de la variation de l'indice, et c'est elle qui s'applique ;

* soit la valeur locative de marché est supérieure au loyer d'origine majoré de la variation de l'indice, ce qui devrait rester un cas marginal pour les baux conclus récemment, et c'est ce loyer déplafonné par l'indice qui s'applique.

En toute hypothèse, compte tenu de la baisse de certaines valeurs locatives commerciales, la possibilité de bénéficier d'une économie de loyer par le jeu de la révision triennale doit être présente à l'esprit du locataire, qu'un expert immobilier est en mesure bien entendu de conseiller utilement sur ce point.

Nul doute que tout commerçant, en tant que gestionnaire avisé, cherchera ici, à trouver application du fameux adage : «gagner de l'argent, ce peut être aussi en dépenser moins».

Frédéric Alazard, Patrick Petolat (Experts-Immobiliers)



L'HÔTELLERIE n° 2536 hebdo 20 novembre 1997

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