En franchissant la ligne d'arrivée à Central Park, elle a fermé les yeux, levé les bras au ciel et esquissé un sourire. En remportant le marathon de New-York qu'elle disputait pour la première fois, Franziska Rochat-Moser touchait les dividendes des efforts consentis à l'entraînement, du côté de Crissier. Plus de 32.000 coureurs au départ, dont 8.836 femmes et 30.237 à l'arrivée, de Kagwe victorieux en 2h 08'12 à Katsumata qui fermera la marche en 9h 20'58. Et pour tous, le même enthousiasme de la part du public new-yorkais qui vit pour une course où les rues de la ville sont abandonnées aux coureurs. «You can do it» (Vous pouvez le faire) hurlent les spectateurs à tous les participants. Et Franziska Rochat-Moser l'a fait ! A 31 ans, elle a remporté sa première grande victoire. «J'avais des ambitions car j'estime qu'un succès à New York vaut un titre de championne du monde comme j'ai pu le dire avant la course», avoue-t-elle. Avec un entraînement bi-quotidien et au rythme de 170 km hebdomadaires, elle avait bien préparé son affaire. Et malgré la charge que suppose son travail avec son mari au restaurant, elle n'envisage pas de mettre un terme à sa carrière ! Pas évident à priori de mener de pair une carrière dans la restauration et de courir à haut niveau. Pourtant aux côtés de son chef de cuisine de mari, Franziska entend bien continuer à conjuguer ses deux passions. «C'est une question d'organisation. Les dernières semaines, j'étais avant tout athlète mais, en règle générale, c'est le restaurant qui a la priorité. Le fait que j'y travaille à 100 ou à 150% veut dire que j'ai tout le temps de m'entraîner, mais que je n'ai plus de temps pour ma vie privée. Toute activité un peu extraordinaire demande des sacrifices, mais lorsqu'on gagne un marathon comme celui de New York, on n'y pense plus. Si je suis invitée je voudrais bien revenir à New York l'année prochaine, puis j'aimerais bien participer aux Jeux Olympiques de l'an 2000 à Sydney. Pour la suite, je vais quand même réfléchir très sérieusement à ce que je vais faire...»
Après des études de droit, Franziska était avocate. Mais avec la reprise du restaurant par Philippe Rochat, sa carrière a pris un tour nouveau. «Je n'ai pas fait d'école hôtelière et je n'ai pas envie d'en faire parce qu'il est trop tard. je suis venu dans la restauration comme ça et depuis je suis en apprentissage. J'ai beaucoup observé et je fais les choses comme je les ressens, de façon instinctive.»
Instinctif aussi son régime d'athlète de haut-niveau. En fait Franziska ne se prive de rien et avoue manger tout à fait normalement sans penser aux entraînements à venir où il faudra éliminer !
«Tout est question de volonté. C'est sûr que je ne peux me permettre de goûter tout ce que je vois dans la cuisine, mais je mange avec le personnel comme «monsieur et madame tout le monde». Si certaines choses sont moins bien pour moi je ne les mange pas, mais je n'ai jamais demandé un menu spécial. Après une victoire comme New York, c'est encore différent (1). Je me fais plaisir, car je considère que je suis au repos et qu'alors je fais ce que j'ai envie de faire».
J-F Mesplède
jfmesplede@Ihotellerie.fr
(1) Après son succès, Franziska Rochat-Moser a tenu à découvrir la cuisine de Daniel Boulud «Daniel» (chez qui eut lieu l'interview) et de Jean-Georges Vongerichten «Jean Georges», considérés comme les deux meilleurs restaurants de New York.
De nombreux chefs s'adonnent aux joies de la course à pied, mais peu à notre connaissance se sont risqués sur les 42,195 km du marathon !
Michel Bras qui court tous les après-midi dans sa campagne aveyronnaise, l'a fait. Profitant de la fermeture hivernale de son restaurant, il a disputé trois fois le marathon de New York y réussissant un excellent temps de 3 h 28'.
Alain Le Cossec, MOF et chef à l'Ecole des Arts Culinaires et de L'hôtellerie d'Ecully, a bouclé son premier marathon le 26 octobre dernier à Lyon en 3 h 31'04''.
Le meilleur temps est à mettre à l'actif de Michel Humbert, cuisinier à l'hôpital d'Annemasse, qui réalisa 2 h 16'46'' au marathon de Paris en 1993... Ce qui lui valut de disputer sous le maillot de l'équipe de France, les Jeux Méditérranéens de 1993 sur cette distance.
Signalons enfin, que Marc Veyrat jadis champion de Savoie de cross chez les jeunes, Pierre Gagnaire qui connaît désormais parfaitement les allées du parc Monceau et à Lyon, Philippe Gauvreau, Jean-Paul Lacombe et Pierre Orsi sont des accrocs du bitume qui se lanceront peut-être un jour sur la «distance reine».
Ses 2H28'43'' de New York permettront à Franziska Rochat-Moser de terminer à la 29ème place du bilan mondial 97 de la spécialité.
Née le 17 août 1966, elle court sur marathon depuis huit ans et apparaît en bonne place dans les listes mondiales dès 1990. Elle a participé aux Jeux Olympiques de Barcelone en 1992 (abandon) et d'Atlanta en 1996 (18), ainsi qu'aux championnats du monde de Tokyo en 1991 (17) et d'Athènes en 1997 (8). Sur son palmarès figuraient déjà des succès aux marathons des Hauts-de-Seine (1992), Lausanne (1993), et Francfort (1994) où elle avait établi son record personnel (2.27'44''). Son succès à New York est sa victoire la plus prestigieuse et la plus lucrative avec un gain total situé par le New York Times à 81.000 dollars.
L'HÔTELLERIE n°
2535 hebdo 13 novembre 1997
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