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Lyon

Place forte de la gastronomie

A-t-on assez brodé sur la célèbre formule, lâchée par Curnonsky en 1934 au sortir d'un repas chez Marius Vettard : «Lyon est la capitale mondiale de la gastronomie !» Que faut-il en penser en 1997 ? Comment se porte la cuisine lyonnaise aujourd'hui et quel est son avenir ? Réunis à l'initiative de l'hôtellerie, quatre chefs lyonnais (Christian Bourillot, Guy Lassausaie, Christian Têtedoie et Jean Vettard chez qui le rendez-vous était fixé au «Neuf» ont débattu du sujet.

L'Hôtellerie :

«Lyon capitale de la gastronomie». Le mot de Curnonsky était heureux. Avez-vous le sentiment que le propos est toujours d'actualité ?

Jean Vettard :

«Une médiatisation importante fait que l'on déplace la capitale de la gastronomie. Lyon a toujours été le centre de grande cuisine et il reste beaucoup de grands cuisiniers. Mais Lyon n'est peut-être plus à la mode et ses jeunes chefs ne sont pas assez reconnus. Nous n'étions pas meilleurs mais ils ont moins d'étoiles.»

Christian Bourillot :

«C'est une histoire de balancier. Lyon capitale ou pas ? C'est toujours subjectif. La seule certitude est qu'il existe de bons cuisiniers. Mais tout étant question de mode, ces jeunes payent peut-être les années de gloire.»

Jean Vettard :

«C'est une réputation qui dure depuis lontemps. Sans remonter aussi loin qu'à l'époque romaine, on se souvient des mères Fillioux et Brazier entre autres. Lyon a bénéficié d'une clientèle avisée car la table a toujours tenu une place importante. Les jeunes chefs récupèrent aujourd'hui des clients que nous avons laissés et qui sont éduqués.»

Guy Lassausaie :

«C'est une clientèle exigeante, car les Lyonnais sont des connaisseurs.»

L'Hôtellerie :

Pensez-vous qu'il existe encore une cuisine lyonnaise avec ses typicités ou, au contraire, que c'est aujourd'hui une cuisine comme ailleurs ?

Jean Vettard :

«J'ai toujours pensé qu'en dehors du tablier de sapeur, des tripes et des cochonnailles, la cuisine lyonnaise était davantage une façon de faire et d'utiliser les produits, qu'une cuisine de racines.»

Christian Têtedois :

«Il ne faut pas trop adapter parce que le client lyonnais n'aime pas le farfelu. Il existe ici un savoir-faire exemplaire qui s'appui sur des bases solides.»

L'Hôtellerie :

Jean Vettard soulignait que les jeunes chefs ont moins d'étoiles. En évoquant ce sujet avec Bernard Naegelen, directeur du guide Michelin, celui-ci disait que le problème de la cuisine lyonnaise est «qu'elle semble tiraillée entre tradition et modernité, a du mal à se situer et à trouver un style» Partagez-vous ce jugement ?

Christian Têtedoie :

«Tradition ou modernité : est-on obligé de pencher pour l'une ou pour l'autre ?»

L'Hôtellerie :

N'avez-vous pas cependant le sentiment que la cuisine lyonnaise reste timorée et manque parfois d'âme à l'image de beaucoup de ses restaurants ?

Christian Têtedoie :

«Nous manquons surtout de clients. Lorsqu'un restaurant est plein, ce n'est pas du tout la même ambiance»

Christian Bourillot :

«On tombe dans une époque où les gens veulent du grand luxe pour 200 francs. Ce n'est plus possible !»

Christian Têtedoie :

«Il est facile de faire les comptes : sur 200 francs vous enlever 40 francs de TVA puis les frais. S'en s'écarter il reste 40 francs pour l'assiette. C'est quand même difficile de faire rêver les gens pour ce prix là. Nous avons envie de faire des choses, nous ne manquons pas d'idées et nous avons la chance de faire partie de ceux qui travaillent... mais il faut aussi des moyens.»

Christian Bourillot :

«Vous parliez du guide Michelin. C'est lui qui professe qu'il peut donner des étoiles à des maisons modestes et sans luxe. A Lyon, les dernières sont allées au Château de Bagnols, à la Rotonde et aux Terrasses de Lyon où 50 à 100 millions de francs ont été investis, parce qu'il y avait de gros moyens derrière...»

Jean Vettard :

«Le risque est que la cuisine de luxe se déplace aujourd'hui vers le fric et vers les grandes compagnies qui auront de l'argent.»

Christian Têtedoie :

«Et c'est ce qui va tuer le petit commerce ! On ne peut quand même pas laisser partir la cuisine ainsi et l'on ne peut pas parler de ces maisons de la même manière que des nôtres.»

L'Hôtellerie :

Vous disiez que l'on parlait moins de la cuisine lyonnaise aujourd'hui. Mais ne lui manque-t-il pas une locomotive comme a pu l'être paul Bocuse ?

Jean Vettard :

«C'est vrai qu'en donnant conscience aux cuisiniers qu'ils devaient se faire connaitre, Paul Bocuse a tiré la France entière derrière lui. Fatalement, Lyon en a profité.»

Christian Têtedoie :

«Beaucoup de jeunes sont très bien, et il n'y aura pas de leader tant qu'il y aura Paul Bocuse qui reste un formidable symbole. Mais ce n'est pas le problème, car les données ne sont plus les mêmes.»

Christian Bourillot :

«Ce n'est pas notre cuisine qui fiche le camp, ce sont les clients. Les classes moyennes nous faisaient travailler, mais il y a aujourd'hui une érosion trop importante de leur pouvoir d'achat. Les jeunes le soulignent parfois et ils ont raison : il existe aussi une désaffection de la mise en valeur de notre métier, qui passait autrefois par une médiatisation interne qui n'existe plus aujourd'hui. C'est préjudiciable aux cuisiniers.»

L'Hôtellerie :

Christian Têtedoie évoquait des données différentes. Quelques maisons étoilées (Vettard, les Fantasques, Bourillot, Le Panorama, Nandron) ont disparu et l'on enregistre une montée en puissance d'une «cuisine de loisirs» avec un ticket moyen plus bas. N'est-ce-pas là que se situe l'avenir ?

Christian Bourillot :

«Je ne pense pas que la cuisine traditionnelle soit foutue, au contraire. C'est un mauvais passage, mais dans quelques années tout repartira. Il existe des cuisiniers de qualité, les gens aimeront toujours manger et accepteront de faire des sacrifices. Rien n'est donc perdu, sauf si l'on veut tuer la gastronomie.Ce ne sont pas les cuisiniers qui ont tuer la restauration, mais les technocrates du budget. Ce sont quand même eux qui ont tout fait pour que les repas d'affaires n'existent plus !»

Guy Lassausaie :

«A Lyon, il y a davantage de bons chefs qu'avant et cela divise la clientèle. Nous savons cuisiner mais nous ne savons peut-être plus faire de grandes maisons.»

Christian Têtedoie :

«Avec les charges, est-ce encore possible ?»

L'Hôtellerie :

En conclusion et pour revenir au propos initial, pensez-vous que Lyon est et restera une place forte de la gastronomie ?

Christian Bourillot :

«Je ne suis pas du tout pessimiste. La nouvelle génération va trouver des solutions et s'adapter. Il y a beaucoup de jeunes et bons cuisiniers à Lyon. L'heure est dure, mais cela n'a rien à voir avec la qualité des cuisiniers.»

Jean Vettard :

«C'est toujours vrai qu'à Lyon, en poussant des portes on peut très bien manger. Les jeunes sont simplement moins médiatiques que nous ne l'étions, mais la qualité est toujours là. C'est aussi une question de mode avec, comme à la pêche, des restaurants qui sont des leurres...»

Guy Lassausaie :

«Je pense que Lyon est toujours une place forte. Quand je vais manger ailleurs, je suis rarement surpris.»

Christian Têtedoie :

«Beaucoup de cuisiniers qui ont réussi à Paris ne réussiraient pas ici. Je suis persuadé que la situation actuelle ne pourra pas durer et j'ose être confiant. Les jeunes ont encore envie de faire ce métier, c'est le signe qu'il ne mourra pas.»

Entretien mené par

Jean-François Mesplède

jfmesplede@lhotellerie-restauration.fr

Jean Vettard, 66 ans

A la tête du restaurant Vettard, place Bellecour, de 1959 à 1989 avec deux étoiles rendues à Michelin peu avant la vente du restaurant.

Christian Bourillot, 62 ans.

Au restaurant Bourillot, place des célestins, de 1961 à 1995. MOF en 1968, étoilé de 1969 à 1995. Pendant de longues années président de la Chambre Syndicale.

Christian Têtedoie, 35 ans.

Une solide formation (Deplhin, Bocuse, Ducloux, Vergé, Outhier, Blanc) avant d'ouvrir son restaurant en 1985. MOF en 1996.

Guy Lassausaie, 35 ans.

A la tête du restaurant familial créé en 1906 puis 1984. MOF en 1993. Etoilé en 1994. Président des «Toques Blanches Lyonnaises»

Jean Vettard

Christian Bourillot

Guy Lassausaie

Christian Têtedoie


Grand Hôtel de Solesme

Robert Horiot renouvelle la cuisine

"Il fallait reprendre en main cet établissement qui semblait vivre sur ses heures de gloire passées. Je pense avoir apporté de la qualité qui était auparavant irrégulière." Depuis quelques temps, le Grand Hôtel de Solesme accueille l'homme de son renouveau. A bientôt 30 ans, Robert Horiot vient en effet de reprendre en main les cuisines de l'établissement, tenues jusqu'alors (et depuis 1975) par Bertrand Jacquet, le propriétaire des lieux.

Originaire de Troyes, ce nouveau chef s'est forgé au métier dans l'Est, à Strasbourg. Après une première expérience au Relais Royal au Luxembourg auprès de Daniel Perrin, Robert Horiot rejoint "cette plaque tournante incontournable qu'est Paris." Il travaille successivement au Saint-Germain avec Guy Barbe et, aux côtés de Jean Claude L'Honneur, au Grand Véfour et à l'Etoile d'or en qualité de sous-chef. "Et puis, comme tout jeune chef, je voulais voler de mes propres ailes et m'installer en province." Bertrand Jacquet le convaincra de s'implanter dans la Sarthe. "Cette structure a un énorme potentiel, il faut s'en servir." Et pour ce faire, Robert Horiot a procédé à quelques changements parmi les hommes (équipe renouvelée) "qui étaient assis sur une routine confortable" et sur les produits. "J'ai changé un fournisseur et surtout j'aimerais travailler avec des gens du coin," comme ce producteur de framboises qui le livre tous les matins pour réaliser ses escalopes de foie gras de canard poêlées au miel de framboise. "Aujourd'hui, il reste à améliorer le service en salle."

La carte (un menu du jour à
130 F, un menu carte à 200 F et une moyenne à la carte à 350 F hors vin) accueille depuis "un mélange de traditionnel et de modernité" à l'image de ce blanc de turbot grillé sauce maltaise, confit de fenouil, ou le ragoût fin de joues de cochon au gingembre. La cuisine devrait séduire une clientèle régionale d'hôtel et d'entreprises extérieures, essentiellement ciblée.

O. MARIE


Le Gastronomique Trophée de Davidoff

Ces étoilés du golf

Parce qu'un grand cigare conclut souvent un grand repas, Davidoff, nouvelle génération, a renoué un partenariat privilégié avec l'univers de la table. Ainsi, une quarantaine de chefs français ont été conquis par les cigares de Saint-Domingue, signés Davidoff, et forment désormais une sorte de cercle autour d'un art de vivre qu'ils apprécient et défendent. Davidoff a souhaité réunir ces amateurs de cigares sur le thème du golf, sport très proche du cigare, de part son élégance, en créant le premier Gastronomique Trophée. La manifestation a eu lieu au Golf de Sully. Bernard Fournier (Le Petit Colombier, Paris), Gilles Tournadre (Restaurant Gill, Rouen) et Philippe Villa (Golf de Sully sur Loire) sont arrivés en tête du scramble à trois joueurs et Patrick Fulgrzaff (Le Fer Rouge, Colmar) est arrivé premier du concours d'Approche. Une manifestation qui s'est terminée à quelques enjambées du golf, chez Philippe Dépée, ambassadeur Davidoff, dans son Auberge des Templiers, à Bosmorand.

Aux côtés de Raymond Scheurer, Davidoff international, MM. Fournier, Blanc et Albano, entre cigare et golf.


Isère

Les "Cuisiniers de métier"

Née d'une scission d'avec la "Table gourmande dauphinoise" devenue depuis "Table gourmande Rhône-Alpes", l'association des "cuisiniers de métier" du nord-Isère a pour parrain Guy Savoy, natif de Bourgoin Jallieu où il aime venir se reposer dans la maison familiale loin des miasmes de la capitale.

En deux ans, cette association a beaucoup œuvré à la promotion d'un art culinaire varié et riche non pas seulement à cause de la proximité de Lyon, mais aussi parce que le nord-Dauphiné a toujours été une terre généreuse pour les fruits et légumes, les volailles et les cochonailles, les viandes et les fromages. Expositions, dégustations, repas et soirées gastronomiques, journées à thème, concours, etc. ont fait connaître ces professionnels bien au-delà du département de l'Isère.

Après avoir édité à dix mille exemplaires un dépliant avec des cases à faire oblitérer par des restaurateurs de l'association, un tirage au sort a permis de désigner douze gagnants. Croisières, matériel de cuisine, week-ends gourmands, cartons de vins, dîners fins, etc. ont été solennellement remis aux vainqueurs au cours d'une soirée dont le menu avait spécialement été mis au point par le président Jean-Paul Iordt (Saint-Georges d'Espéranche) et Philippe Girardon, Meilleur Ouvrier de France 1997 titulaire d'un macaron au Michelin dans son "Domaine de Clairefontaine" à Chonas-l'Amballan près de Vienne (notre photo).

C. Bandieri

Les gagnants désignés par l'association des «Cuisiniers de métier.»



L'HÔTELLERIE n° 2530 Hebdo 9 octobre 1997

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