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Saison


Wissant, la station des deux caps


Du trop peu au trop plein

C'est une plage superbe au centre de

l'un des grands sites naturels classés

de France, entre les caps Gris Nez et Blanc Nez. C'est aussi l'une des capitales françaises

des véliplanchistes. Alors que l'hôtellerie

s'y porte de mieux en mieux

et se restructure, les avis divergent sur

la vocation profonde de la commune et

les aménagements nécessaires à son équilibre.

Ils sont tous d'accord sur le postulat de base. «Notre station est très prisée, elle accueille énormément de monde», se félicite le maire Claude Deliot également patron du café restaurant Le Charlemagne. «Le site se porte de lui-même, il n'a pas besoin d'être lui-même mis en valeur», constate l'architecte belge promoteur hors norme et hôtelier par surprise Michel Coënen, installé ici depuis 1975 à la suite d'un «coup de coeur», propriétaire de l'Hôtel de la Plage. «Nous avons touché le fond. Globalement le potentiel de la station augmente et commence à nous faire travailler correctement, à condition d'être très attentifs au rapport qualité/prix», analyse Régis Gest, heureux propriétaire du Logis de France Au Vivier récemment agrandi d'une annexe et patron du bistrot de plage Les Sirènes. «Notre site est exceptionnel. Dans l'ensemble on s'en sort...» indique prudemment Didier Davies de l'Hôtel Normandy, repreneur du Bellevue dans la même commune et d'un restaurant à quelques kilomètres.

Honnêtement, ils ont raison. Ce ne sont pas de vulgaires slogans de dépliants. Sous certains éclairages la vue sur la baie depuis le sommet du Blanc Nez est franchement à couper le souffle. Au pied de la falaise aussi d'ailleurs. Les véliplanchistes de haut niveau ont plébiscité cette baie éventée, aux courants forts, à la houle de hauteur idéale pour les sauts à pleine vitesse. «Nous sommes le troisième spot fun d'Europe», note Claude Deliot. Ce succès naturel n'est pas sans conséquences. «De 1.300 habitants en basses eaux nous passons à 15.000 l'été et les gros week-ends, dès que le soleil apparaît», compte le maire. Les amateurs du vent de cette station ne cherchent pas nécessairement la canicule, au contraire. Contrairement à la réputation de la région 200 jours par an au moins les intéressent.

Marché délicat

Cela posé il n'y a pas encore de quoi bondir de joie pour les hôteliers. On compte à présent près de 140 chambres en quatre établissements, pas d'hôtel de chaîne à l'horizon. Une petite demi-douzaine de restaurants, autant de cafés-restaurants complètent le tableau. Les taux d'occupation hôteliers moyens sur onze mois avec généralement fermeture en janvier varient de peu au-dessus de 50 % à peu en deçà. Ce qui fait dire au maire qu'il «n'est pas partisan d'augmenter le parc». La concurrence des gîtes et chambres d'hôtes officiels ou non est très vive. En professionnel, Claude Deliot dit prudemment que le phénomène est difficile à gérer pour les hôteliers mais cette offre correspond à une demande. La demande a changé. Tous les professionnels le reconnaissent et s'y adaptent. Tous les hôteliers se sont engagés dans une modernisation de leur établissement en direction d'un prudent deux étoiles, tout en gardant quelques chambres propres mais de niveau une étoile (douche et wc même exigus) ou zéro étoile (bains et toilettes partagés) mais chambres et literies correctes.

Le marché de l'hébergement se segmente en gros ainsi : campings et emplacements camping-cars (notamment pour les véliplanchistes) pour le long séjour et les séjours répétitifs ; gîtes, locations et chambres d'hôtes pour le court et le relativement long séjour ; hôtellerie bon marché et confortable de premier niveau pour le court séjour.

A prendre ou à laisser pour les hôteliers. L'autoroute A16 entre la Belgique, Lille et Paris le long de la côte apporte des changements de comportement importants. Les clients arrivent très vite au premier rayon de soleil et repartent tout aussi facilement aux premières pluies. Le Normandy était plein jusqu'à mi-week-end de l'Ascension. Il a plu le troisième jour, ce qui a entraîné la libération de treize chambres. Il faut faire avec. Avantage énorme : de nombreux week-ends actifs dès février. Inconvénient : des jours déserts en plein été et l'impossibilité de prévoir à long terme. Les réservations de trois semaines en hôtellerie ont quasiment disparu.

La restauration est très typée poisson, avec des prix de base dans les cafés dîneurs et des tickets moyens assez élevés dans les hôtels-restaurants. Les cafés glissent d'ailleurs progressivement vers la restauration. «Nous avons tendance à fermer plus tôt le soir», indique le patron du Charlemagne et «notre chiffre d'affaires. restauration représente 80% contre 20 % à la limonade». On sait qu'il n'en va pas de même pour la marge, mais la tendance est là.

Choix et controverses

Là encore, ils sont tous d'accord. Wissant telle qu'elle est, est la première plage belge en France à deux heures de Bruxelles grâce à l'A16 parce que les belges viennent y chercher un caractère de village perdu sur leur propre côte. La station tente nombre de français et de britanniques pour les mêmes raisons. Les résidents permanents et secondaires l'aiment pour les mêmes raisons. «Il faut garder à Wissant son caractère de village», clame le maire. «Moins on aménage, plus on attire», confirme Michel Coësnen.

Mais la nature urbaine a horreur du vide. Deux problèmes se posent aux élus. Le stationnement aux jours de pointe d'une part ; l'accueil des véliplanchistes d'autre part. Il existait voici trois ans un espace libre assez considérable face à la plage. Les véliplanchistes qui veulent venir avec leur matériel au plus près de l'eau l'avaient investi. Le maire précédent, le Dr Coupin, y a déclenché un programme immobilier dit du Bas Moulin dans lequel devaient se situer des logements et une base de loisir spot fun avec résidence hôtelière. Ce projet a déclenché la double colère des adversaires du principe même de cet aménagement comme Michel Coënen («il fallait des équipements collectifs et non des logements», s'insurge-t-il) et des professionnels qui y voyaient en pleine crise un nouveau concurrent indésirable. La majeure partie des logements est achevée. Sous l'administration suivante le projet de résidence hôtelière a été abandonné. Restent les équipements collectifs et notamment l'accueil des véliplanchistes pour le moment repoussés sur un coin de plage dans des abris de fortune et un camping mi-sauvage. Or les rigueurs de la loi littorale s'appliquent à cet espace. Le Tribunal administratif est saisi. Trois lots restent en balance. Si rien n'est fait, la question de la planche à voile deviendra aiguë certains jours et créera du mécontentement chez les résidents comme chez les sportifs. De plus, la commune y perdra des plumes.

Côté parking, le choix se pose entre une limitation payante à l'extérieur du village et une formule plus souple mais impraticable certains jours. Et difficile à vivre pour les résidents électeurs. Pas facile. Le maire recommande la souplesse aux gendarmes en préservant seulement les espaces de sécurité. Attention, prévient Régis Gest. Tout est possible un jour d'affluence par grand soleil, mais à la première goutte de pluie les touristes tournent bride à la première barrière.

Au-delà, il faudra choisir entre vocation touristique et paix des résidents. «Nous sommes une commune touristique», plaide Claude Deliot. «70 à 80 personnes travaillent directement dans ses professions. Ma propre affaire emploie cinq personnes en saison. Le seul camping municipal apporte le tiers du budget de fonctionnement de la commune», résume-t-il. Longtemps touristique en dilettante par la grâce du site des caps, Wissant devient professionnelle. Il va falloir assumer, et en partant de l'existant.

A. Simoneau


DIDIER DAVIES MET LE PAQUET

Il se passe bien des choses derrière cette façade à colombages. Difficile de faire du neuf avec du vieux. Pourtant la famille Davies a investi quelque 1,5 MF en dix ans dans son Hôtel Normandy (27 chambres dont dix-huit aux normes 2*, une table sympathique) daté de 1870, au centre du village, et encore 400.000 F tout récemment dans la cuisine reconstruite avec les services vétérinaires. Le passage, là aussi de la Sécurité a amené des travaux, des contrôles coûteux. Didier Davies espère demander son classement 2* NN en fin d'année... En attendant, ce d'abord chef de cuisine gère au plus près serré et applique strictement sa recette : priorité absolue à la demi-pension. On le critique beaucoup pour cela. Il n'en a cure, même au détriment du taux d'occupation. «La demi-pension (ndlr affichée pour deux personnes de 530 à 680 F la nuit, avec remise de 100 F à partir de la troisième nuit) permet de prévoir le personnel et les charges exactement». Pas de gaspi. Au Normandy, le ticket moyen à table est respectable (plus de 160 F), le T.O. est faible mais les prix de revient contrôlés.

Au Bellevue, repris en liquidation au tribunal de commerce, il faut redémarrer à zéro. Didier Davies a hérité (encore) du passage de la commission de sécurité qui a achevé ses prédécesseurs écrasés par 70.000 F par mois de remboursements d'emprunts. Pour lui, les problèmes de sécurité n'étaient pas insurmontables, et l'affaire est une opportunité. Un bel établissement de trente chambres 2*, bien rénové, avec des facilités d'accueil de sportifs dans son petit parc bien meilleures qu'au Normandy. On n'y imposera pas la demi-pension (650 F), la chambre est vendue 350 F. La restauration y sera un peu plus modeste, avec sa propre équipe. Mais qu'il est dur de reconstruire une clientèle perdue...

Pour faire bonne mesure, Didier Davies a repris aussi le Moulin de Rouge Berne une salle de banquet champêtre dans l'arrière pays. Rien ne sera jamais facile, mais l'optimisme vient doucement. La preuve.

" L'ENTRE DEUX CAPS "

Ancien maire de Wissant, le docteur Coupin est à présent vice-président du district de Marquise, chargé du tourisme. Cette fédération de communes groupées autour du site des caps bénéficie d'un contrat de développement rural avec l'Etat et la région et donc de quelques subsides. Le vice-président au tourisme aidé d'une chargée de mission voudrait y intégrer une triple démarche " d'identification du territoire ", de " solidarité territoriale " (notamment entre la côte et l'arrière-pays) et d'" identification " de ce territoire. Il pourrait se nommer l'entre-deux caps ou autrement. Première démarche en cours depuis dix-huit mois : l'identité. Signalisation, relais d'information... Seconde démarche : l'extension de l'offre touristique et sa liaison avec les professionnels de l'hébergement. Mais en admettant que tout cela progresse, il faudra à l'Entre deux caps un interlocuteur professionnel, c'est-à-dire un club d'hôteliers et de restaurateurs. Il a existé, et s'appelait Horecap. Mais faute d'animateur, il a sombré. Il est peut-être temps d'y penser de nouveau. Même si les personnalités sont très différentes.




Entre deux caps.

ARCHITECTE ET HOTELIER

Michel Coënen architecte belge a jeté l'ancre à Wissant en 1975 après en être tombé amoureux dix ans plus tôt. Il y a repris un cabinet d'architecture. Puis de proche en proche mêlant restauration d'immeubles et créations d'affaires diverses il y a repris l'Hôtel de la Plage, installé dans un hangar une vaste salle à manger avec chambres dans les combles, puis deux salons dans un ancien corps de ferme, un musée et le cabinet d'architecture dans l'ancien moulin, une opération immobilière avec neuf appartements vendus... Le tout en continuité selon le plan d'origine. S'y ajoutent récemment un centre d'accueil de véliplanchistes et de location de VTT concédé à l'une de ses employées, et une villa de 600 m2 en front de mer pour partie reconvertie en appartements, pour partie annexée à l'hôtel afin d'offrir une alternative les pieds dans l'eau aux clients.

Michel Coënen et son épouse ont tout appris (à leurs gros dépends) de ce nouveau métier quand ils ont acquis l'hôtel plus que centenaire. Le restaurant est à présent, cédé en tant que fonds de commerce à des professionnels. L'hôtel est en rénovation perpétuelle. En octobre dernier, il a fallu accélérer. La Commission départementale de sécurité avait décidé purement et simplement la fermeture. « Nous avons travaillé jour et nuit une semaine. Nous sommes à trente chambres ouvertes. L'objectif est de progresser à 46 chambres soit trente à normes deux étoiles et seize avec une salle de douche et un wc communs pour deux chambres. Parce que nous aurons encore des clients pour des prix en deçà de 200 F», explique le patron. Les clients sont forcément des amateurs de caractère plus que de normes et de grand confort. Cela a un solide côté Guide du routard de retour de Saint-Jacques de Compostelle (10 % de réduction avec le guide..). La chambre la plus chère ? Elle est donnée pour 525 F, mais avec 4 lits ! Bienvenue aux familles. Et aux animaux, dans les chambres avec plancher.

C'est la nature même de Wissant et de son bâti qui ont séduit cet artiste de l'hôtellerie, pourtant promoteur (de vieilles pierres) et homme d'affaires en même temps. Il aurait souhaité une autre politique d'aménagement - c'est-à-dire de mise en valeur de l'existant - de la part des élus. Il se sent plus en phase avec ses " collègues " du privé.

L'Hôtel de la Plage remis en valeur par Michel Coënen.

LE VIVIER : EXTENSION TOUTE

Dix chambres à l'hôtel-restaurant d'origine, dix-neuf dans la nouvelle annexe à la sortie du village, un bistrot Les sirènes qui attend la décision d'application de la loi littorale sur la plage, une table de poissons qui se défend à des prix de belle brasserie : aucun doute, Régis Gest est un entreprenant. Ce boulanger de formation n'aimait guère les horaires et la solitude du métier de son père. Il a repris un bistrot, l'a transformé en pizzeria, a observé que ce n'était pas le produit recherché par les touristes. Sans avoir été jamais au fourneau, il se trouve des collaborateurs et attaque le poisson progressivement. Il y avait déjà sept ou huit chambres au dessus du bistrot. De là à la suite... En 1982 Le Vivier devient un hôtel restaurant. Il est aujourd'hui Logis de France 2*NN, la chambre prudemment vendue à partir de 220 F. Les sirènes étaient une opportunité foncière «qui ne demande qu'à se développer à condition de savoir où nous allons», commente-t-il.

Il est sans doute satisfait de son évolution mais ne pavoise pas. «Le potentiel s'accroît. Nous sommes rodés à la difficulté. Le client est là. Mais gare aux prix. Mais gare aux contraintes et aux barrières. Il est vite effarouché».

L'hôtel Le Vivier qui témoigne bien de l'authenticité de Wissant.



L'HÔTELLERIE n° 2521 Hebdo 31 juillet 1997

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