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L'Evénement

Les bistrots ont un rôle social de plus en plus grand

«Il faut laisser aux gens les moyens

de travailler»

Roland Magne, président national de la Confédération française des Cafés, Hôtels, Restaurants et Discothèques, s'insurge contre l'inégalité des taux de TVA et s'inquiète du nombre de fermetures des bistrots qui, sur Paris, a atteint 8% l'an dernier.

Propos recueillis par
Sylvie Soubes

L'Hôtellerie :

«Etre président n'est pas seulement un titre, c'est pour moi une véritable mission», aviez-vous déclaré lors des élections nationales du Havre. Quelle approche avez-vous du secteur café ?

Roland Magne :

Le café n'est plus, depuis longtemps, un lieu où l'on s'alcoolise. Ce n'est plus ça l'esprit du café. C'est un lieu de convivialité, où on se retrouve, où il y a un échange d'humanité. Si nous perdons les cafés, où vont aller les gens ? Dans la rue ? Le rôle social du bistrot est incontestable et nous devons le préserver en tant que tel. C'est une des missions que je me suis données. Je ne sais pas si vous vous rendez compte que l'an dernier, à Paris, 8% des établissements ont fermé leurs portes. C'est énorme, c'est un chiffre catastrophique qui s'explique en partie par l'augmentation de la TVA et la baisse de pouvoir d'achat des gens.

L'Hôtellerie :

Le taux de TVA actuel est en effet un réel problème mais, est-ce que les pouvoirs publics en sont vraiment conscients ?

R. M.:

Je voudrais, si vous le permettez, réexpliquer le phénomène auquel nous sommes confrontés. Prenons un exemple concret. Si nous achetons des fournitures pour une valeur de 50 F HT, taxées à 20,6%, cela génère un montant de TVA de 10,30 F. Nous transformons ces fournitures en un produit que nous allons revendre 150 F HT. A cela, nous ajoutons 30,90 F de TVA, c'est-à-dire 20,6. Le calcul est simple : 30,90 F - 10,30 F (montant récupérable) = 20,60 F (qui est la somme que nous allons reverser à l'Etat). Dans cet exemple, nous ne gagnons rien ni ne perdons sur cette quote-part. En revanche, et c'est le cas pour le secteur, quand nous achetons pour 50 F HT de fournitures, celles-ci sont taxées à 5,5 %. Reprenons notre calcul. 50 F HT et taxés à 5,5% vont donner 2,75 F récupérables. Notre produit fini est toujours de 150 F HT mais taxé à 20,6 %. La somme que nous allons reverser à l'Etat est alors de 30,90 F (montant de la TVA pour les 150 F HT de produit fini) - 2,75 = 28,25 F. Si on se penche objectivement sur ce calcul, nous nous aperçevons que ce n'est plus 20,60% que nous reversons mais 28,15%. En ce qui me concerne, j'appelle ça du racket puisque nous payons plus de TVA que les autres secteurs. Ajoutez à cela le fait que les consommateurs n'ont plus les moyens de payer plus cher et que nous ne pouvons plus augmenter nos prix. Bref, nous rognons sur nos marges qui sont de plus en plus étroites. Il faut laisser aux gens les moyens de travailler.

L'Hôtellerie :

Vous semblez également inquiet en matière de paracommercialisme ? Avez-vous un exemple à nous donner qui paraît représentatif de cette montée de la concurrence déloyale ?

R. M. :

J'en aurais plein à vous donner. Je citerai un des derniers en date. Ca s'est passé en Normandie, à Yvetôt. A l'occasion du Tour de France, la municipalité à tout simplement organisé le jour du passage un banquet ouvert à tous. Elle a même fait de la publicité dans la presse locale pour l'annoncer. L'encart disait «la municipalité convie les spectateurs à un grand buffet à partir de 13 heures sous le marché couvert. Au menu : salade composée à volonté, côte de porc et saucisse ou merguez, fromage, grillé aux pommes. Vins compris, prix 50F.» Si ce n'est pas de la concurrence déloyale, c'est quoi ? Est-ce que la municipalité s'est intéressée aux bistrots et aux restaurants de la ville ? Non. Ceux-ci ont appris l'opération comme tout le monde, dans le journal. C'est inadmissible. La municipalité leur a pris de la clientèle et en pratiquant un tarif qu'un établissement ne peut suivre compte tenu de ses charges. Comment voulez-vous, ensuite, que nos professionnels aient le moral ou la foi dans l'avenir ?

L'Hôtellerie :

Comment jugez-vous le milieu syndicaliste aujourd'hui ?

R. M.:

Nous ne gagnerons qu'à partir du moment où les deux grands syndicats de la profession auront su régler certains problèmes qui les oppose et que nous trouvions le moyen de réunir sur les grands dossiers, même si les indépendants n'ont pas toujours les mêmes soucis que les chaînes. Je voudrais vous dire que j'ai été particulièrement sensible au fait que l'un des deux présidents potentiels de la FNIH m'ait fait part des grandes lignes de son programme dans un courrier. Cela, pour moi, laisse augurer d'un avenir constructif. J'ai été très sensible à cette démarche de Georges Antoun et cela prouve que le syndicalisme peut évoluer sur des bases saines et en bonne intelligence. Pour moi, le syndicat de papa, c'est fini. Il faut que les professionnels sachent se réunir sur certains dossiers. J'irai plus loin dans ma vision du syndicalisme, nous devons nous inspirer du modèle américain. Que le syndicat ne soit plus seulement un organe de défense de la profession, mais il doit aussi faire avancer les ventes et apporter sa contribution dans la promotion de ses adhérents.

L'Hôtellerie :

La Coupe du Monde de Football est-elle aussi un challenge pour la profession ?

R. M.:

Je la compare déjà à une immense kermesse, à une sorte de fabuleux salon pendant lequel il va falloir être extrêmement performant. Nous organisons dans le cadre de notre Conseil Confédéral, qui se tiendra à Paris pendant Equip'Hôtel, une conférence sur ce sujet à laquelle participeront les responsables de l'organisation de la Coupe. Vous imaginerez volontiers l'importance de ce tour de table. La seule chose que je peux vous dire dans l'immédiat c'est qu'il va falloir gérer une clientèle venant de tous les horizons et que cela va demander des efforts particuliers. Je dirais qu'il va falloir, quelque part, changer de mentalité. Mais j'ai confiance.



Roland Magne, élu à la présidence de la CFHRCD en mars dernier au Havre, souligne l'inégalité des taux de TVA pratiqués en France, il nous parle également du milieu syndical et du challenge de la Coupe du Monde.


Guy Blanchard, président des cafés

pour la CFHRCD :

«Il est important d'avoir un président

qui nous comprenne et s'implique, comme le fait Roland Magne, dans tous les problèmes du secteur des bistrots».



L'HÔTELLERIE n° 2519 Hebdo 17 juillet 1997

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