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Actualité juridique

Droit des marques

Comment protéger le nom commercial
de son restaurant

Monsieur Gourmand va ouvrir un restaurant à Paris. Il hésite encore sur le choix du nom commercial qu'il va donner à son restaurant. Au cours d'une discussion, un de ses bons amis, monsieur Gourmet qui lui-même est dans les affaires, lui suggère de procéder à quelques formalités avant de choisir un nom commercial.

Toute personne physique possède un nom qui lui permet d'être identifié. Pour l'entreprise, c'est la même chose. L'exploitant du restaurant peut être soit une personne physique, M. Gourmand par exemple, soit une société identifiée par une dénomination sociale comme par exemple SARL G.M.. Cette dénomination sociale est librement choisie par les associés, elle peut être fantaisiste ou faire référence à l'activité de l'entreprise.

Mais M. Gourmand doit aussi trouver un nom commercial pour son restaurant, c'est-à-dire le nom sous lequel son établissement va être exploité et qui va permettre aux tiers de l'identifier (clients, fournisseurs...). En pratique, ce nom sera le même que l'enseigne apposée sur le fonds pour permettre aux passant de le reconnaître.

Précautions à prendre lors du choix du nom

M. Gourmand peut librement choisir le nom de l'entreprise. Il peut lui donner son nom patronymique, mais il peut aussi être purement fantaisiste (Uniprix, Infragel..). Mais le choix du nom ne doit pas entraîner une confusion avec un fonds déjà existant et, par la suite, constituer un acte de concurrence déloyale. Il ne doit pas non plus être motivé par le désir de s'approprier frauduleusement la notoriété acquise par un autre nom. Comme par exemple vouloir appeler son restaurant La Tour d'Argent.

Les tribunaux reconnaissent une priorité d'usage du nom commercial, de l'enseigne et de la dénomination sociale. Si M. Gourmand choisit un nom qui a déjà été adopté par un autre restaurateur, celui-ci peut le poursuivre au titre de la concurrence déloyale. Dans la mesure où le nom choisi par M. Gourmand est susceptible d'établir une confusion avec un restaurant qui avait adopté ce même nom préalablement, les tribunaux peuvent le contraindre à en changer.

Pour ne pas choisir un nom identique ou similaire à celui qu'aurait déjà choisi un confrère, il a été conseillé à M. Gourmand de consulter le registre du commerce et des sociétés tenu par l'INPI.

M. Gourmand doit également s'assurer que le nom commercial choisi n'a pas fait l'objet d'un dépôt de marque. Pour cela, il doit consulter le registre des marques à l'INPI ou consulter le Minitel (08.06.36.36.30, ICIMARQUES). Mais attention, ce service n'est qu'une première étape pour vérifier l'existence d'une marque. En effet, la recherche se fait seulement à l'identique. Il n'est pas tenu compte des similitudes phonétiques, intellectuelles, visuelles. Pour une recherche approfondie, vous devez demander à l'INPI ou à un conseil une recherche complète portant sur les marques et les dénominations de sociétés.

Il doit effectuer une recherche d'antériorité dans la classe afférente au service de la restauration (classe 42) pour la somme de 250 F, sachant qu'il convient d'ajouter la somme de 125 F par classe supplémentaire jusqu'à 5 classes et 5.500 F pour toutes les classes.

Déposer son nom à titre de marque

Le nom commercial choisi par M. Gourmand peut aussi faire l'objet du dépôt d'une marque à l'INPI. Ce qui lui apporte une protection supplémentaire plus efficace et plus rapide, du seul fait de l'utilisation de sa marque par une action en contrefaçon. Alors que pour la concurrence déloyale, il faut démontrer le risque de confusion dans l'esprit du public entre les deux établisssements et le préjudice qui en résulte.

Comment choisir
le nom ?

M. Gourmand décide de déposer son nom commercial à titre de marque. Toutefois, il se demande si n'importe quel nom peut être déposé et quelles sont les formalités à effectuer.

Le choix peut se porter sur une marque nominale constituée par un terme commun ou de fantaisie, par son nom patronymique par un assemblage de mots, par des lettres ou des chiffres ainsi que par un nom géographique sauf s'il constitue une appellation d'origine protégée. Par ailleurs, on peut opter pour une marque figurative, composée d'une forme ou d'un dessin ou encore une marque complexe qui associe un mot et un dessin. Il faut s'assurer que la marque que l'on envisage de déposer doit être originale et distinctive. Elle ne doit pas avoir un caractère générique ou banal. Il n'est pas envisageable de s'approprier une expression banale, le vocabulaire courant faisant partie du domaine public.

En outre, le restaurateur ne peut jeter son dévolu sur une dénomination pouvant servir à désigner une caractéristique propre à la restauration car la marque serait jugée descriptive donc nulle, par exemple, le Grand Restaurant ou le Restaurant de Paris.

Il faut d'abord vérifier que la marque déposée soit nouvelle, disponible, c'est-à-dire que personne n'ait acquis de droit sur un signe identique ou similaire dans le même secteur économique. Il ne pourra pas appeler son restaurant «Le Bistrot du Boucher», nom appartenant à un de ses confrères et qui a déjà fait l'objet d'un dépôt de marque.

Il faut savoir que l'antériorité s'apprécie secteur commercial par secteur commercial. En effet, il peut être utilisé une marque pour désigner un service déterminé même si ce signe a déjà été utilisé pour des services différents. Par exemple, Mont Blanc pour les produits alimentaires et Mont Blanc pour des articles de papeterie.

Comment déposer
son dossier

Une fois le nom choisi en fonction des critères énoncés, il doit être effectué plusieurs formalités pour déposer le nom commercial choisi à titre de marque. Ce dépôt peut être effectué soit personnellement soit en utilisant les services d'un mandataire qui doit alors être muni d'un mandat. Il est fortement conseiller de s'adresser à un conseil en propriété industrielle inscrit sur une liste officielle disponible à l'INPI (comme par exemple la société Novamark à Paris qui se charge de toute la procédure, de la recherche à l'enregistrement de la marque).

Le dossier doit être déposé soit directement à l'INPI soit au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel le déposant est domicilié.

Ce dossier comprend un modèle imprimé fourni par l'INPI en cinq exemplaires qui mentionne notamment son identification (nom, prénom, adresse), la marque verbale ou figurative, l'énumération précise du service pour lequel il désire être protégé (la restauration par exemple) ainsi que l'indication de la classe correspondante (42).

La protection

La marque sera protégée pour tous les services cités et non pour tous les produits de la classe correspondante. Il devra s'acquitter sur place d'une redevance de 1.250 F jusqu'à trois classes, en sachant que chaque classe de produits ou de services supplémentaires coûte 250 F.

La marque de M. Gourmand sera alors publiée au Bulletin Officiel de la propriété industrielle environ six semaines après que les services de l'INPI aient procédé à son enregistrement. M. Gourmand recevra un certificat d'enregistrement.

Le nom commercial du restaurant de M. Gourmand sera protégé pendant dix ans à compter de la date du dépôt et pourra être protégé indéfiniment par des renouvellements successifs tous les 10 ans. Cependant, il devra établir une déclaration de renouvellement de la marque au cours des six derniers mois de validité de l'enregistrement sous peine de déchéance.

Les effets de
cette protection

Quelques semaines plus tard, M. Gourmand apprend que M. Glouton qui exploite un restaurant à Paris s'est opposé au dépôt de la marque «Au Bon Goût». En effet, ce dernier prétend que la marque déposée est indisponible car il l'utilise déjà comme nom commercial et à titre d'enseigne de son restaurant. Mais M. Glouton n'a pas déposé, ni enregistré son nom commercial «Au Bon Goût» à titre de marque. L'opposition de M. Glouton ne sera admise que s'il démontre que son nom commercial est connu sur l'ensemble du territoire national et qu'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public.

Par contre, M. Gourmand qui a déposé son nom à titre de marque pourra demander l'interdiction ou la réglementation de l'utilisation de l'enseigne de M. Glouton car elle porte atteinte à ses droits.

Quelle action engager ?

Quelques mois plus tard, M. Gourmand réputé être un excellent restaurateur apprend que Mme Durand exploite une brasserie «Au Bon Goût» c'est-à-dire sous le même nom commercial que le sien.

M. Gourmand adresse donc à Mme Durand une lettre recommandée avec accusé de réception puis une sommation d'huissier lui demandant de cesser d'utiliser cette enseigne.

Mais Mme Durand estime être dans son droit car elle n'a jamais entendu parler de ce restaurant, et de toute façon cela lui coûterait trop cher de changer tous ces documents commerciaux (les menus, cartes de visite...) ainsi que l'enseigne et de la devanture de son établissement.

M. Gourmand qui n'a obtenu aucune réponse, décide d'intenter une action en contrefaçon à l'encontre de Mme Durand qui a utilisé sans son autorisation la marque déposée «Au Bon Goût» comme enseigne de sa brasserie.

Cependant, M. Gourmand hésite sur la juridiction qu'il va saisir. En effet, il peut intenter une action soit devant le tribunal correctionnel, soit devant le tribunal de grande instance. Au tribunal correctionnel Mme Durand risque 2 ans d'emprisonnement et un million d'amende en plus des réparations civiles. Quant à la juridiction civile, elle pourra ordonner à Mme Durand de cesser d'exploiter sa brasserie sous cette enseigne et octroyer des dommages-intérêts à M. Gourmand pour réparer le préjudice correspondant à la perte subie et à son manque à gagner.

Manon Abitan

INPI : Division des sociétés et de l'identité commerciale et artisanale

32 rue des trois fontanot

92000 Nanterre

Tél. : 01 53 04 59 14.

Le Bistrot du Boucher est une marque qui permet à son propriétaire, la société BBG, de s'opposer à toute utilisation de son nom, mais aussi de le louer en accordant une licence moyennant finances.



L'HÔTELLERIE n° 2515 Hebdo 19 juin 1997

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