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Entretien avec Bruno Miraglia

La volonté d'une politique touristique en région Paca

Pendant longtemps, seules les régions pauvres en activités touristiques ont investi dans le tourisme, les régions privilégiées, nanties, n'avaient pas le sentiment qu'un investissement soit nécessaire. C'était sans compter sur le développement touristique hors frontières et sur la chute des prix du transport aérien. Aujourd'hui, la concurrence internationale est telle qu'en l'absence d'une réelle politique touristique, les régions aussi privilégiées soient-elles perdent des parts de marché. Forte de ce constat, la région Paca a décidé de se doter de nouveaux moyens, Bruno Miraglia, président de la Commission tourisme-loisirs du Conseil régional, explique.

L'Hôtellerie :

Vous évoquez une volonté politique en matière de tourisme, comment se traduit-elle dans les faits ?

Bruno Miraglia :

«Elu en 1986, j'ai été en charge du tourisme en 1992. Jusqu'à cette date, en matière de tourisme, seul le CRT décidait. J'ai immédiatement fait créer un service tourisme et la région aujourd'hui met en place une réelle politique touristique. En deux ans, nous avons fait passer le budget du tourisme de 42 à 77 millions : c'est bel et bien un engagement politique !»

L'Hôtellerie :

La région Paca a déjà une image touristique très forte, la fréquentation est bonne, qu'est-ce qui vous amène à vouloir renforcer une image déjà forte ?

B. M. :

«Vous avez raison, nous avons des atouts considérables, mais encore faut-il savoir les utiliser convenablement. En région Paca, nous avons trois zones touristiques : la Côte d'Azur avec un tourisme ancien qui, en matière d'image, a un peu vieilli, mais qui peut sans conteste, retrouver ses heures de gloire ; les Alpes du Sud avec la montagne, le ski, zone qui doit aujourd'hui procéder à une reconversion en développant les activités d'été et puis, là c'est nouveau, la Provence qui correspond parfaitement à ce qu'attend la clientèle aujourd'hui, une certaine authenticité, un retour à la nature. A nous de savoir pleinement profiter de ces trois zones d'attraction.

Bien sûr, notre région attire un grand nombre de touristes, mais gardons-nous de crier victoire pour autant. Dans la mesure où nos chiffres se maintiennent dans un marché qui est par ailleurs en croissance, on doit considérer que nous perdons des parts de marché. Une situation d'autant plus alarmante que dans le même temps, les comptes d'exploitation des hôtels et des restaurants ne sont pas bons, pour maintenir leur activité, ils ont été obligés de baisser leurs tarifs et aujourd'hui, ils n'ont plus de marge de manoeuvre pour investir dans la rénovation. Ce qui est dramatique, puisqu'ils n'ont plus les moyens de concurrencer d'autres pays sur le plan économique, pour la région, ces données sont essentielles. Le tourisme correspond à lui seul, à 90.000 emplois directs. Chaque fois que nous perdons 1% de part de marché, nous perdons 1.000 emplois.»

L'Hôtellerie :

A quel niveau doivent alors se faire les investissements sur le plan régional ?

B. M. :

«Pas seulement au niveau de la promotion, c'est certain. Rien ne sert d'investir pour attirer des touristes si, quand ils sont chez nous, ils ne sont pas satisfaits. Nous sommes aujourd'hui en concurrence internationale avec d'autres régions qui ont des atouts comparables, voire supérieurs aux nôtres, ne l'oublions pas. La clientèle européenne a moins de moyens qu'avant et profite pleinement de la chute des tarifs aériens due à la dérégulation. Aussi, la région Paca se retrouve dès lors en concurrence avec des destinations plus lointaines et exotiques. Pour attirer et conserver les touristes en France, il faut apporter un très bon niveau de qualité de prestation, d'environnement, de service, d'accueil, le tout à un très bon tarif. A nous d'établir un plan d'action à partir de cette réalité. C'est ce que nous avons fait pour déterminer le projet du schéma directeur du tourisme sur les dix années qui viennent.»

L'Hôtellerie :

Quelles en sont les grandes lignes ?

B. M. :

«Première priorité : l'amélioration de l'hébergement touristique, c'est essentiel. Nous avions voté pour l'année 1996 un budget qui devait permettre d'attribuer des subventions aux hôteliers indépendants dans le cadre de la rénovation de leurs établissements. 20 millions de francs ont été perdus à la suite de l'intervention du préfet qui mettait en avant une irrégularité administrative de la procédure. Pour l'année 1997, 20 millions de francs ont été votés, mais si la situation reste bloquée au niveau de notre interdiction d'accorder ces subventions, ces 20 millions vont encore être perdus, c'est catastrophique ! (voir courrier envoyé au ministre de la Ville). En aidant à la modernisation de l'hôtellerie, la région est parfaitement dans son rôle. Ces subventions sont incitatives, les hôteliers dépensent 5 à 6 fois plus, c'est donc pour l'économie en général, une opération dynamique et en plus, ça permet à l'offre hôtelière d'être de bon niveau et de pouvoir affronter la concurrence d'autres régions, voire d'autres pays touristiques, dans les meilleures conditions. Ce qui ne peut que laisser augurer d'une bonne activité et donc d'une tendance encourageante sur le plan de l'emploi. Aujourd'hui, l'Etat fait la sourde oreille et rien n'avance, nous continuons à perdre du temps et donc des parts de marché.

Notre second objectif concerne les meublés. Dans la région, on en dénombre 700.000 ! C'est un marché sauvage au sein duquel on trouve le meilleur comme le pire. Ce qui est sûr, c'est que les meublés font intégralement partie de l'offre touristique et qu'un touriste mal reçu, mal traité dans ce type d'hébergement dans la région gardera un très mauvais souvenir de son séjour et c'est le tourisme dans son ensemble qui en pâtira. C'est la raison pour laquelle il est indispensable que nous organisions ce marché en le labellisant. On peut espérer que tous ceux qui ne seront pas labellisés ne seront pas demandés par la clientèle et s'élimineront d'eux-mêmes. La troisième priorité concerne l'accueil. Nous avons sur ce point d'énormes progrès à faire pour que les clients aient envie de revenir.»

L'Hôtellerie :

La région a voté un budget pour l'hôtellerie indépendante, pourquoi ne pas avoir pris en compte la restauration ?

B. M. :

«Nous souhaitons vivement pouvoir intervenir en matière d'aide à la restauration, mais pour ce faire, nous avons besoin d'une codification, d'une charte pour signaler la qualité du professionnalisme. Nous ne voulons pas accorder des aides sans référence à la qualité. Nous attendons des propositions de la part des professionnels et sommes disposés à passer un accord avec eux : nous vous aidons à améliorer l'hygiène et la sécurité en échange, vous vous engagez davantage auprès des clients en matière de qualité. Mais ce n'est pas aux élus de proposer un schéma, un plan de travail, c'est à la profession de nous soumettre ses propositions.»

L'Hôtellerie :

Au-delà de cette intervention au niveau des entreprises, quels sont les projets que vous avez ?

B. M. :

«Il nous faut donner une autre dimension à l'offre touristique. Le tourisme balnéaire est très important dans notre région, mais il n'attire que sur une période très courte. Il faut donc créer des événements, avoir une animation en dehors de la saison à proprement parler. La région est parfaitement disposée à apporter un concours financier sur des projets sérieux. Les collectivités ont intérêt à financer les premières années et se retirer petit à petit quand les choses marchent. Mais à ce stade, c'est aux collectivités de s'impliquer et d'avoir un rôle moteur, nous les sollicitons. La région pourrait très facilement se doter d'une forte image culturelle, la Côte d'Azur devrait être candidate à l'organisation de grandes manifestations pour l'an 2000, nous avons les équipements, les sites, l'histoire, les hommes, il n'y a plus qu'à s'investir politiquement dans un projet d'envergure. J'ai écrit aux maires pour les inciter à se lancer dans l'aventure, mais je n'ai pas de réponse. C'est dommage. Nous passons à côté d'opportunités fabuleuses par négligence. Un exemple, en Europe, la région la mieux dotée en golfs, c'est la région Paca. Le problème réside dans le fait que personne ne le sait et dans l'esprit des joueurs, les grandes régions golfiques sont le Portugal, l'Ecosse et le Sud de l'Espagne. A nous de créer des animations, d'organiser des tournois internationaux pour que nos golfs soient connus et reconnus. Le tourisme mérite un meilleur sort que celui qui lui a été réservé aujourd'hui.»

L'Hôtellerie :

La région a deux CRT alors qu'elle ne devrait en avoir qu'un seul entre Marseille et Nice, lequel allez-vous garder ?

B. M. :

«Le problème ne se pose absolument pas en ces termes. La région Paca est particulièrement atypique, avouez-le ! C'est la seule région avec deux métropoles aussi importantes : la deuxième et la cinquième ville de France ! Ces villes ont toutes les deux une identité forte, mais elles sont non concurrentes en matière de tourisme. Il n'est donc pas nécessaire de les opposer. La métropole incontestée en matière de tourisme, c'est Nice. C'est donc parfaitement logique que l'on y installe de CRT de la région sans pour autant que l'on puisse imaginer par là un dépouillement de Marseille. Il faudra à terme la création d'un CDT de plus et le CRT sera en charge de coordonner les trois grandes destinations, afin de déléguer aux trois structures la charge d'organiser la promotion. On peut rendre les choses très faciles quand on raisonne avant tout globalement, en terme d'efficacité. Mais le déménagement n'est pas encore déterminé. On a le temps.»

Propos recueillis par P.A.F.

«Le tourisme mérite un meilleur sort que celui qui lui a été réservé jusqu'à aujourd'hui», clame Bruno Miraglia.

L'aide à l'hôtellerie indépendante suspendue depuis octobre 1996

Bruno Miraglia demande à Jean-Claude Gaudin, ministre de l'Aménagement du Territoire, de la Ville et de l'Intégration, d'intervenir.

«Monsieur le ministre,

Le ministère de la Fonction publique, de la Réforme de l'Etat et de la Décentralisation, ainsi que le ministère de l'Equipement, du Logement, des Transports et du Tourisme auraient confirmé, au regard de l'article L. 1511.2 du C.G.C.T. reprenant l'article 4 de la loi n° 82.6 du 7 janvier 1982, l'irrégularité administrative de la procédure d'aide directe à l'hébergement touristique indépendant décidée par le Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur.

En 1982, les lois de décentralisation n'étaient pas votées. En outre, le nombre de chômeurs s'élevait à 2.100.000 ; aujourd'hui, la décentralisation est une réalité et le nombre de demandeurs d'emploi s'élève à 3.100.000.

De plus, en Provence-Alpes-Côte d'Azur :

- Le tourisme participe à hauteur de 10% au PIB régional, 35% au PIB des Alpes-Maritimes et 70% au PIB des Hautes-Alpes ;

- Le tourisme emploie directement à ce jour 90.000 personnes ;

- Les résultats des comptes d'exploitation ainsi qu'une morosité ambiante reportent année après année les investissements nécessaires ;

- L'âge avancé d'un certain nombre d'établissements souffre de la comparaison avec les équipements des nouvelles destinations touristiques concurrentes mondiales ;

- La réhabilitation de notre hébergement touristique, tant en matière de confort que de sécurité, est indispensable.

En conséquence, si la politique volontariste en faveur de l'hébergement décidée par le Conseil régional n'est pas poursuivie dans les plus brefs délais, nous aurons, je le crains, à supporter dans les prochaines années des préjudices économiques et sociaux très importants en contradiction avec notre volonté réaffirmée de maintenir et créer des emplois.

La Cour des comptes, dans son rapport public particulier de novembre 1996 conclut : «La réforme du régime juridique des interventions économiques des collectivités territoriales a été trop longtemps retardée. Elle est devenue indispensable. La plupart des interlocuteurs rencontrés à l'occasion de l'enquête, dans les collectivités, parmi les comptables publics, au sein des services préfectoraux et des administrations déconcentrées et centrales de l'Etat, en conviennent». Le débat national sur l'aménagement du territoire a repris cette question en 1993.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que le gouvernement, qui a su apporter une réponse concrète au problème auquel a été confrontée l'industrie automobile grâce aux mesures communément appelées «Balladurette» et «Juppette», décide d'engager la réforme du régime juridique des interventions économiques des collectivités territoriales.

Accompagner l'hôtellerie indépendante, confrontée à une restructuration urgente, s'avère aujourd'hui nécessaire.»

FAIRE JOUER LES COMPLÉMENTARITÉS

C'est au cours de l'inauguration du bureau de la CCI de Marseille-Provence à Paris que Jean-Claude Gaudin a réaffirmé la volonté politique de la ville dont il est maire, mais aussi et surtout de la région qu'il préside en matière d'investissements touristiques.

Le bureau de la CCI de Marseille sera une plate-forme très importante pour la structure «Provence Internationale», présidée au sein de la CCI par Georges Antoun. Une structure qui fonctionne comme une interface professionnelle entre les marchés et la «destination Provence». Sur la seule année 1996, les actions menées par Provence Internationale ont généré 60.000 nuitées. C'est à travers un réseau important de représentants aux Etats-Unis, au Japon et en Europe que les actions sont menées principalement auprès des tour-opérateurs avec l'appui d'une base de données tenue à jour en permanence, sur plus de 1.200 références. Aujourd'hui, les hôteliers ont en plus, la possibilité d'être présents dans un manuel de vente consultable sur Internet (http://www.provencetourisme.com).

De la ville à la région, J.-C. Gaudin affiche

une volonté politique en matière d'investissements touristiques. Les promesses seront-elles suivies

de faits ? A suivre.



L'HÔTELLERIE n° 2505 Hebdo 10 avril 1997

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