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Vie professionnelleTravail au noirLe restaurateur va-t-il rester en prison ?

Pour ne pas avoir respecté le droit du travail, un restaurateur des Yvelines est en prison depuis le 6 mars dernier (voir L'Hôtellerie n° 2502). Son avocat vient de demander sa mise en liberté.

C'est un Alain Rayé, fatigué et abattu qui est apparu au tribunal de Versailles à l'audience de demande de mise en liberté ce lundi 24 mars.

Le président énonce très rapidement la litanie des faits qui ont valu cette mise en détention provisoire d'Alain Rayé, patron de la Belle Epoque à Châteaufort dans les Yvelines, avant son jugement prévu le 16 avril. Il lui est reproché notamment d'avoir facilité l'entrée et le séjour d'un travailleur étranger, japonais, d'avoir embauché un salarié tunisien dont le titre de séjour était périmé, dissimulé 3 salariés par omission de toutes les formalités légales lors de l'embauche et dissimulé 6 salariés par omission de certaines formalités légales et ne pas avoir déclaré au titre d'activité secondaire, l'activité d'épicerie fine exercée par le restaurant.

Le président justifie la mise en détention en raison du risque de renouvellement des infractions et du risque de pression sur témoins.

Il s'adresse alors au restaurateur en lui demandant d'expliquer pourquoi il n'a pas tenu compte des injonctions de l'inspecteur du travail lors du premier contrôle. Alain rayé se défend en rappelant que ce premier contrôle s'était mal passé dans la mesure où les deux inspectrices étaient venues un vendredi soir à 22 h 30 en plein service. Le président ne voit rien d'anormal à ce genre de situation et il précise que les inspecteurs du travail ont intérêt à effectuer leurs contrôles quand l'établissement fonctionne et de rappeler que le législateur vient encore de renforcer la loi sur le travail clandestin.

Trouble à l'ordre public

La parole est donnée au procureur qui insiste plus particulièrement sur l'infraction d'aide au séjour et à l'emploi de travailleur illégal, du cuisinier japonais qui constituait aussi une atteinte à la dignité humaine, en raison de la vulnérabilité du salarié qui se trouvait dans une situation de dépendance économique envers son employeur.

Il s'offusque d'une lettre de soutien d'un groupe d'amis restaurateurs d' Alain rayé dans laquelle il est mentionné que personne ne peut être à l'abri de ce genre de contrôle. Pour lui, ce document est très grave, car il revient à dire que la profession cautionne ce genre de comportement. Mais il précise à la décharge des signataires que ce document ne fait référence qu'à un certain nombre d'infractions et ne mentionne pas toutes celles retenues par le tribunal.

Pour le procureur, le restaurateur aurait été conduit à ces agissements volontairement et non par laxisme en raison d'une procédure judiciaire ouverte en novembre 1995 à l'encontre du restaurant La Belle Epoque, qui s'est poursuivie par un plan de continuation sur 7 ans prévoyant des remboursements mensuels de l'ordre de 50.000 F. Il estime que pour tenir les engagements du plan, Alain Rayé n'avait pas d'autres solutions que d'avoir recours à certains employés non déclarés pour s'en sortir et assumer le remboursement des créanciers, dont les créanciers privilégiés que sont l'URSSAF et le Trésor.

Il demande donc le maintien en détention provisoire.

Décalage entre la loi
et la pratique

Pour Maître Bremont avocat d' Alain Rayé, un des motifs de la mise en détention qui est le trouble à l'ordre public a disparu. Le salarié japonais ayant été expulsé du territoire français et le salarié tunisien qui avait été recruté par l'intermédiaire de l'ANPE de Versailles vient de voir ses papiers régularisés. Depuis, les avocats du restaurateur ont mis de l'ordre dans la société en mettant à jour toutes les formalités sociales de celle-ci.

Il dit ne pas comprendre le maintien en détention d'une personne qui n'a ni volé, ni tué, ni escroqué. Et de déclarer : «Ce battage médiatique ne doit pas être un prétexte pour éduquer les autres restaurateurs et servir d'exemple à la profession.»

Il met en avant l'action pédagogique accomplie envers son client pendant sa détention en lui expliquant la nécessité de se conformer à ces obligations administratives et les raisons de celles-ci. Rappelant que cette mission aurait dû être dévolue à l'inspection du travail qui n'a eu qu'un rôle de répression et non de prévention. Ce qui montre le décalage entre les représentants de la loi et les professionnels sur le terrain qui ne voient que des tracasseries administratives dans l'obligation qui leur est faite de remplir toutes ces formalités qui ne sont pas adaptées aux réalités de la profession.

Cette mise en détention n'a donc pas lieu d'être, par contre, une prolongation de celle-ci aurait des conséquences graves pour la survie de l'entreprise. En effet, l'absence du chef en cuisine entraînant déjà une désaffectation partielle de la clientèle pourrait mettre en péril l'emploi de 12 personnes.

S'il reconnaît qu'Alain Rayé a été laxiste envers le droit du travail, il met en avant l'homme de parole qui a toujours respecté ses engagements dans le monde des affaires et qui s'est fait un point d'honneur à toujours rembourserses dettes. Le plan de continuation de son entreprise montrant bien qu'il honore ses engagements et qu'il ne s'est pas enrichi au détriment de son entreprise.

La décision de mise en liberté ayant été mise en délibérée, jeudi 27 mars à 14 h 00, Alain Rayé saura s'il pourra rejoindre sa famille ou s'il devra encore rester en prison jusqu'à la date de son jugement le 16 avril prochain.

Pascale Carbillet

Alain Rayé, restaurant La Belle Epoque à Châteaufort (Yvelines), en détention provisoire depuis le 4 mars dernier, espère être libéré jeudi 27 mars.

Maître Brémont, avocat d'Alain Rayé, déclare à l'audience :

«

Ce battage médiatique ne doit pas être un prétexte pour éduquer les autres restaurateurs et servir d'exemple à la profession

»

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L'HÔTELLERIE n° 2503 Hebdo 27 mars 1997

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