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L'événement


Bernard Naegellen


«Le guide Michelin est fait pour répondre à l'attente de ses lecteurs»


Le «patron» du Michelin nous l'a confirmé : le guide n'est pas fait pour les restaurateurs, mais pour ses lecteurs, à qui plus de 410 adresses «pour des repas soignés à prix modérés» sont proposées. «Notre préoccupation constante est de répondre à leur attente», dit-il, affirmant en outre qu'il n'y avait pas eu «d'état d'âme particulier» pour trancher sur le «cas Ducasse».

L'Hôtellerie :

Malgré une baisse du nombre d'établissements récensés dans l'édition 97 (1), peut-on parler d'une année dans les normes habituelles ?

Bernard Naegellen :

«Sans doute, car nous ne nous imposons pas de quota, même s'il est vrai que nous avons voulu resserer la sélection. Notre objectif reste de quadriller toute la France, pour que nos lecteurs ne soient jamais à plus d'une trentaine de kilomètres d'un établissement cité. Depuis quelques années, nous nous attachons à distinguer les bons rapports qualité/prix avec la volonté de proposer des hôtels et des restaurants à des prix les plus bas possibles, mais propres, confortables et convenables.»

L'Hôtellerie :

Parlons des hôtels. Quel constat général dressez-vous de l'hôtellerie française ?

B.N. :

«Ce qui manque le plus souvent, surtout dans les hôtels bon marché et davantage dans les «petits pays» que dans les lieux de séjours, c'est la gentillesse et la convivialité. La qualité de l'accueil, disons une certaine présence, pourrait encore être améliorée. Cela est vrai à tous les niveaux, même si depuis quelques années, nous enregistrons des progrès dans ce domaine.»

L'Hôtellerie :

Vous parliez de privilégier les bons rapports qualité/prix. C'est d'autant plus vrai cette année avec le «Bib' Gourmand» qui distingue plus de 400 restaurants...

B.N. :

«Nous avons effectivement cherché des restaurants proposant des menus de qualité entre 90 et 135 francs, ce qui aboutit à des additions intéressantes. Il n'y a pas de choix particulier d'une cuisine de terroir, mais un souci d'une cuisine de qualité, que peuvent aussi proposer certaines brasseries. Cela peut être un but de sortie et nous proposons donc 410 adresses -dont une douzaine d'étoilés- en province, car Paris est encore trop cher, même si des efforts ont été faits.»

L'Hôtellerie :

Paris justement et les étoiles. Les promotions de l'Astor ou de Jamin ne sont-elles pas un peu trop rapides ?

B.N. :

«Non, ce n'est pas étonnant et cela fait quand même quelques années que nous sommes un peu plus rapides dans nos promotions. Au cas particulier, il s'agit en outre d'équipes que nous connaissions. De même nous n'avons rien changé aux «Ambassadeurs» (Hôtel Crillon) malgré le remplacement de Christian Constant par Dominique Bouchet. Dans ces grandes maisons, il s'agit de la volonté générale d'un établissement et le changement d'un chef, s'il reste bon, ne pose aucun problème.»

L'Hôtellerie :

Changement de chef également avenue Raymond Poincaré, avec le départ de Joël Robuchon et l'arrivée d'Alain Ducasse. Dans votre esprit, ce dernier partait-il à zéro ?

B.N. :

«Absolument pas, puisque lorsqu'un chef se déplace nous avons l'habitude de faire suivre les étoiles (2). Au cas particulier, nous l'avons vu très souvent dans son restaurant parisien et nous avons décidé qu'ici c'était meilleur que là-bas (NDLR : Au Louis XV de Monte-Carlo). Nous pouvions avoir des états d'âme, c'est normal, mais nous avons fait notre choix.»

L'Hôtellerie :

En votre âme et conscience... puisque certains affirment que vous avez assisté à quelques réunions avec la Générale des Eaux, tandis qu'un journaliste (NDLR : Michel Piot dans Le Figaro) a pu écrire «que Ducasse avait pu discuter de son classement avec la plus haute direction du guide» ?

B.N. :

«Je m'élève en faux contre ces affirmations. Je n'ai jamais assisté à la moindre réunion et je ne suis pas content du tout de ce qui a pu être écrit à propos de ces étoiles. Je n'ai pas vu Alain Ducasse depuis novembre dernier et il n'a pas été avisé par nos soins de son classement. Même si je sentais que la situation était tendue, c'est un sujet que je me suis refusé à aborder.»

L'Hôtellerie :

Pierre Gagnaire, Jacques Chibois et Jacques Maximin débutent à deux étoiles dans leur nouvelle maison. Normal ?

B.N. :

«Tout à fait. Comme Ducasse, Gagnaire ne partait pas à zéro, mais avec une petite poignée d'étoiles. Il suffit d'aller dans son restaurant pour sentir qu'il se passe quelque chose. Chibois mérite lui aussi tout à fait ces deux étoiles et nous pensons depuis longtemps que Maximin a du talent.»

L'Hôtellerie :

Au même niveau, on peut se réjouir de trouver également «Les Feuillants» à Céret et «L'Auberge des Cimes» à Saint-Bonnet-le-Froid...

B.N. :

«Il faut savoir se sortir des «boîtes de luxe» pour aller vers des petites auberges où l'on fait bien. C'est un peu l'esprit de Maximin, même s'il est installé à Vence ou celui de Christian Parra à l'Auberge de la Galupe à Urt, qui avait obtenu deux étoiles l'année dernière.»

L'Hôtellerie :

Pour la promotion suprême, on a beaucoup parlé d'Olivier Roellinger et de Michel Bras. L'ouverture saisonnière de leur restaurant constitue-t-elle un handicap pour l'obtention des trois étoiles ?

B.N. :

«Absolument pas. Je trouve même que l'on invente énormément de choses. Nous essayons simplement d'être pragmatiques et de faire plaisir à nos lecteurs en leur donnant de bonnes adresses. Nous regardons attentivement la situation et nous espérons un jour trouver un trois étoiles pas cher... même si avec le prix des produits de qualité, cette notion reste toujours très subjective.»

L'Hôtellerie :

Pour terminer ce tour d'horizon, avez-vous le sentiment que les guides correspondent à l'attente des consommateurs ?

B.N. :

«Notre préoccupation constante est de répondre à l'attente de nos lecteurs, ce qui explique qu'après des études de marketing nous ayons rendu le guide plus lisible.

Notre souhait reste identique depuis toujours : satisfaire ceux qui nous lisent et leur proposer de bonnes adresses.»

L'Hôtellerie :

Même si les étoilés représentent moins de 15% des établissements cités, le rêve de nombreux cuisiniers reste cette étoile. Que diriez-vous à ceux qui la recherchent et quelle recette leur donneriez-vous pour l'obtenir ?

B.N. :

«Je dis souvent que le cuisinier doit être en phase avec son client en lui donnant ce qu'il veut et non pas ce que veut le chef ! Il doit aussi pouvoir proposer une gamme de prix adaptée aux possibilités du client et ne jamais oublier qu'en fin de compte c'est ce dernier qui décide.»

Propos recueillis par
P.L.N. et
J.-F. Mesplède

(1) Pour 1996, 10.012 établissements cités, dont 6.154 hôtels et 3.858 restaurants. Parmi ceux-ci, 532 étoilés (19 trois étoiles, 76 deux étoiles et 437 une étoile) et 352 «repas soignés à prix modérés».

Pour 1997, 9.815 établissements cités, dont 5.965 hôtels et 3.850 restaurants. Parmi ceux-ci, 515 étoilés (18 trois étoiles, 74 deux étoiles et 423 une étoile) et 410 «repas soignés à prix modérés».

(2) Sans remonter avant-guerre où André Pic conserva à Valence ses trois étoiles du Pin (1937), on peut remarquer qu'Alain Senderens conserva au «Lucas-Carton» ses trois étoiles de «L'Archestrate» (1986), tout comme «Joël Robuchon» celle du «Jamin» (1994).


Michelin 1997

L'avenir est à la «piécette»...

Comme à chaque fois, la gente médiatico-gastronomique a frétillé tout au long du dernier week-end, à la veille de la parution du guide Michelin. Comme d'habitude, les sources les mieux informées savaient déjà ce que personne ne savait encore. On s'appelait de New York pour donner les dernières nouvelles ou les commenter ! En cette année 97, dont vous trouverez le détail ci-joint, pas vraiment de grandes nouveautés : Ducasse ? il avait fait la une sans Michelin dès l'été dernier, et gagne 2 étoiles en en perdant une à Monaco ! Marcon, Banyols, Chibois, Maximin, Gagnaire ? eux aussi des habitués du palmarès du Guide Rouge, selon des fortunes aussi diverses que leurs comptes d'exploitation.

La nouveauté du Michelin : sans doute ce terme délicieusement désuet que Bibendum attribue à une foule de restaurateurs réguliers et consciencieux, sous forme de «piécettes» (pourquoi deux, au fait ?) pour signaler les menus économiques d'une qualité de «bon aloi». Décidément, tant que le Michelin gardera son langage inimitable, la profession se sentira concernée dans son ensemble par la «Bible» des gastronomes.

Qu'on se le dise : «L'éventuel luxe du cadre, les investissements ou la médiatisation sont parfaitement étrangers aux critères du Guide Rouge.»

Il y a 18 «3 étoiles de bonne table» et 2.000 «deux piécettes». Nous voilà rassurés.



L'HÔTELLERIE n° 2500 Hebdo 5 mars 1997

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