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Cafés

Salles-d'Aude

Un village mobilisé derrière ses cafetiers

Un 5 au lieu d'un 4, ça peut tout changer. Surtout lorsque ça concerne l'adresse d'un établissement commercial et que, de surcroît, le document légal souffre d'erreurs aussi grossières que préjudiciables aux propriétaires.

Pour ces broutilles, Pierre et Claude Leroux, qui exploitent avec leurs enfants, depuis août 1992, le bar-restaurant «La Salamandre», 4 route de Nissan, à Salles-d'Aude, voient leur vie compliquée et leur avenir professionnel sérieusement menacé.

Mais ils entendent se défendre bec et ongles. D'autant mieux qu'ils bénéficient du soutien efficient du maire du village, Alain Caraguel et d'une grande partie de la population, dont leur fidèle clientèle. En août 1992, quant ils achetèrent «La Salamandre» à la SARL du même nom, l'acte notarié, passé dans une étude de Béziers, faisait état d'un «bar-restaurant avec jeux vidéo, glacier, etc.», mais indiquait comme adresse 5 route de Nissan.

Pour ne rien arranger, le bail commercial, établi dans un cabinet de la région narbonnaise, ne mentionnait que bar-restaurant éludant bizarrement «jeux vidéo et glacier». Erreur de départ d'autant plus regrettable selon M. et Mme Leroux, qu'il n'y a jamais eu «transfert ou création d'activité, mais simplement continuité» et qu'on «nous accuse à tort d'avoir stoppé la restauration pour faire une salle de jeux».

«Or, poursuivent-ils, nous avons exploité le restaurant sur la mezzanine en surplomb du café, pendant 1 an. Mais la sécurité faisant défaut, nous avons arrêté. L'ennui, c'est que le propriétaire des murs veut exploiter cette «faille» pour vendre à tout prix et au prix fort. Des murs que, personnellement, nous aurions aimé acheter, mais à un prix décent, évidemment.»

Jugement exécutoire

«Du reste, ce même propriétaire avait été exploitant du fonds de commerce et il travaillait avec la même société de location de jeux (de Narbonne) que nous. Preuve que nous n'avons rien changé en quoi que ce soit.»

Quoi qu'il en soit, M. et Mme Leroux ont été condamnés par le Tribunal des référés, le 31 mai 1995, et ce jugement d'expulsion est exécutoire. Ils ont saisi le juge d'exécution narbonnais pour qu'il puisse surseoir précisément à l'exécution de cette expulsion, fixée au 16 janvier 1997, mais pouvant très bien (ou très mal) être réalisée sur le champ.

Ils ont aussi fait appel de ce jugement et leur requête devrait être examinée le 1er avril 1997. Bref, ils s'accrochent pied à pied à leur outil de travail et à leur gagne-pain familial, convaincus de se trouver dans leur bon droit.

Mise en demeure

N'empêche, ils n'en restent pas moins sous la menace d'une terrible épée de Damoclès avec ce procès-verbal d'expulsion. Le 30 octobre dernier, en effet, ils ont reçu cette mise en demeure comminatoire de la sous-préfecture de Narbonne. «Par ordonnance du référé du 31 mai dernier du Tribunal de grande instance de Narbonne, vous avez été condamnés à libérer le local commercial, situé 4 avenue de Nissan, à Salles-d'Aude. Je vous mets en demeure par la présente, de quitter les lieux et vous prie de me faire connaître la date à laquelle vous envisagez de déménager. En tout état de cause, je vous précise que le jugement sera exécuté, avec si besoin est, le concours de la force publique.» Difficile d'être plus clair, non ? Ces menaces ne changent rien à la détermination de Pierre Leroux et des siens... «Si on nous met dehors, ce sont 27 années de travail acharné qui vont s'envoler d'un coup. J'ai tout investi dans cette affaire en effet. C'est mon outil de travail qui me permet de vivre avec ma femme et mes enfants. En plus, c'est le seul bar du village (NDLR : 1.800 habitants environ). Et nous avons le soutien de toute la clientèle. La population, la municipalité et le maire, sont également avec nous. Aussi gardons-nous espoir parce que le contraire serait trop gris et trop injuste.»

Pétition et plaidoyer

De fait, une pétition organisée à la va-vite a recueilli 300 signatures en un temps record. Et au matin du dimanche 1er décembre, alors qu'une belle animation régnait autour du zinc, Alain Caraguel est venu en personne apporter son témoignage de premier magistrat sur la question...

«Ce qui me gêne dans cette affaire, a-t-il dit, c'est qu'elle menace un lieu d'animation indispensable et incomparable pour la vie d'un village comme le nôtre. On l'a bien vu, l'an dernier, lorsqu'à la suite d'un incendie accidentel, l'établissement avait dû fermer entre février et mai 1995 pour cause de travaux. Les problèmes et les différends s'étaient multipliés dans la commune, parce que la jeunesse, privée de ce «foyer» naturel permettant la communication entre les générations et les divers milieux sociaux, s'était retrouvée à la rue, livrée à elle-même, à faire du bruit avec les cyclos, à allumer des pétards et à faire des bêtises en tous genres. Ce grave problème auquel est confrontée la famille Leroux, je le vis mal. Je crains d'autre part que si un huissier se présente ici, les clients présents ne prennent la chose plus mal que les patrons et qu'une intervention ne provoque des problèmes bien plus sérieux et regrettables. Pour tout dire, je ne suis pas d'accord avec cet arrêté d'expulsion. Si je dois donner mon avis et je l'ai déjà donné, je redoute que l'ordre public soit gravement troublé, avec les conséquences fâcheuses que cela suppose. J'espère donc qu'on va laisser M. et Mme Leroux, le temps de trouver une solution décente. Que le bon sens et la compréhension l'emporteront...»

A. Desplas

Pierre et Claude Leroux sont décidés à se battre bec et ongles. Ils peuvent compter sur leurs clients et notamment le maire de Salles-d'Aude, M. Caraguel.

«Si on nous met dehors, ce sont 27 années de travail acharné qui vont s'envoler d'un coup. J'ai tout investi dans cette affaire en effet.»



L'HÔTELLERIE n° 2496 Hebdo 6 fevrier 1997

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