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Auteur de «Cuisine de référence» (BPI)

Michel Maincent affirme : «Les programmes
doivent allier tradition et nouvelles techniques»

Michel Maincent est l'auteur de deux ouvrages qui rencontrent un succès mérité : Cuisine de référence et Technologie culinaire (Editions BPI). Cet enseignant nourrit depuis son enfance une véritable passion pour la cuisine qu'il a exercée dans de grandes maisons (Le Savoy, Le Bristol, la table privée du Roi de Suède) avant de rejoindre l'Education nationale. Depuis 1980, il fait partager son enthousiasme et son savoir aux élèves de l'Ecole hôtelière Jean Drouant (Paris Médéric).

L'Hôtellerie :

Comment les filières techniques préparent-elles aujourd'hui les jeunes à l'entrée dans la vie active ?

Michel Maincent :

«L'enseignement technique comprend naturellement la transmission de savoir-faire, mais il faillirait à sa mission s'il se cantonnait à ce rôle. L'Education nationale se fixe aussi pour mission la formation des individus. Il s'agit de donner à chacun la possibilité d'exercer un métier et de pouvoir évoluer et s'adapter tout au long de sa vie professionnelle.»

L'Hôtellerie :

Les élèves sont-ils préparés à la réalité de l'entreprise et à la diversité des débouchés qui peuvent s'ouvrir à eux ?

M.M. :

«Je suis persuadé que nous les préparons à la vie active dans les meilleures conditions car les programmes sont conçus pour former des adultes responsables et capables d'avoir une vue d'ensemble de leurs métiers. Nous enseignons des techniques et des matières concrètes sans pour autant reléguer la culture générale à l'arrière-plan. Cette étroite imbrication permet à chacun de définir son projet professionnel.»

L'Hôtellerie :

Les entreprises ne souhaiteraient-elles pas une formation plus ajustée à leur demande, on pense aux chaînes de restauration par exemple ?

M.M. :

«Les passerelles avec l'entreprise existent tout au long des études et la réalité du monde du travail est présente dans notre enseignement. Toutefois, les élèves sont formés pour intégrer tout type d'entreprise de restauration qu'elle soit à vocation gastronomique, commerciale ou sociale. La culture des diverses entreprises d'hôtellerie et de restauration est abordée tout au long de la formation et dans les nombreux stages pratiques. Les élèves sont très actifs eux-mêmes et vont se renseigner sur tel groupe ou telle enseigne.»

L'Hôtellerie :

Comment a évolué, selon vous, l'enseignement du métier de cuisinier ces dernières années ?

M.M. :

«Les récentes modifications des programmes tiennent compte de l'évolution de la profession et s'adaptent aux besoins du terrain. De nos jours, on sait pertinemment que le chef qui se trouve à la tête d'une cuisine ou de sa propre entreprise ne peut limiter son rôle à l'exécution parfaite d'un ensemble de recettes ou de spécialités. Pour être efficace, il lui faut non seulement être performant en cuisine mais connaître et maîtriser toutes les nouvelles technologies. Il aura aussi des connaissances en biologie, en physique ainsi qu'en chimie alimentaire et en hygiène plus particulièrement. Sa formation ne serait pas complète sans bases de gestion pour le calcul des coûts-matière et des ratios. Il doit en outre parler une ou deux langues étrangères et avoir de bonnes connaissances en culture professionnelle.»

L'Hôtellerie :

Les grands chefs de demain sont-ils voués à suivre un cursus d'études ou verra-t-on encore des étoiles de la gastronomie faire leurs classes sur le tas ?

M.M. :

«Je pense que l'on a d'autant plus de chance de devenir un grand chef que l'on apprend la maîtrise des techniques culinaires dans le cadre d'un enseignement classique. Cela n'exclut nullement la possibilité pour celui qui n'a pas suivi ce cursus de développer un grand talent de chef. Néanmoins, faire son apprentissage sur le terrain requiert du temps et beaucoup de persévérance. Disons que cela ajoute des obstacles dans un parcours professionnel.»

L'Hôtellerie :

Vous êtes réservé sur les vertus de l'apprentissage. Pour quels motifs ?

M.M. :

«L'apprentissage vise avant tout des travaux d'exécution. On apprend dans la meilleure des hypothèses à reproduire des gestes et on peut acquérir un savoir-faire. Néanmoins, c'est une forme d'enseignement un peu réducteur et, pour ma part, je suis partisan d'une formation qui prend en compte l'épanouissement de la personnalité.»

L'Hôtellerie :

Comment évolue le métier de cuisinier au regard notamment des innovations de l'industrie agro-alimentaire ?

M.M. :

«C'est là un point très important de nos programmes de technique culinaire. Nous devons allier la tradition et les impératifs des nouvelles techniques. Il s'agit donc de transmettre un savoir-faire s'appuyant sur le patrimoine culinaire tout en tenant compte des contraintes technologiques de l'environnement industriel. Si nous transmettons une tradition parfaite que l'entreprise ne peut acheter, nous sommes dans l'erreur. Nous devons former des cuisiniers capables d'évoluer dans un restaurant gastronomique mais leur donner accès aussi aux nouvelles formes de restauration. Les progrès de l'industrie agro-alimentaire chamboulent la physionomie du métier de restaurateur. Notre enseignement doit donc prendre en compte les nouvelles familles de produits de l'industrie agro-alimentaire telles que les viandes piécées et désossées, les poissons portionnés et les légumes épluchés et taillés. A côté du chef capable de transformer tous les produits en cuisine, il faut accepter l'idée de former des cuisiniers qui utiliseront des produits issus de l'agro-industriel. Ils apporteront une valeur ajoutée en personnalisant la cuisine, en se la réappropriant.»

L'Hôtellerie :

Quelles sont les possibilités de carrières qui s'ouvrent à un jeune diplômé qui aime la cuisine ?

M.M. :

«Le restaurant gastronomique sera réservé à un petit nombre d'élus, les plus doués et les plus créatifs. A l'exemple de la haute couture, la grande cuisine s'adresse à un public restreint même si elle donne le ton en matière de mode. Les débouchés sont plus nombreux dans la restauration collective ou encore dans l'industrie agro-alimentaire qui offrent des perspectives de carrière assez attrayantes. Les chaînes de restauration ne proposent pas toujours des postes attractifs car le chef est soumis à de grandes contraintes techniques qui laissent peu de place à l'initiative et à la créativité.»

L'Hôtellerie :

Vous regrettez la disparition du BTH, pour quelles raisons ?

M.M. :

«Le BTH était une filière très appréciée et reconnue par les employeurs et qui permettait aux diplômés de cycles courts soit de passer en classe supérieure de BTS ou de trouver un premier emploi dans de bonnes conditions. La rénovation des filières oblige les élèves à réussir un BTS ou tout au moins un Bac Professionnel pour s'insérer dans la vie active. Or, 50% des élèves de BTN (Bac Techno) ne mènent pas leurs études à terme. Le peu de formation professionnelle continue dans les programmes ne leur permet pas de s'insérer rapidement et efficacement dans les entreprises, la polyvalence des programmes ne stimule pas la motivation des élèves et il devient de plus en plus difficile, compte tenu des courtes durées des travaux pratiques, de commercialiser des prestations honorables au sein des restaurants d'application.»

L'Hôtellerie :

Avec Cuisine de référence, vous avez contribué à renouveler l'enseignement de la cuisine, vous reconnaissez néanmoins de vrais mérites à l'enseignement traditionnel ? Lesquels ?

M.M. :

«Pendant longtemps, les élèves ont appris par coeur un corpus de recettes qu'ils savaient reproduire exactement. On apprenait à faire tous les plats sans impasse. Je pense qu'il est important de faire vivre toutes les techniques et de ne pas en privilégier seulement quelques-unes afin de préparer un examen. C'est un écueil auquel on doit prendre garde...»

Michel
Maincent : «L'apprentissage est une forme d'enseignement un peu réducteur.»



L'HÔTELLERIE n° 2494 Hebdo 23 janvier 1997

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