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Corse

Round d'observation entre banquiers et hôteliers

Alors que le projet de zone franche est bouclé, les hôteliers restent mobilisés. Ils dénoncent l'absence d'une véritable politique structurelle. Les relations avec les banques se dégradent.

Le texte de la zone franche corse est bouclé. Après avoir été présenté aux élus de l'Assemblée de Corse le 4 novembre, il doit passer devant le Conseil d'Etat avant d'être voté par le Parlement avant la fin de l'année. Dès janvier 1997, les entreprises installées en Corse seront exonérées de la taxe professionnelle, bénéficieront d'une baisse de l'impôt sur les sociétés, d'une diminution de charges sociales patronales de 1.500 F pour un SMIC, dégressif jusqu'à deux SMIC et la mise en place de prêts participatifs de restructuration (PPR) de la dette bancaire. Ces PPR accordés au taux de 3% sur 7 ans dans la limite de 40 MF. Ces PPR seront financés par un emprunt que doit lancer la collectivité territoriale de Corse. Sur un plan conjoncturel, l'hôtellerie corse bénéficie de mesures Cochef pour aménager la dette fiscale et sociale avec différé de paiement sur une année puis étalement sur quatre années. Enfin, le gouvernement a prévu la mise en place d'un programme concerté d'actions touristiques sur l'offre et sur la promotion, cofinancé à hauteur de 10 MF par l'Etat et la région.

«Toutes ces mesures seraient de bonnes mesures si le tissu économique insulaire ne subissait qu'une difficulté conjoncturelle, commente Jean-Jacques Ghjuseppi, de la Coordination des industries touristiques de la Corse. Ce sont des mesures de soutien à l'entreprise, pas des mesures de relance

Toujours
sur le pied de guerre !

La profession a le sentiment aujourd'hui de ne plus parler le même langage que les autorités : administrations et banques. «Nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde. Nous n'avons plus aucune trésorerie, la dette bancaire nous étrangle et si ces quatre dernières années de crise, les banques ont bon gré mal gré entretenu de bonnes relations avec la profession, accompagnant le mouvement, notamment sur la restructuration de la dette en 1993, certains établissements bancaires ont aujourd'hui des velléités à vouloir se faire rembourser, mais nous ne nous laisserons pas faire», prévient Roland Dominici, secrétaire général de la Coordination. Les professionnels du tourisme en Corse et plus particulièrement les hôteliers sont toujours sur le pied de guerre. Les résultats de la saison touristique ont confirmé leurs pires craintes, avec une baisse d'environ 30% des chiffres d'affaires par rapport à l'année 1995, qui avait déjà été catastrophique. La dernière lettre de conjoncture de la Banque de France, fait état d'un mois de septembre morose : seule l'hôtellerie haut de gamme aurait bénéficié de la venue d'une clientèle fidèle. La profession a de nouveau enregistré des annulations de groupes de troisième âge et de congressistes. La mobilisation est générale, les hôteliers se sont associés à d'autres secteurs d'activité insulaires au sein «d'une plate-forme de résistance». Le montant total de la dette bancaire est estimé à 1 milliard de francs. Et si tout au long de l'hiver dernier, dans le cadre des négociations avec le gouvernement, les diverses procédures de recouvrement ont été gelées, cet automne s'annonce difficile, nombre d'hôteliers craignent de voir leurs établissements saisis. D'autant plus que la politique d'aide à l'économie corse, actuellement élaborée, ne leur laisse pas l'espoir d'une reprise : «Nous sortons d'une quatrième année de non-paiement de nos engagements, et allons à grands pas vers la cinquième, explique Jean-Jacques Ghjuseppi, de la Coordination des industries touristiques. La Corse souffre d'une image de marque catastrophique, le prix des transports reste prohibitif et rien ne nous permet d'espérer que 1997 sera une saison meilleure.» La seule éclaircie à l'horizon serait l'entrée de la monnaie italienne dans le SME qui pourrait permettre aux Italiens de revenir en nombre, alors que cet été, c'est leur venue inespérée au coeur du mois d'août qui a permis de limiter les dégâts.

Il faut des mesures fortes !

En attendant, la profession se retrouve sans trésorerie, 95% des hôteliers corses sont dans l'incapacité de faire face à leurs échéances. Des échéances d'autant plus lourdes que durant les trente dernières années, les banques en Corse ont tout misé sur le tourisme qui devait engendrer des ressources dans tous les secteurs de l'économie insulaire. De nombreux emprunts ont été facilement accordés, alors que l'hôtelier n'avait pas ou très peu d'autofinancement. Les taux appliqués par les banques qui se sont engagées en prenant de lourdes garanties s'étalaient de 13 à 17%. Aujourd'hui, l'endettement est tel que, quasiment plus personne ne peut faire face aux échéances. «On affirme que nous réclamons toujours de l'argent, se révolte Roland Dominici, secrétaire général de la Coordination, mais nous n'avons jamais obtenu de cadeau, ni effacement ni moratoire. En 1993, nous avons bénéficié d'une restructuration de la dette bancaire, échelonnée sur 15 ans à 6,5%. Mais nous devrons payer !» «La mise en place aujourd'hui des PPR ne concernera que quelques entreprises, parmi celles qui sont en fin d'amortissement et qui ne subissent des difficultés que depuis un an ou deux, détaille Jean-Jacques Ghjuseppi. La globalisation du prêt sur 7 ans par le biais des PPR ne devra en effet pas augmenter les annuités actuelles. Or, nombre d'entre nous avaient été restructurés en 1993, sur 15 ans. Les PPR étant proposés sur 7 ans, même à 3%, cela augmentera nos annuités...»

Selon une liste du système bancaire, 70% des hôteliers ont un encours inférieur à 5 MF. Les professionnels demandent aujourd'hui une défaisance des prêts avec annulation partielle du capital restant dû : «La machine est aujourd'hui bloquée. Nous ne pouvons plus parler en terme de bonification de points, il faut des mesures fortes. Certaines banques très impliquées jouent déjà le jeu au cas par cas. Nous demandons une mesure forte permettant de faire repartir le secteur, en jouant sur la dette actuelle, une recapitalisation partielle et une politique du tourisme volontariste s'appuyant notamment sur une autre philosophie du transport», explique Jean-Jacques Ghjuseppi. «Nous ne laisserons pas saisir nos établissements, prévient Roland Dominici, et quand bien même, tant que l'économie n'aura pas repris de la vigueur, les banques n'ont rien à y gagner, car un hôtel vide de clients, sans perspectives de rentabilité, ne vaut absolument rien.»

«NOUS N'AVONS PLUS AUCUNE TRÉSORERIE, LA DETTE
BANCAIRE NOUS ÉTRANGLE.
CERTAINS ÉTABLISSEMENTS
BANCAIRES ONT AUJOURD'HUI DES VELLÉITÉS À VOULOIR
SE FAIRE REMBOURSER,
MAIS NOUS NE NOUS
LAISSERONS PAS FAIRE.»



L'HÔTELLERIE n° 2485 Hebdo 28 novembre 1996

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