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Vie professionnelle

Conjoncture

Les charmes du Périgord Noir ne font plus
la fortune des hôteliers

La Dordogne, «pays de l'homme», se cherche un avenir. Le Périgord Noir, en particulier, reste certes une grande destination touristique pour les amoureux de la nature, de la gastronomie et les passionnés de préhistoire. Mais tous ces charmes feraient de moins en moins le bonheur des professionnels de l'hôtellerie et de la restauration. Signe d'une conjoncture difficile, plusieurs établissements sont à vendre.

Jean-Michel Garrigou, président de la Chambre de l'industrie hôtelière de la Dordogne (FNIH), et Gérard Prigent, président du CHRD 24 (Confédération), sont au moins d'accord sur une analyse globale de la situation : surcapacité, paracommercialisme, marché parallèle du monde agricole, transformation des habitudes de consommation menacent de plus en plus une profession par ailleurs écrasée de taxes. Et les deux hommes, tout en se faisant une guerre de chiffres, reconnaissent que l'ardeur syndicale n'est plus ce qu'elle était... De là à cultiver le pessimisme, il n'y a qu'un pas.

Etat des lieux

En Périgord Noir, autour de Sarlat, on est en plein paradoxe : l'été 96 a vu autant de touristes que les années passées. Septembre a même été exceptionnel pour nombre d'établissements. Octobre a bien suivi et le week-end du 1er novembre s'est révélé meilleur que prévu. Enfin, Sarlat a bénéficié, autour du pont du 11 novembre, du Festival du Film, pourvoyeur de plusieurs centaines de clients.

Au bout du compte, pourtant, les tiroirs-caisses n'ont pas explosé. Jean-Michel Garrigou explique : «Tout le monde a voulu investir pour améliorer le produit hôtelier. Souvent, en augmentant la catégorie de nos établissements, nous avons laissé à côté le vrai marché, le bon marché, là où se sont engouffrées les chaînes. Et nous nous sommes endettés. L'inflation stoppée, voilà que nous sommes tombés en déflation : nous vendons moins cher aujourd'hui un repas ou une chambre qu'en 1990 !» Encore que Sarlat ne soit pas encore attaqué par les chaînes, contrairement à Périgueux (B & B, 1ère Classe, Campanile et Formule 1) et Bergerac (Campanile, Climat, et un projet de Formule 1).

A Monpazier, au Sud-Ouest de Sarlat, Gérard Prigent (le restaurant «La Bastide», où le mois de juillet a été mauvais avec un taux de fréquentation de 34%) s'en prend à «la mauvaise protection du métier depuis des décennies qui entraîne la disparition des indépendants», ainsi qu' aux pouvoirs publics qui ne font rien pour la profession. «Nous sommes pourvoyeurs théoriques d'em-plois, dit-il. Mais on nous pénalise quand on veut en créer. Beaucoup d'entreprises sont menacées ou déjà sous règlement judiciaire. Les contacts restent difficiles avec les banques qui font payer des agios de 22%. Et les deux points supplémentaires de TVA n'ont fait qu'aggraver une situation déjà critique.»

La Dordogne compte 273 hôtels et hôtels-restaurants, en majorité des deux étoiles. Sarlat (où le tourisme représente 42% de l'économie) offre 13 établissements en deux et trois étoiles, plus un hôtel de nouvelle génération «économique» mais traditionnel, l'Altica. Une situation qui ne serait pas de surcapacité s'il n'y avait de plus en plus la concurrence des chambres chez l'habitant. «Une loi oblige les loueurs à payer la taxe de séjour, rappelle Jean-Michel Garrigou. Mais son décret n'est pas encore signé. C'est une aberration.» Quant à la restauration, elle est largement pratiquée par les fermes-auberges (80 sont labellisées dans le département sur 200).

A vendre

Preuve que le Périgord Noir change inexorablement lui aussi : on affirme qu'une dizaine d'hôtels ou hôtels-restaurants sont à vendre à Sarlat et dans la région. Certains de ces établissements cherchent preneurs depuis de longs mois, sinon des années.

On n'en est certes pas à parler récession économique inexorable dans le Périgord. Mais les statistiques amènent les professionnels à tirer la sonnette d'alarme. D'autant qu'un autre phénomène paraît ronger les CHR, la désyndicalisation. La Dordogne compterait quelque 2.000 établissements, toutes catégories confondues. Jean-Michel Garrigou annonce 454 adhérents à son syndicat ; Gérard Prigent, 109. Visiblement le compte n'y est pas.

J.-C. Cougoule

Gérard Prigent, restaurateur à Monpazier et président du CHRD (Confédération). Il prêche pour la défense des petites entreprises

familiales.

Jean-Michel Garrigou, président de la chambre de l'industrie hôtelière de la Dordogne, ici devant les caméras de France 3 pour vanter les mérites de sa région et plaider la cause des professionnels.

LEÇONS D'UN SONDAGE

Un récent sondage, effectué dans Sarlat sur 394 visiteurs, résume bien l'état d'esprit nouveau du consommateur: pour 45 % des personnes interrogées, le Périgord évoque la gastronomie; pour 35 %, l'histoire et le patrimoine. Or, 20 % seulement de ces touristes reconnaissent se laisser tenter par la gastronomie, contre 90 % qui disent avoir visité les sites principaux, y compris bien entendu en payant. 20 % affirment que la région est magnifique ou pittoresque.

L'hébergement, lui, donne la priorité aux campings (33 %), devant les hôtels (23 %), les locations (15 %), les gîtes d'étape (9 %) et les chambres d'hôtes (5 %), à égalité avec l'hébergement chez des amis.

Il est à noter aussi que, assez curieusement, l'information du visiteur de la région de Sarlat se fait à 54 % par des relations personnelles, contre 4 % par les agences de voyages.

Un sondage qui fait dire à Jean-Michel Garrigou: «Nous devons avoir conscience de la réalité. Il nous faut gérer, gérer, agir en professionnels pour fidéliser une clientèle de plus en plus zappeuse. Notre maître mot doit être l'accueil.»

Les Toques du Périgord quittent

les Restaurateurs de métier

La scission sera sans doute remarquée : les Toques du Périgord (29 restaurateurs jusqu'alors) viennent de quitter officiellement l'association nationale des Restaurateurs de métier des provinces françaises, présidée par le Tarnais Claude Izard. Vent de fronde ou simple volonté d'indépendance pour une meilleure promotion de la gastronomie de la Dordogne ? Jean-Claude Charbonnel (Hôtel Chabrol à Brantôme), président des Toques du département, préfère la deuxième explication: «Nous avons tenu une réunion de travail pour expliquer les avantages du départ de l'association des Restaurateurs de métier. Ce départ a été décidé à bulletin secret, avec trois voix contre seulement. Notre objectif est simple : nous voulons nous restructurer complètement pour promouvoir le Périgord, et cela en collaboration étroite avec le CDT et le Conseil général, et promouvoir nos établissements. Les critères de sélection des toqués périgourdins seront très stricts, axés principalement sur un grand professionnalisme et le désir de défendre la gastronomie et le tourisme de notre région.» C'est ainsi, d'ailleurs, que les restaurants membres de la nouvelle association vont être reconnus selon leur niveau par une, deux ou trois oies..., Périgord oblige. Un peu à l'image des étoiles du Michelin ou des cheminées des Logis. Et, bien entendu, changer de logo.

Les Toques gourmandes du Périgord ont été créées en 1981 par Jean-Michel Garrigou qui avait cédé la présidence à Gérard Prigent, tous deux alors à la Confédération. Après le départ de Jean-Michel Garrigou de cette dernière, la présidence était revenue à Jean-Claude Charbonnel, aujourd'hui confirmé en quelque sorte dans ses fonctions avec ce petit coup de théâtre.



L'HÔTELLERIE n° 2483 Hebdo 14 novembre 1996

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