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Transmanche à Calais : boom du trafic, mais...

Baisse pour les hôteliers

Les hôtels calaisiens ne ressentent pas du tout le très beau trafic estival enregistré par le tunnel comme les ferries. L'annonce de 200 chambres supplémentaires pour la saison prochaine en périphérie scandalise les hôteliers.

Le tunnel sous la Manche aurait-il été totalement digéré par la concurrence ? "Avec une moyenne jamais égalée de 158 mouvements quotidiens de car-ferries, de catamarans et d'aéroglisseurs, le port de Calais a retrouvé en août 96 son niveau de trafic estival des années record que furent 1993 et 1994", triomphe la CCI de Calais, gestionnaire du port maritime dans un communiqué du 12 septembre dernier. Avec 2,089 millions de passagers en août, la progression est de 9% sur 1995. Les voitures progressent de 12,3% avec un total de 446.603 unités.

De son côté, tout en vivant en état de banqueroute virtuelle permanente, Eurotunnel exulte également : 304.000 voitures en août et 6.300 autocars sur Le Shuttle touristes, 566.247 passagers sur Eurostar, tous les chiffres sont multipliés en gros par deux sur août 1995. "Un excellent cru" que cet août 1996, commente également le communiqué de septembre d'Eurotunnel.

Qu'en penser sur le strict plan du transport ? Il est vrai que le marché du transmanche s'est accru. Moins que les chiffres totaux ne le laissent paraître car les ports voisins de Boulogne, Dunkerque et Ostende ont laissé des plumes dans la bataille. Calais a "aspiré" les autres ports. Mais il y a bien augmentation globale, de près de 20% du trafic. Pour les voitures de tourisme, le tunnel a pris 41,4% de part de marché. Par contre, il n'y a guère d'augmentation de chiffre d'affaires tant les prix sont ridicules. Ce fait n'est pas sans incidence sur les répercussions du trafic transmanche sur l'hôtellerie. Les touristes sont là, mais avec très peu de pennies en poche.

Nouvelle baisse

Globalement, les hôteliers n'ont pas identifié de hausse de chiffre d'affaires correspondant à celle du trafic transmanche, au contraire. Bernard Beauvallot, patron du George V des Logis du Pas-de-Calais du Club hôtelier et syndicaliste, indique une baisse d'occupation de 3% cette année après une forte chute en 1995. Le ticket moyen est en baisse avec par exemple souvent l'abandon du petit déjeuner. Accusés : le taux de change avec la livre et la baisse du niveau de vie en Europe. A noter l'embellie de juin grâce au beau temps et une clientèle française intéressée par l'Angleterre qui ne compense pas la chute de fréquentation anglaise.

Aux abords des sorties 17 et 18 de l'autoroute A26 Calais-Reims tout près des terminaux ferries, les 2* Balladins, Ibis et Campanile ne se plaignent pas de l'été. Pourtant, ils ont eu des raisons de craindre le pire. Auparavant groupés auprès d'une nationale en milieu péri-urbain très encombrée à chaque sortie de ferries, ils se sont trouvés du jour au lendemain court-circuités par la nouvelle autoroute d'accès aux ferries prolongement de l'A26 d'une part, par l'ouverture d'Eurotunnel et de l'autoroute littorale A16 d'autre part. Les voyageurs des ferries doivent sortir de l'autoroute d'accès au terminal pour trouver les trois hôtels. Les voyageurs du tunnel doivent en plus changer d'autoroute. Pourtant, la clientèle est restée. La classe 2* correspond à un besoin du moment, les chaînes sont appréciées de la clientèle de passage, les enseignes sont connues et signalées. Le fait d'être en face les uns des autres attise la concurrence mais constitue sûrement un repère pour la clientèle.

Au Balladins, le transmanche pèse 50% du CA. Juillet a été un peu plus calme qu'en 1995, août très bon. Au Campanile, le transmanche est essentiel. L'été en hébergement a été bon. Présent à Calais depuis cinq à six ans, le directeur ne sent pas de différence avec les années. L'hôtel est plein ou presque de juin à mi-octobre. 100% de TO en juillet et août cette année comme les autres, plus de 90% en juin et septembre. Mais la restauration est en baisse depuis la construction de l'autoroute d'accès au terminal. L'Ibis vit également du transmanche l'été. Le TO reste satisfaisant de 94 à 98% ces mois d'été comme les autres. La direction sans avoir de chiffres précis pense que Le Shuttle lui fait du tort. Logiquement, le ferry est sa première clientèle. Pour des raisons d'itinéraire et parce que la clientèle ferries moins pressée a peut-être davantage tendance à s'arrêter. Mais le travail est là. Par contre, on se demande ce que l'on vendra l'hiver. C'est là que la baisse des affaires risque d'être dramatique. Un hôtel de chaînes peut-il se permettre de fermer un ou deux mois ?

Glissement du 3* au 2*

Côté 3*, la baisse de la livre se fait encore plus sentir. Le Meurice
(39 ch.) note une forte baisse sur 1995 avec des TO loin des 80% en juillet et encore plus loin "très loin", nous précise-t-on en août. Autre hôtel 3* indépendant, le Métropol (40 chambres sans restaurant) ressent une baisse "minime", précise Philippe Vandenberghe, son patron, mais une baisse quand même avec 66% de TO en août. Le bon temps est derrière. "Nous devons faire 10.000 chambres par an et 80% de TO en saison pour réussir une bonne année", note Philippe Vandenberghe. La baisse a été de 20% en 1995 sur 1994 et 1996 marquera encore un léger recul. La désaffection des Britanniques est manifeste, partis en direct vers l'Espagne par d'autres voies. Problème de change... La clientèle italienne toujours présente en août en transit pour la Grande-Bretagne est en forte baisse. Au George V, la tendance est à la baisse légère en hôtellerie avec baisse aussi du ticket moyen. Mais surtout Bernard Beauvallot note de mauvais résultats en restauration à midi.

Cette différence de climat entre catégories d'hôtellerie est significative. Il y a très certainement pour raisons financières un glissement de clientèle, notamment britannique du trois au deux étoiles.

Comme son nom ne l'indique pas, le Copthorne Le Tunnel (118 chambres 4*) situé à Coquelle sur une colline au surplomb du terminal Eurotunnel est moins un hôtel de passage transmanche centré sur l'été qu'un hôtel d'affaires. Cela malgré un partenariat vivant avec les transporteurs du détroit. Ses meilleurs mois sont avril, mai, juin, septembre, octobre. Septembre a été un très bon mois avec 83% de TO, juillet et août (67 et 68%) ont été bons sans plus. Né avec le tunnel, cet hôtel, propriété et enseigne britannique, est d'abord anglophile. 63% de la clientèle en cumulé à fin août était britannique, 29% française. L'hôtel vit d'abord de la clientèle industrielle régionale, d'ailleurs très liée à l'économie britannique. La hausse de trafic du tunnel ne lui a pas profité. Le Copthorne Le Tunnel a assez rapidement atteint sa vitesse de croisière, mais n'a pas progressé cette année. Il doit lutter pour maintenir son prix moyen. Les séjours restent très courts. Ce sera son axe de travail de chercher à les allonger par des prestations supplémentaires.

Sur ce fond morose, comment l'hôtellerie calaisienne peut-elle accepter juste avant le vote de l'amendement à la loi Raffarin des permis de construire pour trois établissements une et deux étoiles totalisant 200 chambres en périphérie de Calais ? Nous y reviendrons.

A. Simoneau



L'HÔTELLERIE n° 2478 Hebdo 10 octobre 1996

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