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E d i t o r i a l

Pas assez chère, la France...

Notre très sérieux confrère américain «Hotels» vient de publier une étude sur la fréquentation des touristes étrangers dans les principaux pays d'Europe.

Au premier abord, nous avons toutes raisons de crier «cocorico», avec nos 60,6 millions de touristes étrangers qui fréquentent annuellement l'Hexagone, et qui nous placent largement en tête des pays récepteurs de l'Europe occidentale.

Pour information, la suite du classement ne peut que conforter la fierté du coq gaulois : 2ème l'Espagne, avec 45,1 millions, 3ème l'Italie avec 29,2 millions, 4ème le Royaume-Uni avec 22,7 millions suivi de peu par la Hongrie avec 22,1 millions et la Pologne 6ème avec 19,2 millions, alors que l'Autriche est au 7ème rang avec 17,8 millions, et l'Allemagne au 9ème rang avec 14,5 millions juste devant la Suisse (11,8 millions), mais derrière la République Tchèque (14,5 millions).

Notre fierté nationale nous conduira à considérer que la France mérite largement ce classement flatteur, à plus de 34% d'avance sur son rival ibérique. Et il est vrai que la douceur de vivre de notre beau pays, le charme incomparable de ses paysages reposants, la qualité de ses équipements culturels et distractifs, l'inépuisable richesse de ses monuments historiques sans oublier son légendaire art culinaire et l'amabilité naturelle des indigènes (?) justifient amplement l'engouement des étrangers pour la mère des arts, des armes et des lois. Et ils auraient bien tort, tous ces visiteurs d'ailleurs, de ne pas connaître le bonheur d'un pays où, disent nos voisins d'outre-Rhin, on se sent «heureux comme Dieu en France». D'autant plus heureux, et là le débat se doit d'être plus prosaïque, que la France n'est pas chère ! Contrairement à ce qui se raconte ici ou là, nos prix sont plus que compétitifs, pour ne pas dire bradés, ce qui justifierait aussi cette fréquentation élevée.

C'est du moins ce qui apparaît à la lecture d'un autre classement de «Hotels», beaucoup moins reluisant pour les finances des entreprises nationales qui vivent du tourisme. C'est le tableau des recettes, exprimées en millions de dollars, qui doit nous donner à réfléchir : 1. France : 27,3 ; 2. Italie : 27,1 ; 3. Espagne : 25,1 ; 4. Royaume-Uni : 17,5 ; 5. Autriche : 12,5 : 7. Allemagne : 11,9.

Voilà qui est beaucoup plus inquiétant, car le rapprochement de ces deux chiffres fait apparaître la France au dernier rang de la dépense moyenne par touriste. En effet, un visiteur étranger débourse donc 928 dollars en Italie, 820 en Allemagne, 770 au Royaume-Uni, 661 en Suisse, 556 en Espagne et... 455 en France.

Ce qui signifie que notre tourisme extérieur, pris dans son ensemble, est extrêmement peu rentable pour la nation, d'autant que la charge induite par l'accueil de 60 millions de personnes est forcément élevée en termes d'utilisation d'équipements collectifs financés exclusivement par le contribuable français.

Cette mesquine considération devrait conduire tous les responsables du tourisme français, des instances officielles aux chefs d'entreprises, à s'interroger sur la direction prise. Faut-il continuer dans la voie d'un tourisme de masse polluant et peu rémunérateur ? Même si ce genre de propos ne relève pas du «politiquement correct», il n'est que temps de se poser la question. Avant que notre pays ne devienne, à l'image de certaines stations balnéaires, un pitoyable territoire à bronzer, et nos villes un parking à autocars.

Il y a certainement place, en France, pour le développement d'un tourisme de qualité vendu à son juste prix, qui confortera les finances ô combien incertaines de milliers d'entreprises en proie aujourd'hui au redoutable problème de la rentabilité. Sinon, les touristes étrangers soucieux de vacances de qualité bouderont notre pays en songeant : «Pas assez chère, la France...».

L.H.



L'HÔTELLERIE n° 2468 Hebdo 25 juillet 1996

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