Actualités

www.lhotellerie-restauration.fr
 
de mai 2003
ENQUÊTE

Paris sur terrasse

Au bonheur, surtout, des clients

Une terrasse n'est pas seulement un complément d'activité. C'est une carte de visite de l'établissement. A Paris, comme dans les autres grandes villes, les consommateurs sont d'autant plus réceptifs qu'ils sont à l'affût du moindre rayon de soleil. Promenade urbaine.

Sylvie Soubes

TerrasseMerciCharlie.JPG (7010 octets)
Vue plongeante et à l'abri des va-et-vient : le balcon du Merci Charlie, sur les grands boulevards, est vraiment un lieu magique...

On rencontre dans la capitale tous types de terrasses. Cela va de quelques chaises qui se battent en duel sur un coin de trottoir à de véritables îlots de verdure, exemptés du vacarme et des odeurs d'échappements. Il y a vraiment de tout. Des élégantes, des cabossées, des anarchiques, des abritées, de belles et de pas belles. Mais toutes ont un point commun : elles sont prises d'assaut dès les premiers rayons de soleil. Les Parisiens, comme la plupart des citadins du reste, ont besoin d'air, de se libérer des chapes de béton incessantes. Compréhensible. On admet dès lors l'enjeu commercial qu'elles représentent, non seulement aux yeux des exploitants, mais aussi au regard des services municipaux. Le sujet est délicat, riche en polémiques de toutes sortes. Aucune installation ou presque n'échappe au débat. Dans le IVe arrondissement, quartier touristique et de vie par excellence, nombreux sont les exemples. Celui de Jean-François Chassagne, patron du Carré, prête à s'interroger sur l'arbitraire. Lorsqu'il reprend la vieille brasserie du 18, rue du Temple, celle-ci bénéficie d'une terrasse d'une dizaine de places. Rodé de longue date au fait administratif, il sait parfaitement que le changement de propriétaire implique une remise en cause de l'installation. Il part donc, comme il se doit, dossier complet sous le bras, en quête d'une nouvelle autorisation. Architectes, métreurs, experts et tout le bataclan. Jean-François Chassagne ne lésine sur une aucune procédure. En bout de course, enfin le croit-il, l'espace auquel il peut prétendre permet de grossir le nombre de sièges. Cadre légal, voir la méthode de calcul des empiétements établi par la Mairie de Paris. L'établissement, entièrement refait, design, contemporain, n'oubliant pas dans son nouvel habit le respect de la pierre du Marais, offre également un alignement d'alu et de bois clair joli au coup d'œil, agréable au chaland. A la surprise générale, alors que "les dimensions retenues lors de la demande d'agrandissement ont été proposées par le fonctionnaire de la ville en charge du secteur et correspondent au strict respect du règlement municipal", l'extension est refusée. Motif du dédit : privilégier la circulation piétonne, particulièrement importante dans cette artère. Ramenée à 60 cm de large, l'autorisation laisse peu de possibilités à Jean-François Chassagne. "Soit on retire les tables, soit on retire les chaises. Gênant, non ?" La décision a été d'autant plus mal vécue que les établissements voisins, à largeur de trottoir identique, jouissent pleinement, quant à eux, de l'application du règlement municipal en vigueur.

Réglementation des terrasses

Aux termes de l'article L.131.5 du Code des communes, dans le cadre de ses pouvoirs de police, le maire a la possibilité d'accorder un droit de terrasse ou d'étalage sur la voie publique, moyennant le versement du paiement de droit de voirie.
La réglementation des terrasses est fixée par arrêté du conseil municipal. Chaque ville a donc toute liberté pour arrêter les modalités particulières d'octroi d'une terrasse et d'étalage, et surtout pour en fixer les barèmes. Ceux-ci font l'objet d'une délibération chaque année, et sont fixés en tenant compte de différents éléments comme la superficie, la rue concernée (piétonne ou non). Chaque ville établit donc sa propre tarification.
Cet arrêté définit les conditions d'octroi et de suppression des autorisations, ainsi que les modalités d'établissement de la terrasse. Par exemple, dans l'arrêté pris par la ville de Paris, ne peuvent bénéficier d'un droit de terrasse que les commerçants dont le fonds de commerce est au rez-de-chaussée, ouvert au public, et dont la façade donne sur la voie publique. Cette terrasse sera donc dans le prolongement de leur établissement, en respectant, en outre, un certain nombre de conditions fixées par l'arrêté : dimension maximum autorisée, interdiction d'utiliser des matériaux fixés sur le sol pour la délimitation...
Pour mettre en place une terrasse devant votre établissement, il vous faut obtenir une autorisation municipale de permission de voirie. Pour cela, vous devez en faire la demande par écrit, le plus souvent sur un formulaire type en joignant certains documents :
w Certificat d'inscription au registre du commerce ou au registre des métiers.
w Bail commercial ou titre de propriété.
w Licence de vente de boissons.
Le droit de terrasse est une autorisation personnelle. Elle est délivrée uniquement au propriétaire du fonds pour une durée déterminée (l'année ou la saison). Il est interdit de sous-louer l'emplacement à des tiers. De même, lors de la vente du fonds de commerce, le propriétaire ne peut vendre cette autorisation. L'acheteur devra faire une nouvelle demande.
L'autorisation est précaire. L'administration peut retirer cette autorisation sans versement d'aucune indemnité, pour des raisons d'intérêts publics, ainsi qu'en cas de mauvais entretien de la terrasse ou en cas d'infractions au règlement.
En contrepartie de cette autorisation, vous devez verser une redevance dont le montant est fixé par le conseil municipal. Chaque municipalité établira donc les tarifs, qui sont établis en fonction de la surface de la terrasse, de sa composition, de la durée d'exploitation... Ce qui peut entraîner de grandes différences de tarification d'une commune à l'autre.
Pascale Carbillet zzz66b

Paperasserie
"Le Carré, souligne en outre notre patron, est un bar-restaurant à fort potentiel, ayant créé plus d'une quinzaine d'emplois supplémentaires en CDI" au regard de l'ancienne formule. Echanges téléphoniques, échanges épistolaires. L'affaire prendra un an avant de se décanter en faveur... du Carré. Dont la terrasse, il faut le reconnaître, photos à l'appui, ne gêne absolument pas le passage, mais professe, entre Hôtel de ville et Rambuteau, l'art de l'oisiveté urbaine tant réclamée par nos concitoyens. Un an, c'est quasiment ce qui sépare l'inauguration du Merci Charlie, boulevard Bonne Nouvelle, dans le Xe, de la date d'ouverture initialement prévue. La rénovation de l'établissement a été freinée par les services des Bâtiments de France, à propos, notamment, du balcon. De mémoire parisienne, rares, mais franchement rares, sont les bars-restaurants à pouvoir offrir, comme lieu de villégiature, un balcon. La difficulté le concernant n'a pas été de l'ouvrir à l'activité mais de le conformer à l'atmosphère de l'enseigne. Rénové sous le pinceau de l'architecte d'intérieur Mounia, celui-ci devait être construit dans un matériau fixe. Or, les Bâtiments de France sont catégoriques : un balcon doit être démontable... Pot de terre contre pot de fer. "Nous avons dû capituler, regrette Nadia Godefroy, directrice du Merci Charlie, rassurée néanmoins par l'intérêt qu'il suscite auprès de la clientèle. Il domine le quartier. Les gens l'apprécient énormément. Beaucoup d'entre eux nous disent que l'endroit est magique." Le soleil, comme les habitués, s'y presse à midi. "Quand il fait beau, les clients appellent dès 9 heures pour réserver au déjeuner." 7 tables pour 2 personnes et 3 possibles en se serrant. Les places sont chères, sans augmentation de prix ! "Nous ne l'ouvrons que lorsque le temps le permet puisque nous ne pouvons pas y installer de chauffage, pour des raisons de sécurité." Astuce mise en place : des plaids, entre couverture et châle, comme on en trouve dans les établissements sélects de Copenhague, sont à disposition quand le thermomètre redescend. Plaisant à souhait. On retrouve ce principe de couverture dans un autre établissement parisien, également propriété de Pascal et Isabelle Ranger, repris en association avec Fabrice Dupin : le Corner Café, 68, avenue Kléber, dans le XVIe. Ce café-restaurant, entièrement relooké en 1999, s'amuse de petites briques à l'ancienne, regorge de bois et de casiers à vins. Sa terrasse ouverte, aménagée dans le même style, affiche vite complet à l'heure du repas. Parmi ses caractéristiques : deux grands bancs. "Les gens ne peuvent pas les déplacer et cela évite que l'on dépasse l'espace qui nous est imparti", se félicite Fabrice Dupin. L'homme, toujours en partenariat avec le couple Ranger, s'est attelé à un second établissement : Les Associés, à la Bastille.

Fleurs et quotas
Levée de rideau le 9 décembre dernier. Le quidam entre, au choix, par le 50, boulevard de la Bastille ou le 73, rue de Lyon. Deux entrées géographiquement opposées et munies de terrasses. Celle donnant sur le canal de l'Arsenal, derrière de grandes baies vitrées escamotables, possède également 2 grandes banquettes qui "accentuent la convivialité", remarque cette fois Fabrice Dupin, dont la marotte est aussi d'intensifier le fleurissement de sa terrasse. Pas si facile. "Les autorités m'ont fait déplacer des plantes parce qu'elles dépassaient les cotes admises. Dommage. Vous ne trouvez pas que c'est plaisant des portes encadrées de fleurs ?" No comment. Parmi les automatismes de consommation constatés ici, Fabrice Dupin note, de la part de la clientèle, un net penchant à s'installer en terrasse à l'heure du déjeuner, même fermée, quand Phébus pointe son nez. "Les gens veulent alors profiter de la clarté, de la luminosité extérieure. C'est très net."
Joël Jondeau, propriétaire du Dupont Café, à Convention, aime lui aussi les terrasses fleuries. La sienne, bordée de camélias et autres plantes florifères, arbore depuis plusieurs mois des bâches de protection qu'il fait rabattre en fonction de la météo et des chauffages radiants, munis de thermostats assurant une température entre 20 et 25 degrés en demi-saison. "C'est une terrasse d'agrément", indique-t-il. "Elle ne fonctionne pas toute l'année. Même si nous l'installons tous les jours. Les Parisiens aiment être dehors, tout en se sentant protégés", convient-il à son tour. "Mon objectif est d'apporter toujours plus de bien-être à ma clientèle et cet investissement a été dans ce sens." Chaises contemporaines en osier tressé, tables en bankiraï. La terrasse du Dupont Café invite bel et bien à la détente, même si les businessmen ont la possibilité de consulter leur boîte aux lettres électronique à partir de leur ordinateur portable. Le Dupont Café, avec Le Columbus Café de Neuilly, est une des toutes premières adresses de la capitale équipée d'une borne assurant la connexion sans fil à Internet... Mais ça, c'est l'objet d'un autre article. n zzz24

D'ACTUALITÉ...

Jean-François Chassagne, propriétaire du Carré, est aussi président du Sneg* et à la tête de deux autres affaires dans le IVe. Il fait aussi partie d'associations de commerçants. Ses différentes fonctions lui permettent d'être en contacts réguliers avec les pouvoirs publics. Parmi les dossiers qu'ils souhaiteraient voir initier : la création, pour les terrasses de bistrots ouvertes, de bâches dans un matériau "limiteur de bruit et reconnu officiellement comme tel". "La technologique moderne présente de nombreuses possibilités", affirme-t-il. Deuxième combat nécessaire selon lui : la création, dans la réglementation des terrasses, d'une catégorie intermédiaire entre fermée et ouverte. Opportun.


* Syndicat national des établissements gay.

 

UNE TERRASSE N'EST JAMAIS ANODINE...

Jean André et sa compagne, Michèle Sageon, ont repris en gérance libre Le Tivoli, un café-brasserie situé à deux pas de la gare Montparnasse, en contrebas du boulevard. L'établissement, en angle, déploie une terrasse couverte mais aussi une terrasse découverte au début de la rue Antoine Bourdelle, partie ensoleillée l'été autour de midi. Mais ce couple de professionnels sort toujours quelques tables et chaises, quel que soit le temps. "Par beau temps, c'est évident, on sort tout le matériel. En revanche, quel que soit la saison, qu'il pleuve ou qu'il vente, on met en place deux ou trois tables et chaises pour signaler l'établissement. Même de loin, les gens voient ainsi que le café est ouvert." Judicieux.


Des tables et chaises en terrasse signalent aussi l'ouverture d'un établissement, rappelle judicieusement le gérant du Tivoli, à Montparnasse.

Mobilier de terrasse, robuste, empilable et beau

Adresses

Article précédent - Article suivant


Vos réactions : cliquez sur le Forum de L'Hôtellerie

Rechercher un article : Cliquez ici

L'Hôtellerie Restauration n° 2819 Magazine 1er Mai 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
Articles les plus lus...
 1.
 2.
 3.
 4.
 5.
Le journal L'Hôtellerie Restauration

Le magazine L'Hôtellerie Restauration