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Des redevances qui doublent ou triplent en trois ans, des établissements qui font 90 % de leur chiffre d'affaires grâce à la terrasse - certains avec un emplacement intérieur trois fois inférieur à la surface des extérieurs -, des installations de plus en plus sophistiquées... Sur la Côte d'Azur, les terrasses sont l'objet de batailles et de convoitises.
Sur la Côte d'Azur, plus qu'ailleurs, les terrasses rapportent et les esprits s'échauffent ! Il semblerait que l'ensemble des parties aspire à une réglementation solide pour éviter les conflits, mais que chacune en pousse les limites au maximum. Histoire de tirer le meilleur parti d'un potentiel extrêmement rémunérateur. Avec les nouveaux équipements, notamment les chauffages d'extérieur - rodés sur Paris depuis une quinzaine d'années, et très en vogue dans le Sud depuis trois ans -, les terrasses se multiplient et s'élargissent, quelle que soit la saison (lire encadré). Mais les professionnels sont très dépendants de la politique choisie par les élus de leur ville. Ainsi, même si la municipalité de Cannes apparaît moins gourmande que ce qu'on aurait pu croire, comparée à celle de Nice par exemple, l'écart entre le littoral et l'arrière-pays est impressionnant. En citant l'arrière-pays, on n'inclut évidemment pas les villages reculés des Alpes-Maritimes, aussi touristiques soient-ils, mais les premiers contreforts comprenant par exemple une ville comme Grasse, sur la route Napoléon...
Des disparités locales très
fortes
Avec 16 000 habitants de plus que Menton, Grasse réalise une recette environ dix fois
inférieure. Et pourtant, les redevances réclamées par la municipalité de Menton ne se
classent pas parmi les plus élevées de la Côte. En tête de peloton, on retrouve la
capitale des Alpes-Maritimes. Nice, en plus du prix au mètre carré, facture chaque
accessoire : porte-menu, parasol, chauffage, brise-vent, alors que des communes
importantes comme Cannes ou Marseille ne comptent pas les parasols - qui sont inclus dans
le prix à la table ou au mètre carré. Quant à Grasse, elle inclut la totalité des
accessoires dans le tarif au mètre carré. Selon les professionnels niçois, le montant
des redevances est proportionnel à l'intransigeance de la ville sur les règles à
respecter. A titre indicatif, le staff de contrôle de la ville de Nice est de 9
inspecteurs, mais il n'est pas rare qu'elle fasse aussi appel à la police municipale.
"A la première infraction, nous n'infligeons pas d'amende, déclare de son
côté Jacques Longuet, adjoint au maire de Cannes. En revanche, la seconde s'élève
à 3 000 francs, puis viennent ensuite les fermetures. La suspension d'ouverture nocturne
de 0 h 30 à 2 h 30 a été fréquente ces dernières années. Mais les patrons se sont
calmés. Les fermetures administratives sur Cannes se comptent sur les doigts de la main."
Une mesure restée fréquente à Nice.
Difficile de faire respecter les
passages pour les piétons
A Cannes, c'est sur la zone piétonne et dans la montée du Vieux Cannes que sont
concentrées les plaintes des professionnels. Motif principal : le passage pour les
piétons. Il faut noter qu'au cours des trois dernières années, la municipalité a tapé
du poing sur la table. La largeur minimum imposée est de 2,5 m, mais selon les
inspecteurs municipaux, les patrons ne laissent parfois que 90 cm ! Les communes ont libre
arbitre. Sur Nice, ce passage est fixé à au moins 1,5 m depuis la bordure du trottoir
sans excéder le tiers de la largeur du trottoir (sauf exception). En moyenne, les
brise-vents sont limités à 2 m de hauteur, les parasols aussi, le tout enlevé pendant
les heures et les jours de fermeture. Selon Maurice Rolando, responsable du service des
Taxes et Droits du commerce et de la voirie, à la ville de Cannes, depuis une dizaine
d'années, les redevances ont augmenté régulièrement de 10 % en 1992 et de 5 % en 1998.
Tandis qu'à Marseille, selon le service de Richard Revest, elles auraient chuté de 10 %
en 1998 et encore de 10 % l'année suivante en réponse "aux plaintes des
restaurateurs et limonadiers".
Le problème des
non-professionnels
Jacques Longuet, à Cannes, comme Hubert Boivin, président du Syndicat des cafetiers
niçois, s'accordent à dénoncer deux problèmes auxquels ils espèrent remédier par
voie de réglementation. Le premier concerne l'arrivée des exploitants sans formation.
"Je reconnais que la majorité des problèmes fait suite à la délation entre
voisins, cite Jacques Longuet. Pour 1 m2 de terrasse, nous assistons parfois à de
véritables guerres. En revanche, il est clair que certains patrons ne connaissent pas
leurs droits et devoirs. Cela génère des conflits entre confrères et aussi avec les
services municipaux." Selon Hubert Boivin, certains patrons n'ont qu'une idée
très lointaine de ce qui se pratique légalement. "Ils me tiennent tête parce
qu'ils sont nombreux dans le métier, 50 % environ, et forts d'un investissement souvent
excessif." Autre obstacle à un fonctionnement harmonieux, selon les officiels :
la disproportion entre surfaces intérieure et extérieure. "Nous avons eu affaire
à une échoppe de 8 m2 sur le parking de l'église du Vieux Cannes, raconte l'adjoint
au maire. Il s'agissait d'un restaurant italien qui s'était installé sans prendre de
renseignements. Il occupait aussi plusieurs dizaines de mètres carrés de parking
transformés en terrasse, ce qui lui a été bien sûr interdit. Cela a donné lieu à un
bras de fer pas possible." Au final, le commerçant a dû fermer boutique. "A
cette vérité, j'ajoute la concurrence déloyale des boulangers et snacks, reprend le
président des cafetiers. Ils retirent aux licences IV une clientèle importante sans
en payer le prix. C'est une situation qui ne peut durer longtemps !" Sur les 3
700 établissements du département, très peu sont ceux qui n'ont pas de terrasse. "Certains
font 90 % de leur chiffre d'affaires avec la terrasse, ajoute Paul Spinelli, adjoint
au maire de Nice, en charge du commerce et de la voirie, alors il leur faut rester
décent dans leurs exigences." Même écho à la mairie de Cannes. "Une
terrasse est suffisamment lucrative pour supporter une réglementation rigoureuse si elle
est juste", conclut Jacques Longuet. n
A chaque ville sa réglementation : A Nice, les accessoires des terrasses sont
facturés, tandis qu'à Grasse, la totalité d'entre eux est inclus dans le tarif du m2.
Les terrasses pour toutes les saisonsL'arrivée des chauffages d'extérieur a révolutionné la Côte d'Azur, après s'être imposée sur la capitale depuis une quinzaine d'années. Un investissement notable (environ 5 000 F pour le modèle le plus sophistiqué sur les trois du genre habituellement proposés), mais la rentabilité, toutes saisons confondues, a vite fait la différence. Moins spectaculaire en termes de bénéfice, mais attrayant, un autre système est arrivé depuis trois ans sur le littoral méditerranéen : le climatiseur par brumisation. Pour 5 000 F par m2 linéaire (soit ici une facture totale de 50 000 F), Les Palmiers à Villefranche-sur-Mer se sont taillé cet été un vrai succès. "Quand on est décidé à ne pas outrepasser ses droits - ce qui ne sert strictement à rien quand on veut travailler en toute sérénité et durablement dans la même commune -, autant faire dans l'innovation pour avancer !", déclare Gilles Delarouère, l'un des deux patrons associés depuis le printemps dernier. La terrasse méridionale n'a pas fini de faire parler d'elle ! |
Les chiffres de quelques communesAntibes Cannes Tarifs à la table (par mois)
Tarifs au m2 (par an )
Grasse Tarifs à la table (60 x 60 cm; par an)
Marseille Tarifs terrasses au m2 (par an)
Menton Tarifs au m2 (par an) Nice Tarifs au m2 (par an) Porte-menus, chauffages, parasols, brise-vent (en sus ; par an) Porte-menus Saint-Tropez Tarifs au m2 (par an) *
*Tous commerces sédentaires confondus |
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L'HÔTELLERIE n° 2703 Magazine 1er Février 2001