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Hôtellerie

1967-1997

De l'ère artisanale à l'ère industrielle

Au terme d'une «véritable révolution» structurelle qui a entraîné dans son sillage une cohorte de faillites, l'hôtellerie française est maintenant fin prête à franchir le cap de l'an 2000. Considérée désormais comme une industrie à part entière, qui plus est créatrice d'emplois, son sort demeure néanmoins lié à des facteurs économiques, politiques, sociaux, techniques et financiers des plus complexes.

Dossier réalisé par Claire Cosson

A chaque fois que Jean-Luc, propriétaire d'un charmant petit établissement parisien affilié à une grande centrale de réservations internationale, entend ça, son sang ne fait qu'un tour. Ça ? Des collègues qui, d'une part, clament haut et fort offrir à la clientèle le meilleur service possible, et d'autre part, refusent de rejoindre un réseau de commercialisation sous prétexte de conserver leur sacro-saint statut d'indépendant. «Je ne parviens pas à saisir de tels comportements. Alors que nous assistons actuellement à une mondialisation des économies, notamment celle du tourisme, comment peut-on imaginer rester isolé ? A croire que ces hôteliers vivent accrochés à leurs souvenirs d'antan», soupire le patron désabusé. Il est clair en effet que les hôteliers français ont vécu des années «fastes», les consommateurs apparaissant comme par enchantement. Il n'y avait alors pas de quoi s'exciter outre mesure pour attirer les chalands.

Aujourd'hui hélas, la donne a changé et cette époque d'opulence est bel et bien morte et enterrée. «Au cours des trente dernières années, l'industrie hôtelière a subi une véritable révolution structurelle», explique Philippe Gauguier, directeur du cabinet conseil Pannell Kerr Forster France. Et d'ajouter : «On est en fait passé de l'ère artisanale à l'ère industrielle.» Cette profonde et souvent douloureuse mutation (de nombreuses faillites d'entreprises ont été recensées dans ce secteur d'activité), ne s'est évidemment pas réalisée en un jour, mais en plusieurs phases distinctes. Au début des années 60, le parc hôtelier français était l'un des tout premiers au monde en terme de capacité d'hébergement (11.382 hôtels classés tourisme, soit 327.774 chambres). Reste que c'était également sans aucun doute le plus vieux parmi les pays où l'hôtellerie était développée. «Il était courant alors de trouver des chambres sans bain, douche ni même sanitaires privatifs. Les standards de confort étaient totalement différents», souligne Louis Heilmann, délégué général de la Fédération nationale des Logis de France.

Peur de l'invasion américaine

En fait, contrairement aux Etats-Unis par exemple, où de nombreuses chaînes modernes de dimension conséquente (du type Holiday Inn, Hilton...) se développaient massivement, l'hôtellerie hexagonale relevait, elle encore, du service traditionnel s'adressant avant tout à une clientèle domestique. Avec l'ouverture progressive des frontières, l'essor des moyens de transport (en particulier l'aérien), l'arrivée de groupes étrangers dans l'Hexagone (le Hilton Suffren ouvre ses portes à Paris en 1966 ; la Panam rachète l'Intercontinental en 1968) et l'internationalisation des économies, le parc hôtelier national va cependant assez vite voir sa situation évoluer. Notamment dès la fin des années 60. Signe des temps d'ailleurs, l'Etat ne considère plus, à cette période, le tourisme comme une préoccupation mineure. Bien au contraire. Preuve en est, à l'initiative du Président de la République Georges Pompidou, la création d'un secrétariat d'Etat au Tourisme en 1969. Ce dernier est de surcroît confié aux mains expertes d'un homme fort connu du milieu hôtelier : Marcel Anthonioz.

Parallèlement, par peur de l'invasion des compagnies américaines à travers l'Hexagone (les grandes enseignes venues d'outre-Atlantique essaimaient dans chaque capitale), les pouvoirs publics décident également de favoriser la construction d'hôtels neufs. C'est ainsi que vont se constituer les premières chaînes intégrées, sur le créneau haut de gamme principalement, afin d'attirer une clientèle de luxe et un tourisme d'affaires (national ou international). Ceci d'autant plus aisément que les aides accordées par l'Etat -la plupart du temps des prêts à taux bonifiés- facilitaient grandement les financements. Précisons toutefois que certains «avantages fiscaux» avaient été au préalable octroyés pour la reconstruction de la petite hôtellerie rurale familiale (Logis de France en 1949) et d'autres seront par la suite attribués aux catégories de moyenne gamme ainsi qu'à la modernisation des établissements existants.

Premier Novotel en 1967

C'est donc au cours des années 70 que les chaînes vont réellement «bouleverser» le paysage hôtelier français constitué jusqu'alors d'unités de petites capacités, dont l'état était parfois assez délabré. Les quatre étoiles fleurissent en premier lieu dès 1972 dans la Ville Lumière tout d'abord avec, entre autres, l'ouverture de l'hôtel du Club Méditerranée à Neuilly-sur-Seine et celle du Méridien Porte-Maillot.Viennent plus tard le Concorde Lafayette (1.027 cham-
bres), le PLM Saint-Jacques (1er hôtel au monde tout informatisé), le Suffren, les Sofitel Bourbon et Porte de Sèvres, le Sheraton (mai 1974)... «A cette époque, il fallait absolument bâtir des gros porteurs afin d'accueillir les étrangers qui, grâce au développement des communications aériennes, voyageaient de plus en plus facilement», se souvient avec nostalgie un hôtelier de la capitale.


Premier Novotel à Lille-aéroport en 1967.

 
Les adhérents de Logis de France ont investi des sommes considérables pour remettre les établissements au goût du jour.

 
Novotel = 1968 : 1 hôtel - 1975 : 80 hôtels.

Les trois étoiles ne sont pas en reste. Lancé en 1967, Novotel multiplie ses implantations en France. Après la première unité construite dans la banlieue de Lille (à côté de l'aéroport), sortent de terre celles de Colmar, Marignane, Bagnolet... Une nouvelle enseigne, baptisée Mercure, déboule en outre sur le marché français en 1973 à Saint-Witz (Val d'oise). Sans oublier la montée en puissance de la chaîne Frantel soutenue par le Crédit hôtelier et la croissance du groupe Jacques Borel.


Mercure inaugure son premier hôtel à Saint-Witz en 1973.

Face à l'essor des chaînes intégrées privées ou sous tutelle étatique, les indépendants ne restent bien entendu pas les deux pieds dans le même sabot. Très rapidement, ils ressentent en effet l'impérative nécessité de se rassembler. Les premiers rapprochements (exception faite des Logis de France d'ores et déjà constitués) s'effectuent dès 1967 avec l'apparition d'Inter-Hôtel, puis celle de Mapotel (1968), de Relais du Silence (1968), de Charentotel (1969), de France Accueil (1977)... A noter également la fusion des Relais de Campagne et des Relais Gourmands en 1971.

L'ère des hôtels de gamme moyenne

On est certes encore bien loin de voir surgir des organisations indépendantes aussi structurées qu'elles le sont actuellement. Il n'en demeure pas moins vrai que la notion de «chaîne volontaire» fait son petit bonhomme de chemin. D'autant que si le secteur se portait bien de 1970 à 1977 (croissance de 4,3% en moyenne par an), résistant au premier choc pétrolier, la situation de l'industrie hôtelière se modifie sensiblement à partir de 1978. L'activité se ralentit effectivement de manière très nette pour franchement chuter au début des années 80. A Paris par exemple, les taux d'occupation des hôtels quatre étoiles passent ainsi de 75,7% en 1979 à 68,6% en 1982 et ceux des trois étoiles de 77% à 75,4% (sources Horwath France). La modification du taux de TVA des établissements de luxe (de 7% à 17,6% puis 18,6%) et la taxation à 10% puis 30% des frais généraux des entreprises n'incitent effectivement guère à consommer du service hôtelier.

 
Dernière génération des chambres Ibis.


Ibis dans les années 70.

Dès lors, l'Etat prend la décision de relancer la consommation intérieure et favorise la construction et la rénovation des hôtels de moyenne gamme. Ça part sur les chapeaux de roues pour les deux étoiles. Près de 70.000 chambres vont voir le jour sur ce créneau en un peu plus de 20 ans avec la naissance certes de nombreux établissements indépendants, mais celle aussi de chaînes intégrées telles Ibis à Bordeaux (1974), Campanile à Aix-les-Bains (1976), Fimotel (1981), Climat de France (1982), Arcade... Et puis tandis que Novotel SIEH met la main sur Jacques Borel International (1982) et prend le nom d'Accor un an plus tard, le futur conglomérat français dirigé par Paul Dubrule et Gérard Pélisson, travaille d'arrache-pied à l'élaboration d'un concept hôtelier «véritablement révolutionnaire».


Le premier Climat de France ouvre en 1982.

Emergence des hôtels super-économiques

«L'offre hôtelière (en particulier les hôtels de préfecture) ne correspondait plus aux normes de confort souhaitées par la clientèle. Plus d'un Français sur deux n'avait jamais séjourné dans un hôtel. Il y avait donc là une demande à satisfaire sachant qu'il fallait parvenir à concevoir une prestation hôtelière en dessous de 100 francs», explique Jean-Claude Luttmann, l'un des deux fondateurs de Formule 1. Produit marketing par excellence, la première unité Formule 1 est donc inaugurée dans l'agglomération d'Evry en 1985. «Il est incontestable que l'arrivée des hôtels super-économiques a bouleversé les paramètres habituels de l'hôtellerie française», commente Georges Antoun, président de la Fédération nationale de l'hôtellerie française.

 
Formule 1 va révolutionner le paysage hôtelier français et devenir la «marque du siècle».

Au début pourtant de l'émergence des hôtels «zéro» et une étoile, personne ne voulait y croire vraiment. Les hôteliers indépendants se disaient même scandalisés par le retour des sanitaires sur le palier et l'accueil robotisé. Et pour cause ! Voilà des lustres que l'Etat comme toutes les organisations syndicales leur vantaient le mérite d'un bon équipement. L'engouement de la clientèle finit cependant par renverser la vapeur. Le succès de Formule 1 est tel (l'enseigne a été récemment sacrée «marque du siècle» par un sondage effectué par BVA), que les unités «envahissent» peu à peu l'ensemble de l'Hexagone. La cadence des ouvertures donne le vertige : une unité supplémentaire par semaine, soit environ 300 chambres par mois. Le groupe Pargest tente sa chance le premier en créant Balladins. Puis, une fois le terrain déblayé, d'autres enseignes se multiplient comme des petits pains. Entrent en piste Aster (1987), Nuit d'Hôtel (1988), Première Classe (1989), Bonsaï (1989), B&B (1990), Mister Bed (1990)... De 1988 à 1993, la part de l'hôtellerie économique de chaîne augmente dans des proportions considérables : 2,15% du nombre total de chambres de l'hôtellerie homologuée sans et une étoile en 1988 à 44,81% en 1993 (source : FNIH)).

 
Première Classe fait son entrée sur le marché du super-économique en 1989.

Effets pervers de la défiscalisation

Parallèlement, «des groupes financiers et des promoteurs immobiliers prennent conscience de la rentabilité du marché hôtelier et investissent sans souci ce nouveau secteur», explique Mark Watkins du cabinet spécialisé Coach Omnium. «Ils vont construire de beaux établissements à la manière d'appartements témoin», ajoute-t-il. Tandis que l'hôtellerie économique prend son essor, de nouveaux produits plutôt «luxueux» émergent en centres-villes, notamment comme Latitudes (groupe Bouygues en 1985), Adagio (Les Nouveaux Constructeurs en 1987), Alliance imaginée par Pelège en 1988 ou bien encore les Demeure Hôtel et Libertel lancés par la Compagnie Immobilière Phénix dès 1990.


Tandis que l'hôtellerie économique prend son essor, de nouveaux produits plutôt «luxueux» émergent en centres-villes lancés par des promoteurs immobiliers comme Libertel.

Tout ce petit monde se côtoie relativement bien, jusqu'à ce que la guerre du Golfe et la crise économique surgissent. Le taux d'occupation des deux étoiles France entière baisse peu à peu atteignant 59,6% en 1993 contre 70,2% dix ans plus tôt (source enquête annuelle Horwath). Celui des trois étoiles fléchit également à 57,9% en 1993 contre 63% en 1983. Seule l'hôtellerie super-économique (sans oublier le tourisme vert) réussit à tirer encore son épingle du jeu affichant des fréquentations toujours en hausse (de l'ordre de 74% pour le leader en 1993). Cette nouvelle donne conduit tout naturellement à un développement anarchique des enseignes sur ce segment de marché. Un phénomène auquel la défiscalisation hôtelière contribue aussi largement. Dans l'ensemble, les avantages offerts étaient en effet fort alléchants. Le principe de base de la défiscalisation en hôtellerie reposait sur la déduction d'un déficit fiscal de la totalité du revenu de l'investisseur. Reste que les effets pervers de ces dispositions n'ont bien entendu pas résisté aux mauvaises implantations, mauvais produits et encore moins à l'absence totale de professionnalisme de certains groupes.

Régulation de l'offre

«On a indiscutablement noyé beaucoup d'honoraires dans le béton», souligne Jean-Claude Luttmann. Les conséquences de tels agissements ne se font pas attendre. Les copatrons d'Accor ne manqueront d'ailleurs de prédire dès 1992 «des cimetières d'hôtels». Nombre de sociétés finissent par mettre la clef sous la porte ruinant au passage maints petits investisseurs privés, persuadés d'avoir trouvé dans l'hôtellerie un «nouvel eldorado». Et puis, chemin faisant, les banques ferment quasiment toutes leurs robinets ne souhaitant plus désormais investir un centime dans ce secteur d'activité.

De leur côté, les organisations syndicales battent le fer pendant qu'il est chaud et incitent fortement les pouvoirs publics à intervenir. Le ministère du Tourisme tente d'apporter son aide organisant des tables rondes, rapports (Livre Blanc de L'hôtellerie en 1992) et plans pour moderniser l'hôtellerie indépendante (gouvernement socialiste) et pour lutter contre la saturation du marché (gouvernement de droite). La grogne ne cesse de monter. On implore de toute part l'intervention de l'Etat. La multiplication des actions de lobbying menée pendant plusieurs années par les professionnels porte enfin ses fruits. Résultat : la suppression de l'avantage fiscal permettant l'imputation sur le revenu global des déficits liés à des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) est mise en application à partir du 1er janvier 1996. Quant à la régulation de l'offre, elle se met en place avec la loi du 5 juillet 1996 imposant un accord de la CDEC pour toute création ou extension d'hôtels de plus de 30 chambres (50 chambres en Ile-de-France).

Chaînes volontaires plus structurées

Au bout du compte, le parc hôtelier français semble actuellement stagner (20.020 hôtels, soit 604.448 chambres au 31/12/96 selon les estimations de la direction du Tourisme) et devrait sans doute se rééquilibrer au gré des restructurations et de la reprise économique. «Aujourd'hui, le développement est complètement freiné. Ce n'est pas totalement négatif car cela va permettre un assainissement du marché», affirme Philippe Gauguier. Du côté des indépendants, aujourd'hui rénovés et plus homogènes (450 millions de francs d'investissements par exemple au sein des Logis de France en 1993/1994 et 1995/1996), l'heure est au développement des chaînes volontaires thématiques, dotées de moyens promotionnels et commerciaux efficaces. Tandis qu'en janvier 1997 ces groupements fédèrent en France 5.550 hôtels pour 131.791 chambres, soit 28% du parc de l'hôtellerie classé en nombre d'hôtels, ils s'ouvrent largement aux partenariats avec des chaînes étrangères. Ainsi, Inter-Hôtel s'est rapproché de Minotels. Le groupe Hélan (Héraldus et Néotel) ouvre son capital à hauteur de 25% au Britannique Consort Hotels. Les Logis de France ont essaimé en Grande-Bretagne, en Belgique et en Italie. A noter que Mapotel avait très tôt analysé les opportunités de s'allier avec une enseigne étrangère en concluant un accord avec Best Western en 1980. Certaines chaînes volontaires françaises ont aussi assuré leur propre croissance à l'étranger comme Relais & Châteaux, Relais du Silence...

Les compagnies étrangères lorgnent sur la France

Côté chaînes intégrées, avec 2.627 établissements, soit 212.477 cham-
bres (source enquête 1997 La Revue), dont 77% sont aux mains de quatre grands groupes (Accor 38,4%, Envergure 19,7%, Hôtels & Compagnie et Choice), beaucoup concentrent désormais leurs efforts vers un développement via la franchise ou la reprise d'hôtels déjà existants (Etap Hôtel, Relais Bleus, Primevère, Adagio...). D'ailleurs, d'après la 18ème étude de La Revue, les chaînes intégrées n'ont enregistré qu'une quarantaine de constructions neuves en 1996. «On ne peut plus créer d'hôtels en France. Ce qui a priori va profiter aux leaders», note Louis Crémèse, patron d'Envergure. Et d'ajouter : «Nous irons ailleurs, c'est-à-dire hors des frontières nationales.» Bon nombre d'opérateurs ayant achevé leur maillage hexagonal, se tournent en effet vers l'international. C'est le cas de la plupart des marques développées par les leaders qui possèdent les moyens financiers de leurs ambitions : Campanile, Ibis, Mercure, Clarine, Formule 1...


Campanile sort de terre à Aix-les-Bains en 1976.

 
La chambre Campanile en 1996.

 
Louis Crémèse, patron du groupe Envergure : «La qualité de service sera primordiale dans les années à venir. Seules les entreprises bien formées relèveront ce défi.»

Reste que les compagnies étrangères lorgnent aussi sur la France et entendent bien avoir leur mot à dire sur ce marché. Tous les gros opérateurs mondiaux veulent en effet avoir une tête de pont en France pour mieux pénétrer le vieux continent. L'Américain Choice y a d'ailleurs d'ores et déjà fait son trou s'attaquant au moyen de gamme avec la reprise de Primevère (1993). Westmont, fin 1995, a mis la main sur Alliance-Hôtellerie (Fimotel, Alliance). Holiday Inn nourrit de grandes ambitions, notamment pour sa marque Holiday Inn Express. HSF a racheté un établissement au Touquet. Le haut de gamme n'échappe pas à la règle puisque le George V appartient dorénavant au prince Al Waleed. Méridien arbore le drapeau britannique de Granada. Marriott va ouvrir prochainement un établissement sur les Champs-Elysées...

En tout état de cause, selon les perspectives chiffrées de l'Organisation mondiale du tourisme sont optimistes (476 millions d'arrivées en Europe contre 288 en 1990) et sachant que la France capte à elle seule 1/5ème des arrivées sur le vieux continent, l'hôtellerie a indiscutablement de beaux jours devant elle. La concurrence sera néanmoins rude et mondiale s'accompagnant probablement d'un phénomène de concentration. Quant à la qualité de service, elle va devenir un impératif incontournable. «La qualité de service va primer dans les prochaines années. Et ce sont les gens les mieux formés qui parviendront à relever ce défi», conclut Louis Crémèse.

Quelques dates à retenir sur le développement des chaînes intégrées

(hors créneau super-économique)

1964 : Sofitel (4*) à Strasbourg

1967 : La première unité
Novotel ouvre dans
la banlieue de Lille (3*)

1972 : Air France met
un pied dans l'hôtellerie
avec Méridien (4*)

1973 : La Société du Louvre
fonde les hôtels
Concorde (4*).
Mercure fait son
apparition à Saint-Witz
(Val-d'Oise) (3*)

1974 : La chaîne à la petite
fleur rouge, Ibis,
effectue ses premiers pas
en France (2*)

1975 : Primotel (3*)

1976 : Création
de Campanile (2*)

1981 : Le groupe Fim joue la
carte de l'hôtellerie en
inaugurant le premier
établissement Fimotel (2*)

1982 : Apparition du premier
Climat de France (2*)

1983 : Les Relais Bleus (3*)

1987 : Les Nouveaux
Constructeurs lancent
Adagio (3*)

1988 : Alliance-Hôtellerie (3*)

1990 : La Compagnie
Immobilière Phénix
inaugure les premiers
Libertel et Demeure
Hôtel

1992 : Envergure crée Bleu
Marine (3*)

1995 : Envergure crée
Clarine (2*)

*Liste non exhaustive

 

Louis Heilmann,
délégué général des Logis de France

«Les hôteliers indépendants vont conserver leurs parts de marché»

«Aujourd'hui, nous assistons à une véritable révolution de la demande. Désormais, le client morcelle ses séjours, devient plus exigeant et négocie les prix. En fait, il recherche de plus en plus un «espace de liberté». Ce nouveau comportement va bien entendu avoir une incidence sur nos métiers. Nous allons en fait assister à une remise en cause «structurelle» de la profession. Autrement dit : les professionnels vont être amenés à réfléchir sur leur propre organisation du travail afin de ne plus imposer de contraintes tant sur le plan des horaires que sur celui des prestations aux consommateurs. L'évolution ne s'effectuera pas sans heurts. Mais si les hôteliers indépendants franchissent ce cap, ils conserveront leur part de marché. Ce d'autant plus aisément
que dans un monde uniforme, l'homme éprouve un besoin absolu d'authenticité.

Concernant la structure de l'offre hôtelière française, je pense que nous allons observer des mouvements importants dans les années à venir. Comme pour l'hôtellerie intégrée, il y a actuellement prolifération de petits groupements souvent mal organisés.

De toute évidence, il y
aura prochainement une concentration autour d'un certain nombre d'enseignes. Seules les chaînes volontaires, préservant leur personnalité et proposant des services de qualité à leurs adhérents, résisteront. Sans oublier la nécessité de développer un esprit de solidarité au sein des établissements d'une même enseigne.»

 

Didier Gros,
coprésident de Sphère International

«Renforcement des réseaux hôteliers en Europe»

«Tous les comportements de société actuels portent à croire que l'hôtellerie dispose encore de beaux jours devant elle. Qu'il s'agisse en effet de la mise en place de la monnaie unique, de la multiplication des moyens de transport, des cinq semaines de congés payés..., tout ceci va avoir une influence favorable sur la consommation hôtelière.

J'estime cependant qu'avec le développement des moyens d'information et de communication, l'hôtelier qui demeurera isolé, éprouvera pas mal de difficultés. Je crois en fait que nous allons observer dans les années à venir un renforcement des réseaux hôteliers (franchiseurs ou groupes volontaires très organisés) en Europe. Alors qu'actuellement on dénom-
bre environ 25% d'hôtels de chaînes et 75% d'indépendants sur le vieux continent, on peut parfaitement envisager un parc détenu à 50% par chacune des deux parties. Ce d'autant plus aisément si l'on admet qu'un franchisé exploitant son établissement est en fait un indépendant.»

 

Les prêts du FDES accordés à l'hôtellerie de 1961 à 1971
 
Années Montant
 
1961 79 MF
 
1962 122 MF
 
1963 162 MF
 
1964 167 MF
 
1965 152 MF
 
1966 193 MF
 
1967 308 MF
 
1968 337 MF
 
1969 300 MF
 
1970 300 MF
 
1971 330 MF
 
  Evolution de la consommation par les
 
touristes auprès de l'ensemble des entreprises du secteur touristique en milliards de francs
 
    1992 1993 1994 1995
 
Consommation   522,3   527,8   553,6   569,9
 

 

Evolution du chiffre d'affaires des CHR et Agents de Voyages en milliards de francs HT
 
    1992 1993 1994 1995*
 
CA CHR       291,2   279,5   287,1   289,7
 
CA AV NC   48,6   51,3   52,1
 
Total     /   328,1   338,4   341,8
 
*Estimations
 

 

Georges Antoun,
président de New Hotel

«L'hôtellerie indépendante a un très bel avenir »

«Il est difficile d'anticiper sur les tendances, surtout pour un domaine comme l'hôtellerie qui est étroitement lié au contexte économique mondial. Je crois cependant très sincèrement que l'hôtellerie indépendante a un fabuleux avenir devant elle. D'une part, elle répond parfaitement aux besoins actuels de la clientèle qui recherche l'authenticité. D'autre part, elle a su se remettre en question en modernisant ses prestations et acceptant de travailler différemment. Prenons l'exemple du paiement de la commission aux agents de voyages encore inimaginable il y a dix ans.

Si elle parvient maintenant à résoudre ses problèmes d'endettement et réussit à accroître sa personnalité en proposant bon nombre de services de qualité, le tour est joué ! Ce d'autant plus facilement que s'offre aux hôteliers indépendants une occasion unique. Celle d'avoir une égalité de chances concernant les méthodes de réservation avec les chaînes intégrées via Internet. L'hôtellerie indépendante dispose là enfin d'un moyen rarissime d'être visible sur le marché international pour un coût très raisonnable. C'est une opportunité exceptionnelle pour les indépendants qui se trouvent dès lors, à égalité de chances avec les groupes.»

 

Internet et l'hôtellerie

Indépendants comme chaînes intégrées éprouvent aujourd'hui le besoin de commercialiser leurs produits à travers la planète toute entière. Ils font ainsi appel aux collectivités locales, aux agents de voyages, aux tour-opérateurs, aux GDS (Global Distribution Service) pour ne citer que les principaux. En fait, le souci majeur est de communiquer pour mieux se faire connaître, tant d'ailleurs auprès des différents acteurs du tourisme qu'auprès de la clientèle individuelle. Comment dans ce contexte ne pas s'intéresser à Internet ? Même si ce nouvel outil est loin d'être la panacée dépendant notamment de la réactivité des particuliers à s'équiper en informatique, il est indiscutable qu'Internet aura de grandes incidences sur le tourisme au cours des prochaines années. Actuellement d'ailleurs, quasiment toutes les chaînes hôtelières et de plus en plus d'indépendants sont présents sur le réseau.

En ce qui concerne les groupements volontaires, les Relais & Châteaux ont été précurseurs en la matière. «Il est évident qu'Internet se destine à un avenir brillant ! Nous sommes encore au stade des balbutiements en Europe comparativement aux Etats-Unis. Nous devons néanmoins impérativement nous familiariser avec cette nouvelle technologie afin de ne pas prendre de retard», explique Michel Bouquier, délégué général de la chaîne de luxe. Et d'ajouter : «C'est un outil de visibilité sur le marché mondial. Il permet, d'une part, de rajeunir notre clientèle tout en touchant des couches de consommateurs différents.» Les adhérents de Relais & Châteaux ont maintenant tous une boîte aux lettres électronique et une adresse Internet (lancé en février 1995). Le serveur enregistre des taux de consultation de plus en plus importants. De 77.000 pages consultées en décembre 1996, on est passé à 107.000 pages en janvier 1997. En terme de réservation, les résultats sont moindres puisque sur 5 à 15 demandes de réservations par jour, la moitié est seulement confirmée. Si l'on se réfère au développement des sites hôteliers aux Etats-Unis, tout porte à croire cependant que la situation devrait rapidement évoluer. En attendant, Relais & Châteaux travaille d'ores et déjà à la mise en place d'un site Intranet (interne à la chaîne) probablement opérationnel début 1998.

 

Jean-Claude Luttmann,
coprésident de Sphère International

«Le secteur va entrer dans une phase de rebond»

«L'intervention de l'Etat avec la mise en application de la loi Raffarin place l'hôtellerie dans une phase difficile. Il est clair qu'aujourd'hui construire de nouveaux établissement devient très coûteux. Le marché est donc en train de s'assainir. Mais très rapidement, nous allons entrer dans une phase de pénurie et le secteur va alors rebondir. Ce d'autant plus que la demande intérieure semble sensiblement frémir et que l'attrait touristique de la France n'est plus à démontrer. En 1996, les taux d'occupation de Formule 1 (280 unités en France) et d'Etap Hôtel (69) ont d'ailleurs d'ores et déjà grimpé atteignant 70,5% pour la première enseigne et 70% pour la seconde. A noter également qu'outre la reprise du marché domestique, l'ouverture de l'Europe va aussi sans aucun doute contribuer à multiplier échanges et déplacements.

Les perspectives sont donc bonnes pour l'ensemble des hôtels et en particulier pour l'hôtellerie économique. Rappelons en effet qu'en 1984, lorsque nous avons lancé Formule 1, 5 Français sur 10 ne dormaient pas à l'hôtel. Actuellement, on est passé à 4 sur 10. Autrement dit, l'hôtellerie économique a récupéré 10% de clientèle. Ce mouvement devrait se poursuivre au cours des prochaines années. Il faudra néanmoins que les produits soient parfaitement entretenus et les entreprises bien gérées.»


L'HÔTELLERIE n° 2500 Hebdo 6 Mars 1997

L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
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