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Licence IV

Cafés ruraux

Le réseau des Bistrot de pays prend de l'essor

En 1992, dans les Alpes-de-Haute-Provence, le Sivom du pays de Forcalquier inventait le concept de Bistrot de pays afin de redynamiser ses cafés ruraux. L'idée a fait son chemin dans d'autres départements et la création d'une association nationale est à l'étude.

m Chantal Béraud - Photos Jean Chazelle


L'enseigne des Bistrot de pays traduit à la fois chaleur et dynamisme.

Le constat de départ est simple : dans certaines petites communes rurales, le café constitue le dernier commerce, le dernier lieu de vie collectif encore ouvert à la population. Alors, pour les aider à subsister, le Sivom du pays de Forcalquier a mis au point, en 1992, le concept des Bistrot de pays. En 2000, 5 nouveaux établissements de Corrèze et 7 cafés du pays du Mont-Saint-Michel se sont ralliés à cette appellation. Durant toute l'année, leurs propriétaires s'engagent à respecter une charte de qualité, à servir de relais à l'information touristique et à promouvoir différents produits locaux. En échange, ils bénéficient d'un soutien financier, de journées de formation et de conseils en matière d'animations. Par exemple, en Corrèze, Sophie Laygue, chargée de mission au comité départemental des chambres économiques, explique que les cafetiers ont reçu une aide pour une modernisation thématique de leurs établissements par le biais de subventions attribuées par le conseil général et l'Europe. Cette aide était plafonnée à un montant de dépenses égal à 200 000 francs HT. Afin d'impliquer vraiment les propriétaires dans cette opération, 55 % du coût des travaux restait à leur seule charge. "En 2001, indique Anne-Marie Vallet, l'animatrice tourisme du Sivom de Forcalquier, nous espérons pouvoir mettre en place une association nationale regroupant tous les Bistrot de pays. Comme plusieurs responsables de pays (dans le Vaucluse, le Var, l'Ardèche...) planchent depuis longtemps sur le projet, je pense que d'autres baptêmes d'établissements vont avoir lieu prochainement." Le but serait de créer un lieu de rencontre et d'échange afin de promouvoir un véritable label national, dont la notoriété profiterait à chaque membre.
Pour que l'opération marche, il faut que les cafetiers soient à la fois des passionnés et des personnes-clés de leur commune.

Des patrons à forte personnalité
On s'en rend compte facilement en visitant le nouveau réseau qui a été inauguré l'été dernier en Corrèze. A Monceaux, face à la Dordogne, Maryse Guilhe est la reine de la place avec son bar-tabac-restaurant-épicerie. Elle vend aussi bien le petit bout de pain à la grand-mère du coin que le casse-croûte rapide à l'exploitant forestier. "Ici, plaisante-t-elle, il faut savoir tout faire et ne pas craindre les horaires... Des clients me téléphonent parfois à 8 heures pour savoir si le niveau d'eau de la Dordogne est favorable pour la pêche ! Mon café sert aussi de lieu de brassage entre les locaux et les touristes. L'inconnu qui rentre ici, on sait qu'on le connaîtra à sa sortie ! Un café rural, c'est comme ça. Et quand il disparaît, c'est le cœur et les poumons du village qui s'en vont..."

Savoir tirer profit du réseau
C'est parce qu'il se situe au cœur de la Haute-Corrèze, à Saint-Pantaléon-de-Lapleau (60 habitants), que Bruno Magnoux a choisi la forêt comme thème décoratif de son établissement. Un magnifique comptoir et un ciel de bar en bois, une chaleureuse cheminée crépitante accueillent le visiteur. "Depuis mon passage à la télévision, je reçois plein de lettres de gens qui rêvent de s'installer à la campagne, admet le patron en souriant. Mais ici, l'hiver, il faut tenir. On connaît une vraie vie rurale, avec sa dureté, son froid, son isolement. Pourtant, on y jouit aussi d'une qualité de vie inconnue ailleurs... Afin de survivre, j'espère qu'on va savoir tirer parti de la création du réseau. Si on s'entend suffisamment bien, on pourrait organiser des soirées à thème, se prêter du matériel, en tournant successivement les uns chez les autres. C'est nécessaire si on veut pouvoir travailler toute l'année, en faisant découvrir aux gens la Corrèze et tous ses micropays, comme un puzzle." Pour sa part, son confrère de Tudeuils, Christophe Canal, envisage déjà d'animer des sorties ornithologiques puisqu'il a décoré son bistrot sur le thème des oiseaux. "De mon côté, constate Marie-Rose Laroche (établie au Pescher), j'essaye de faire la promotion de tout ce qui m'entoure. Je conseille aux gens d'aller visiter telle ou telle exploitation agricole, de goûter aux meringues de la boulangère... Il faut savoir se relier à la vie locale. Les vacanciers sont contents qu'on leur parle du pays, surtout qu'il n'y a pas d'office de tourisme dans notre petite commune de 250 habitants." Afin de se faire connaître, Marie-Rose compte aussi sur la qualité de sa table, d'ailleurs alimentée par les produits de la boucherie-charcuterie de son mari ! Sa collègue de Lamazière-Basse, Marie-Claude Mallet, ajoute "qu'il faut aussi veiller à garder le cachet rural de tous ces bistrots". C'est d'ailleurs pourquoi elle a refusé d'appliquer certaines des idées décoratives de l'architecte afin "de rester rustique et de ne pas se transformer en musée". Quant aux retombées économiques que cette opération va au final pouvoir leur apporter, les différents patrons corréziens estiment qu'il est encore trop tôt pour en juger pleinement. "Depuis 1992, constate à ce propos Anne-Marie Vallet, malgré toutes les aides débloquées et toutes les retombées médiatiques, certains bistrots du pays de Forcalquier ont toujours du mal à survivre." C'est pourquoi l'avenir se jouera sûrement sur la capacité ou non de l'appellation à se transformer en un véritable label de qualité d'envergure nationale. n


Depuis plusieurs générations, chez les Laroche, les clients prennent l'apéritif au bistrot... avant de passer faire leurs achats à la boucherie du couple.


Installée en bordure de Dordogne, Maryse Guilhe sait aussi bien parler de pêche, de deltaplane que des délices du marché du pays.


Au Pivert, dégustation de produits locaux, concours de tarot, soirées salsa, country et folklore irlandais transforment l'endroit en un cabaret animé.


Le bois, âme de la Haute-Corrèze, est mis à l'honneur chez Bruno Magnoux.


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L'HÔTELLERIE n° 2714 Supplément Licence IV 19 Avril 2001


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