Assurance-vie
Malgré les changements récents de la fiscalité, un contrat d'assurance-vie demeure le meilleur placement pour transmettre une part de son patrimoine. Encore faut-il avoir parfaitement complété la clause bénéficiaire. Quelles sont les erreurs à ne pas commettre pour être certain que sa volonté sera respectée ?
Indiquer sur le contrat
d'assurance-vie le ou les bénéficiaires, en cas de décès du souscripteur, représente
certainement pour beaucoup d'entre vous l'exemple même de la formalité simple qui ne
prête pas à conséquence. On coche une des cases ou des lignes proposées sur le
formulaire de l'assureur sans se poser réellement de questions. Et pourtant, une
rédaction inadaptée peut avoir des effets différents de ceux recherchés.
Bien sûr, si l'on a écrit : "Je désigne Madame G. comme bénéficiaire",
peu de doutes sont a priori permis. Mais si en écrivant cette ligne vous souhaitiez que
votre épouse (Madame G. au moment de la signature du contrat) soit la bénéficiaire de
votre contrat et que, par hasard, vous divorciez après la signature de ce même contrat
et que vous vous remariez, ce sera néanmoins Madame G. qui percevra le capital de votre
assurance et non votre nouvelle épouse.
Si vous avez affiné votre formule et inscrit : "Je désigne comme bénéficiaire
Madame G. mon conjoint", cette fois Madame G. ne sera bénéficiaire que si elle
est toujours votre épouse au terme du contrat. S'il en va autrement (divorce ou décès
de Madame G.), le contrat sera considéré comme n'ayant pas de bénéficiaire désigné ;
son montant sera réintégré à la succession et soumis aux droits de succession, ce qui
est regrettable pour un produit dont l'objectif est justement d'échapper en totalité ou
au moins partiellement au paiement de tels droits. Votre éventuelle nouvelle épouse ne
pourra donc tirer aucun profit de votre placement.
Pour atteindre à coup sûr l'objectif souhaité, à savoir verser le capital à votre
épouse au moment de votre décès, il aurait fallu rédiger ainsi la clause
bénéficiaire : "Je désigne comme bénéficiaire, mon épouse...".
Prévoir l'avenir
Mais les formules les plus simples ne sont pas les meilleures quand les bénéficiaires
sont vos enfants. Ainsi, si vous n'indiquez comme bénéficiaires que vos enfants, vous
privez peut-être vos futurs petits-enfants du bénéfice de l'assurance.
Ainsi, si vous avez deux enfants, vous désignez comme bénéficiaire de votre contrat
d'assurance vos deux enfants à parts égales. Si par malheur votre fils meurt dans un
accident de voiture en laissant deux petits-enfants, et si vous n'avez pas pensé à
modifier la formule bénéficiaire, les sommes capitalisées sur votre contrat seront
versées uniquement à votre fille, ce qui n'est certainement pas ce que vous souhaitiez.
Pour qu'il en aille autrement, vous auriez dû rédiger la clause ainsi : "Je
désigne comme bénéficiaire mes enfants vivants ou représentés..." Ainsi, les
enfants de votre fils auraient perçu la part du capital qui aurait dû revenir à leur
père.
Autre erreur courante, pour éviter que le montant de l'assurance-vie ne soit réintégré
à la succession en cas de disparition du bénéficiaire, on en désigne plusieurs en
précisant le rang auquel ils peuvent prétendre recueillir les fonds. C'est ce que
prévoit la formule : "Je désigne comme bénéficiaire X, à défaut Y..."
Mais si X n'accepte pas de façon formelle, c'est-à-dire par écrit, le bénéfice du
contrat, et s'il décède avant vous, ce ne sont pas ses enfants qui hériteront mais Y.
Etait-ce vraiment ce que vous souhaitiez ?
Privilégier le testament
Mais d'après les notaires, quelle que soit la formule choisie et sa précision, elle est
dangereuse quand elle est écrite directement sur le contrat. Ils suggèrent plutôt de
préciser le bénéficiaire des contrats par testament.
En effet, si la désignation est faite dans le contrat d'assurance dès que le
bénéficiaire a manifesté son acceptation, le contrat devient définitif et il devient
impossible au souscripteur de modifier le nom du bénéficiaire, même en cas de divorce
par exemple. De plus, le souscripteur ne peut plus effectuer de rachats ou de retraits,
les fonds étant bloqués jusqu'à son décès.
Autre risque de la désignation du bénéficiaire dans la police d'assurance en cochant
simplement les cases pré-imprimées sans notification de nom précisé : l'assureur ne
pourra pas prévenir les bénéficiaires en cas de décès du souscripteur. Pour illustrer
ce fait, citons le cas de Monsieur X, parisien et veuf, père de deux enfants. Pendant son
veuvage, il vend son appartement parisien et investit le produit de cette vente dans un
contrat d'assurance-vie. Il coche alors comme bénéficiaire la case "mes
enfants".
Il part alors s'installer à Biarritz où il décède 15 ans plus tard. Si les enfants, à
qui il voulait faire une surprise, ne retrouvent pas le contrat souscrit par leur père,
le montant de l'assurance ne leur sera jamais délivré. Et même si l'assureur était
informé du décès de son assuré Monsieur X, il aurait beaucoup de difficultés à
retrouver ses héritiers, le contrat étant immatriculé à l'ancienne adresse parisienne
de Monsieur X. D'après les notaires, la solution idéale est donc de désigner le ou les
bénéficiaires de ces contrats dans un testament, ce qui permet d'éviter une acceptation
inopportune de l'un d'entre eux, de les modifier éventuellement et surtout d'avoir la
certitude que les contrats seront bien délivrés. En fait, n'est-ce pas ce que l'on
souhaite en souscrivant un contrat ?
M. C. Barbier
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L'HÔTELLERIE n° 2666 Hebdo 18 Mai 2000