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Guy Thivard tire sa révérence

Chef de La Pyramide à 23 ans, Guy Thivard a passé un quart de siècle au piano, aux côtés de Mado Point qui l'avait choisi pour succéder à Paul Mercier. En 1989, lorsqu'il a dû infléchir sa trajectoire professionnelle, il n'a pas quitté Vienne, devenant professeur au lycée hôtelier. A soixante ans, il vient de faire valoir ses droits à la retraite...

Pour l'essentiel sa vie s'est déroulée à Vienne, dans le périmètre restreint délimité par le boulevard de la Pyramide - aujourd'hui boulevard Fernand Point - et le quai Frédéric Mistral, à quelques centaines de mètres de là. Guy Thivard n'a pas l'âme d'un grand voyageur... mais il a vu le monde entier défiler à La Pyramide dont il a tenu les fourneaux pendant près d'un quart de siècle.
A quinze ans, il rêvait déjà du métier de cuisinier dont il n'avait pourtant qu'une vision un peu floue. Ses parents tenaient un petit café-restaurant à Sainte-Foy-l'Argentière, mais il est difficile d'imaginer qu'il était alors question de haute gastronomie.
Au cœur de l'été 1954, il "descend" à Lyon en apprentissage au restaurant Chez Juliette. Michelin vante son ambiance lyonnaise et le cote à deux étoiles.
Jean Vignard est maître en cuisine. Petit gabarit, l'œil vif, il arbore un nœud papillon et revêt toujours un long tablier blanc descendant jusqu'aux chevilles. La gamme est classique : filets de sole, volaille à la crème, rognons "maison". Pour les apprentis qui ont la chance de décrocher une place en cuisine, la maison prend des allures de conservatoire. Fernand Point a ses habitudes et vient déjeuner là tous les mardis. En retour, Juliette et Jean Vignard sont tous les dimanches à Vienne.
"Ma mère faisait bien à manger et j'ai eu la chance que l'on me présente à Jean Vignard", remarque Guy Thivard. Alain Chapel, né comme lui en 1939, est apprenti rue de l'Arbre Sec. Pendant deux ans, les gamins partageront la même chambre et quelques confidences. Tous deux attendront un an avant de s'approcher des fourneaux, parce que Jean Vignard a décidé qu'il en était ainsi et qu'il fallait savoir patienter. "Nous restions derrière la table sans toucher aux sauces. Alors, après un an, on se battait pour toucher une casserole", témoigne-t-il.

24 ans à La Pyramide
Alors qu'Alain Chapel met le cap sur Vienne, Guy Thivard reste à Lyon où après quatre ans, il termine aux poissons. Jean Vignard est toujours au piano. Il y restera jusqu'à l'âge de 68 ans avec pour dernier apprenti, un certain Pierre Gagnaire !
Lorsqu'au printemps 1958 Guy Thivard arrive à La Pyramide, Fernand Point est mort depuis trois ans. Paul Mercier dirige la cuisine. Il a travaillé avec Jean Vignard au Pavillon d'Ermenonville et sait le sérieux de sa formation. Il prend Thivard sous sa protection. Mado Point apprécie elle aussi le nouveau venu. Au point qu'au lendemain même du décès brutal de Paul Mercier, elle le convoque dans son bureau pour lui demander de prendre le relais.
A 23 ans, Guy Thivard pouvait-il imaginer cadeau plus empoisonné ? "Au départ je pensais que la situation était provisoire. Elle a duré vingt-quatre ans. Je ne me suis pas rendu compte de la responsabilité, la brigade était en place et je connaissais les fournisseurs. J'aurais pu monter mon restaurant... mais j'aimais beaucoup Madame Point et je me sentais en famille. Rester dans l'ombre ne m'a jamais posé le moindre problème", raconte Guy Thivard.
La vie s'écoule donc. La Pyramide reste une adresse mythique où de nombreux jeunes cuisiniers viennent faire leurs classes (1). Le guide Michelin garde sa confiance à l'établissement avec trois étoiles jusqu'au décès de Mado Point en 1986.
A cette époque, l'avenir du restaurant s'inscrit en pointillé... jusqu'à son rachat par Dominique Bouillon en 1989. Un an plus tard, Guy Thivard quitte la maison pour le lycée hôtelier tout proche et un poste de professeur de cuisine. "J'enseignais comme je sentais les choses, comme un cuisinier. C'est une autre époque. Jadis on ne comptait pas les heures ou les week-ends. Aujourd'hui, les jeunes ont d'autres aspirations. Certains restent très motivés même s'ils s'aperçoivent que c'est un métier dur."
Guy Thivard n'a jamais regretté de l'avoir choisi. A l'heure où la retraite se profile à l'horizon, il veut simplement se souvenir qu'il a fait "un beau parcours dans une ambiance formidable" et qu'il a "rencontré des gens d'exception".
A soixante ans, il va tourner la page. De Vienne où il réside, aux Gorges de l'Ardèche où il possède un petit pied-à-terre, il s'occupera d'une famille à laquelle il n'a pas toujours sacrifié le temps nécessaire. Il fera la cuisine "pour le plaisir" et la tournée des copains, avec une foule de souvenirs à évoquer !
J.-F. Mesplède

(1) On peut citer Jean Banchet, Georges Perrier, Jean Aulibe, Claude Ripert, René Dury, Jacky Marguin, Patrick Fer, Gervais Lescuyer, Bruno Chavancy, Bernard Moreno, Michel Rubod, Georges Paquet, Daniel Léron, Yves Champeley, Guy Lassausaie, Jacques Caron, Philippe Girardon et Guy Belle.

Jean-Louis Georges

Guy Thivard, professeur au lycée hôtelier de Vienne avec Yannick Vrigneau, Jean-Paul Penin et Eric Jugal. Y. Bécam


Aucun regret pour Guy Thivard au terme d'une carrière bien remplie.


En 1962, Mado Point fit le choix de Guy Thivard pour remplacer Paul Mercier. Il sera chef pendant 24 ans

Les dates-clés de Guy Thivard

6 avril 1939 :
Naissance à Saint-Pierre-la-Palud dans le Rhône.

15 juillet 1954 :
Entrée en apprentissage chez Jean Vignard.

14 mai 1958 :
Entrée à La Pyramide à Vienne (Isère).

Mariage avec Michelle avec qui il aura deux enfants.

16 mars 1962 :
Chef de cuisine de La Pyramide.

2 septembre 1990 :
Professeur de cuisine au lycée hôtelier de Vienne.

31 août 1999 :
Dernier service avant la retraite.


L'HÔTELLERIE n° 2616 Hebdo 3 Juin 1999

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