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Hôtellerie l La communication des chaînes hôtelières

Les chaînes commencent à aimer la publicité

Jusqu'à présent peu encline à communiquer, l'hôtellerie en France s'est convertie à la publicité. Si les volontés sont de développer notoriété et image, les différents acteurs ne choisissent pas les mêmes chemins pour y parvenir. Et on montre rarement le produit.

L'hôtellerie s'est toujours beaucoup méfiée de la publicité et a historiquement peu investi dans ce domaine. Pourtant, même si les grands groupes hôteliers restent les principaux annonceurs publicitaires d'aujourd'hui (alors qu'Accor se défendait d'y croire franchement jusqu'au début des années 90), tout le secteur hôtelier est à présent concerné. Ainsi, depuis le début des années 90, hormis les indépendants, les chaînes, qu'elles soient intégrées ou volontaires, se sont massivement ouvertes à la publicité. Sur les 101 chaînes présentes en France en 1998, 53 avouaient avoir réalisé une campagne publicitaire en 1997 (soit 52% des chaînes volontaires et 53% des chaînes intégrées). Ces chiffres sont sensiblement les mêmes que ceux de l'année précédente. Bien sûr, les investissements sont extrêmement hétérogènes, variant de quelques dizaines de milliers de francs pour certaines petites chaînes - pour une diffusion par voie de presse généralement - à
21 millions de francs pour Campanile par exemple, qui utilise tous les principaux médias. Ce sont les années 1994 à 1996, période de vaches maigres pour l'hôtellerie, qui ont connu paradoxalement les plus gros budgets consacrés à la publicité, avec des investissements, tous médias confondus, atteignant les 140 millions de francs pour le secteur hôtelier, selon Secodip. L'année 1997, bien meilleure pour la profession, marque un léger recul du montant des investissements. Quand les hôtels ont plus de clients, ils se sentent moins encouragés à communiquer.

Deux stratégies différentes pour un budget identique

En outre, le marketing direct prend de plus en plus de parts de budgets sur la publicité. La tendance générale, tous secteurs d'activité confondus, confirme d'ailleurs ce phénomène, plus des 2/3 des budgets communication étant aujourd'hui investis par les entreprises dans le hors-média. Les nouveaux procédés d'échange marchandise (séjours offerts contre des visuels et une présentation en voix off de l'hôtel) et de parrainage d'émissions en télé et en radio ont également séduit un certain nombre d'annonceurs. Cela leur a permis, pour un coût beaucoup moins élevé, d'être présents sur ces médias et avec un impact auprès du public différent de celui offert par les traditionnels « écrans publicitaires ». Si le but final - d'augmenter le TO des hôtels - est commun à toutes les chaînes, les stratégies utilisées et les campagnes réalisées semblent différer selon les uns et les autres. Quoi de plus normal. Ainsi, Première Classe et Logis de France ont eu le souci d'un manque de notoriété ; elles lancent donc de la pub pour se faire connaître. Mais les techniques utilisées sont bien différentes pour un budget quasi équivalent : un peu plus de 4 millions de francs pour Logis de France et 4,5 millions pour Première Classe. Première Classe a ainsi choisi la presse comme média principal. "Nous avons une clientèle large, nous avons donc choisi les magazines grand public comme TV Magazine, Télé Z, Notre Temps ou L'Equipe Mag", explique Brian Rowe, responsable marketing chez Envergure.

Combat pour l'image

Si Première Classe consacre les 2/3 de son budget pub à la presse, le tiers restant est destiné à l'affichage. Georges Lewi de Géodis Conseil, agence mandatée par la chaîne pour sa campagne de pub, affirme que "l'affichage est le média de notoriété par excellence". Les Parisiens ont ainsi pu voir les affiches de Première Classe sur les bus et des pendentifs dans toutes les rames de métro en avril dernier. Georges Lewi explique que la création du visuel est "le résultat du diagnostic de la marque" : elle jouit d'un très bon rapport qualité-prix, sa couleur jaune est identifiante (de l'hôtellerie économique) et la montée d'escaliers extérieurs constitue un plus architectural, un symbole de liberté. "Le potentiel semble positif, même s'il n'est pas très sexy, mais la notoriété de Formule 1 (principal concurrent) est beaucoup plus grande". Il faut donc communiquer sur "la qualité objective, c'est- à-dire le produit" explique Georges Lewi. Le visuel de Première Classe fait ainsi apparaître en toile de fond l'hôtel avec son escalier extérieur caractéristique en mettant en scène des personnages (étudiants, familles, retraités) heureux et "rigolos, pour rendre le produit plus sympa". Le prix, principal attrait de ce type d'hôtels, est évidemment aussi mis en avant. Première Classe est ainsi une des seules chaînes à avoir choisi de montrer véritablement son produit pour sa campagne de pub.

Logis de France peaufineson image

A l'inverse, Logis de France communique uniquement sur son guide. "C'est l'élément fédérateur des 3.700 établissements de la chaîne," explique Hélène Saint-Loubert de l'agence Grenade, qui s'occupe depuis 2 ans de la campagne de la célèbre chaîne volontaire. "En fait, Logis de France souffre d'un gros problème de notoriété par rapport à la puissance en nombre d'hôtels de la chaîne ; les objectifs de la publicité sont donc de développer la notoriété et de donner une image forte à Logis de France ", ajoute-t-elle. "Nous avons choisi d'utiliser la télévision, sous forme d'échanges marchandises et de parrainages d'émissions sur France 2 et France 3", annonce Véronique Surcouf, chargée de communication chez Logis de France. Le parrainage consiste simplement en une mise en scène du logo - "dans une ambiance fraîche, dans un espace nature," souligne Hélène Saint-Loubert - au début et à la fin d'une émission. Les dotations permettent de montrer le guide et quelques images d'hôtels, "alors que la publicité pour l'édition est interdite à la télévision pendant les écrans publicitaires traditionnels," précise Hélène Saint-Loubert, qui affirme par ailleurs que "la télé est essentielle pour l'impact qu'elle a, c'est un excellent vecteur de notoriété". La chaîne aurait d'ailleurs vu sa notoriété doubler en 2 ans, depuis qu'elle "fait de la télé".

Le guide comme élément fédérateur

Véronique Surcouf estime ainsi que la pub s'adresse à un public large et qu'elle doit ensuite être complétée par des actions ciblées, "par du marketing direct et de l'animation". "Mais la télévision développe la notoriété et pas l'image", continue Hélène Saint-Loubert. La chaîne réalise donc également une campagne annuelle d'affichage (en France entière, sous abribus) utilisant un visuel qui représente une jeune femme avenante qui fait du vélo avec le guide Logis de France sur son porte-bagages. L'histoire est ainsi suggérée, "c'est très subjectif, on peut s'imaginer des vacances en famille, un week-end en amoureux... ", l'objectif étant de moderniser l'image et de rajeunir la clientèle : la cible est en fait les jeunes couples citadins. L'agence insiste sur le fait que la communication s'inscrit dans le cadre actuel du grand courant vert, le côté retour à la nature. Hélène Saint-Loubert défend son choix de ne pas montrer les hôtels dans la pub - qui s'explique également par la diversité des types d'établissements, tous uniques - par le fait que le but est de "créer une image. Et il n'y a rien de pire pour développer une image dans l'esprit des gens que de montrer la réalité". Un avis que ne partagent pas tous les experts en communication. Là est bien le problème. Hormis la signature et le logo, les publicités pour les chaînes hôtelières sont souvent interchangeables et manquent de caractère et d'identité. La communication de Logis de France, comme pour toutes les chaînes volontaires, se doit, il est vrai, d'être assez générale pour correspondre à tous les hôtels de la chaîne. Elle peut difficilement s'appuyer sur le produit comme l'affirme Hélène Saint-Loubert : "De plus en plus, les chaînes intégrées ont une politique de service très précise et une politique de prix uniforme. Ce n'est pas le cas de Logis de France pour qui la communication produit n'est pas possible."

Mercure : communiquer sur la valeur ajoutée

Mercure va encore plus loin et essaie de se démarquer avec sa campagne "Les clés de la ville". Cette campagne "s'inscrit dans un concept global mis en place par la chaîne en 1995, par rapport au positionnement des hôtels Mercure qui sont situés en centre-ville généralement, qui sont bien implantés dans la ville et qui sont tous différents", explique Nathalie Hakimian du service marketing de Mercure. "Le client qui se déplace à Strasbourg pour raisons d'affaires ou raisons privées choisit d'abord d'aller à Strasbourg avant de choisir Mercure. On lui offre un service qui est une ouverture sur la ville, on s'engage à lui faciliter la ville, c'est notre valeur ajoutée." On peut se demander néanmoins quel est l'intérêt de communiquer uniquement sur la valeur ajoutée de l'hôtel - la chaîne n'ayant pas souhaité s'exprimer sur sa campagne de pub en elle-même. D'autant que le budget total en 1997 atteignait 16 millions de francs. La publicité, diffusée principalement en presse et TV et créée par l'agence Publicis Etoile, fait en effet complète abstraction du produit hôtelier, pour ne s'attacher qu'au service additionnel offert. Pourtant, c'est une situation habituelle quand la marque est connue du grand public.

On ne montre pas le produit

On remarque aussi que beaucoup de campagnes de publicité d'hôtels et de chaînes hôtelières ne montrent ou ne rappellent jamais le produit alors que l'enseigne a une notoriété faible et une image inconnue. La chambre d'hôtel serait-elle devenue si commune qu'il ne faille pas la montrer... Les hôteliers ne seraient donc pas fiers de leur produit ? Ou simple volonté créatrice des publicitaires ?... La récente campagne de pub d'Hilton - principalement diffusée aux Etats-Unis - montrant John Lennon et Yoko Ono dans leur lit de lune de miel, par exemple, ou autres célébrités à l'intérieur des hôtels de la chaîne, et laissant une large part au décor, est peut-être un élément de réponse. D'autant que la chaîne affirme avoir attendu 35 ans pour lancer sa première pub car elle voulait "une campagne que personne d'autre ne pouvait mener". A méditer...

N. Peinnet

Répartition par média des investissements de l'hôtellerie
dans la publicité (en millions de francs)

Les investissements publicitaires de l'hôtellerie
en millions de francs


L'HÔTELLERIE n° 2591 Supplément Économie 10 Décembre 1998

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