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Rencontre entre Gérard Guy, président de la CPIH et le magistrat Bertrand Riou

Vie professionnelle - mardi 16 novembre 2010 12:52
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Bordeaux (33) Sous-préfet, directeur de cabinet du préfet de la Sarthe de 1993 à 1998, Bertrand Riou est à l’origine, avec le président départemental du syndicat à cette époque, Jean-François Girault, de la fameuse ‘heure blanche’. Une ouverture prolongée des discothèques durant laquelle la vente d’alcool cesse. Un ‘sas’ intelligent avant de reprendre son véhicule… Premier conseiller auprès du Tribunal administratif de Bordeaux depuis 1999, spécialiste du droit fiscal, enseignant en droit public, l’homme a accepté d’intervenir sur deux sujets qui fâchent, le contrôle fiscal et la fermeture administrative, lors des congrès 2009 et 2010 de la CPIH. Gérard Guy, président national de la Confédération, était récemment dans la capitale girondine. L’occasion d’une nouvelle discussion.



Gérard Guy et Bertrand Riou dans l'enceinte du Tribunal adminstratif de Bordeaux.
Gérard Guy et Bertrand Riou dans l'enceinte du Tribunal adminstratif de Bordeaux.

Gérard Guy : Beaucoup de professionnels ont la sensation d’être démunis face à une fermeture administrative.

Bertrand Riou : La loi s’applique à tout le monde, le préfet est tenu de respecter la loi. Il y a deux ans, quelqu’un est venu me voir qui tenait un bistrot. Un client a bu un verre chez lui et plus tard dans la nuit, il décède.   On lui tombe dessus et le voici menacé de fermeture administrative. Je lui ai dit de m’amener les éléments du dossier et que nous allions contester. Et puis plus rien. Quand je lui ai demandé pourquoi il ne bougeait pas, il m’a dit qu’il n’osait pas, il était terrorisé d’aller devant le tribunal. Alors qu’il pouvait éviter cette fermeture.

G. G. : Y a-t-il beaucoup de fermetures administratives dans votre région ?

B. R. La fermeture administrative est une mesure de police, qui reste dans l’ensemble exceptionnelle. Les contentieux qui touchent l’hôtellerie, le café, la restauration sont souvent très techniques et qui n’apparaissent que très peu au plan judiciaire. Nous sommes dans une région d’accueil touristique. Il y a beaucoup de saisonniers et qui fonctionnent dans des conditions de flux tendus. C’est peut-être là où l’on va trouver davantage de contentieux…  Vous savez, la procédure de fermeture est une procédure contradictoire. Normalement, il y a deux stades. Le premier permet d’agir quand il est encore temps. N’oubliez pas que le préfet est obligé de recueillir des éléments… S’il y a urgence, si on vous menace d’une fermeture dans les jours qui arrivent, vous pouvez aussi agir en référé. Un référé va entraîner dans les 48 heures une décision du juge qui sera gratuite et qui peut bloquer la mesure. Sans aller jusque là, une bonne défense devant un préfet, appuyée par quelques jurisprudences, permet d’agir avant que le mal ne soit fait. Le préfet est tenu de mettre le futur sanctionné en état de présenter sa défense et cela demande un minimum de temps. Dans sa lettre de motivation, le préfet doit dire ce qu’il reproche de manière précise. Voilà les faits, voilà sur quoi je me fonde et si il ne le fait pas la procédure est viciée. A supposer que la mesure intervienne, on ne s’arrête pas là pour autant. Si la sanction est injustifiée, il y a préjudice. Le débitant doit alors faire une demande en réparation. Il ira devant un juge qui sera amené à constater qu’il a préjudice en terme d’image ou d’activité, et il y aura réparation. 

G. G. : Certains ne bougent pas parce qu’il ont peur qu’il y ait d’autres retombées, comme un contrôle fiscal.

B. R. : Vous savez, les gens des impôts ont l’esprit suffisamment indépendant. Le contrôle fiscal répressif, si j’ose dire, existe vraisemblablement au niveau ministériel mais je n’y crois pas au niveau d’un département. Les directeurs des services fiscaux tiennent à leurs prérogatives et ne se laissent pas influencer. Le fisc reste une administration qui est un peu à part.

G. G. : Il y a pourtant fréquemment un contrôle fiscal derrière un contrôle d’Urssaf. Avec, dans certains cas, des inspecteurs pointilleux et qui manquent parfois d’impartialité. 

B. R. : L’Urssaf et les impôts sont proches. Leurs inspecteurs travaillentsouvent main dans la main. On voit d’ailleurs des brigades mixtes, qui débarquent en même temps. En revanche, je ne crois pas au Préfet qui va demander d’aller chez quelqu’un juste par réaction. Un directeur va répondre qu’il n’est pas là pour enquiquiner les gens mais pour vérifier des choses précises. Je crois que l’objectivité existe.  L’administration on est là pour défendre une certaine idée du contrôle… Il faut démystifier ce qui n’a pas lieu d’être et dire aux gens qu’il ne faut pas avoir peur de l’administration. Elle est autant que vous soumise à la loi.

G. G. : Notre rôle à nous, organisation syndicale, est d’informer nos adhérents sur leurs devoirs. Beaucoup d’entre eux, il est vrai, ne connaissent ni leurs droits, ni leurs devoirs. Je pense au planning. On le voit lorsqu’il y a séparation entre les deux parties, tout de suite le salarié pointe du doigt des heures supplémentaires. Or, pour se prémunir, il suffit au patron d’une feuille de papier qu’il affiche avec les noms et les horaires et de faire signer au fur et à mesure les personnes concernées. Le drame de nos entreprises, c’est qu’on doit tout faire, être chef du personnel, cuisinier, serveur. 

B. R. : La France est un pays qui est très attaché au droit écrit. Il y a deux grands courants, l’oralité, c’est-à-dire le courant anglo-saxon, plus pragmatique, qui évolue. Et le droit romain, qui se fonde sur l’écrit. Dans ce sens, on peut dire que les procédures représentent quelque chose d’important. Prenez le secteur fiscal, il y a le code général des impôts qui est le premier parpaing et à côté de lui, il y a le livre des procédures fiscales dont l’épaisseur en dit long sur l'importance des procédures. En droit pénal, c’est la même chose. Les pénalistes ont cette formule que j’apprécie : la forme (de la procédure) est la sœur jumelle de la liberté. Evidemment, une vérification de comptabilité, par exemple, est une procédure extrêmement invasive et l’on comprend qu’elle peut créer des traumatismes, on vient chez vous, on détaille votre gestion. Mais ce sont des prérogatives, des pouvoirs, que les agents n’exercent pas de manière arbitraire. Il existe la charte du contribuable et le représentant de l'administration devra préciser les choses qu’il vient voir. L’exploitant pourra également se faire assister par la personne de son choix. Il y a toute une procédure à suivre. Et nous, juge du tribunal administratif, nous la percevons comme une procédure protectrice. C’est une garantie pour le contribuable…. Bien sûr, qui dit procédure dit règles, et il faut obligatoirement connaître ces règles, être initié, se former, être conseillé.

G. G. : Il y a une judiciarisation qui est quand même assez inquiétante en France.

B. R. : La justice, chez nous, est "inquisitoriale". Le terme vient du latin et veut dire enquête. En France, le juge a des pouvoirs et il peut contraindre une partie. En ce qui concerne le phénomène de judiciarisation de la société, on le constate tous les jours. Depuis 12 ans que je suis dans ce tribunal, j’ai vu croître le contentieux de manière régulière. Quand je suis arrivé, nous étions 13 magistrats et aujourd’hui nous sommes 28... dans le contexte de rigueur budgétaire que nous connaissons actuellement, on peut imaginer que les 15 magistrats supplémentaires n’ont pas été recrutés pour se tourner les pouces.  Je cite souvent cet exemple à mes étudiants. Il y a eu cette affaire de discothèque absolument dramatique où beaucoup de jeunes sont morts parce qu’ils sont restés bloqués par une porte tambour… La France a été traumatisée par ce drame mais après quelques jours, les choses se sont arrêtées là. Des années plus tard, lors des inondations de Vaison la Romaine, on a vu à la télévision, peu après, un juge d’instruction qui allait réveiller une vieillard. C’était le préfet du Vaucluse en 1963, à l’époque où avait été établi le premier plan de prévention les risques. Il venait le mettre en examen. Avant, les gens étaient beaucoup plus fatalistes. Aujourd’hui, il y a le droit objectif d’une victime à réparation et la recherche d’un responsable… C’est une évolution sociologique.
Propos recueillis par Sylvie Soubes

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