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Didier Chenet "un apprenti ou un stagiaire n'est pas de la main d'oeuvre à pas cher"

Vie professionnelle - lundi 12 avril 2010 10:31
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75 - Paris La société est dans une situation économique complexe, qui nécessite d'importantes remises en question. Le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, vecteur d'emplois, doit encore revoir certaines choses pour s'inscrire résolument dans l'avenir. Didier Chenet, président du Synhorcat, et Jean-Hervé Lorenzi, économiste, apportent leur éclairage.



Didier Chenet et Jean-Hervé Lorenzi.
Didier Chenet et Jean-Hervé Lorenzi.

Didier Chenet : Nous ne faisons plus du syndicalisme comme il se faisait avant. C’est la même chose pour les hommes politiques. Nous devons être dans l’efficacité. L’heure de la tasse de thé, c’est terminé. Nous devons être en action et non pas en réaction. Il faut que nous travaillions en lobbying avec les pouvoirs publics, avec l’Education nationale. Un syndicat doit être présent dès le commencement… D’autre part et c’est très français, quand on fait l’analyse d’un secteur, on veut compartimenter les gens. C’est la guerre des gros contre les petits… Cette soi-disant guerre n’existe pas. En revanche, il y a un problème. Nous ne défendons pas la même chose. Le Synhorcat défend les entreprises patrimoniales et indépendantes. En face de nous, il y a des groupes, qui participent et concourent à ce métier. Mais ces entreprises sont tenues par des financiers. L’hôtellerie et la restauration ne sont qu’un moyen de satisfaire leur busines, qui est un busines financier. Ce n’est pas péjoratif, c’est comme ça. Nous, nous nous inscrivons dans une ligne à moyen et long terme. Il y a transmission d’un patrimoine et d’un savoir-faire. Eux s’inscrivent de plus-value, de cession. On le voit concernant certains groupes, hôteliers ou de restauration, qui sont des stratégies en zigzag, parce qu’ils changent d’actionnaires. Il n’est pas question de monter au créneau contre les chaînes, mais nous devons montrer qu’on est meilleur qu’eux.

Jean-Hervé Lorenzi : Aujourd’hui, nous sommes placés dans une situation de difficulté économique qui est loin d’être terminée. Il faut bien comprendre que toutes les actions,  y compris les contreparties à la baisse de TVA, doivent être regardées à l’aune d’un changement de l’économie mondiale sans précédent. Il faut bien comprendre que le monde tel qu’il sortira de cette crise, dans trois, quatre ou cinq ans, aura des traits extrêmement différents de ce qu’on a connu. On sera passé d’un monde à un autre. Les changements seront de trois natures. D’abord, les personnes, les sociétés, auront un besoin de recouvrer des racines. Les restaurants, les bistrots tiennent une place importante dans le patrimoine. Il n’y aura pas besoin de décision politique à ce stade. La tendance sera partout au recentrage. La société aura besoin de référents, de lieux, d’environnements compréhensibles. Et il est certain que dès à présent pour devez mettre en avant le patrimoine incontestable que vous représentez. Quand vous demandez à un américain qui a visité la France qu’est-ce qui l’a marqué. La plupart du temps, il parle des terrasses, ces centaines de terrasses qui font le charme du pays. Deuxième point : nous allons vers un développement ‘entreprenarial’ même si la situation est complexe. La volonté d’entreprendre est extrêmement forte chez les jeunes. Troisièmement, nous allons avoir une forte montée du chômage des jeunes. Cette difficulté a de nombreuses racines et ce doit être la première préoccupation de la société française. Le chômage des jeunes est partout et pas seulement dans les quartiers sensibles. L’effort de nos générations doit être général. Nous avons fermé notre marché du travail, notamment par notre système de formation, à toute une jeunesse et c’est une erreur absolue. Il faut absolument rouvrir le jeu. Pour cela, la formation, l’apprentissage, l’accueil sont des clés essentielles à mettre en œuvre. Il est important de revoir le problème des stagiaires. L’idée qu’on ne paye pas des gens qui viennent travailler est stupide. 

D. C. : C’est toute une évolution sur laquelle nous devons travailler et que nous devons accepter. Il y a d’autres façons de voir et d’aborder le dialogue social comme l’intégration des jeunes. C’est notre combat, un apprenti ou un stagiaire n’est pas de la main d’œuvre à pas cher.

J.-H. L. : Il se trouve que notre génération a soigneusement verrouillé tout dispositif, de manière à protéger les gens qui ont le job. Nous sommes à des années lumières de ce qu’il faut faire. C’est toute une mentalité qu’il faut changer. Un pays qui n’investit pas dans ses jeunes est un pays qui se meurt. Le CPE n’était pas très adroit, mais il posait une question légitime. La société française est très curieuse sur ce plan. Les jeunes sentent bien qu’ils ne sont pas accueillis comme ils devraient l’être et les vieux sont culpabilisés. Tout le monde se trouve en posture. Les jeunes parce qu’ils voient que ce monde n’est pas fait pour eux, qu’on ne les accueille pas avec bonheur. Et les vieux parce que ces fameux jeunes, ce sont leurs enfants. Et qu’ils sont directement concernés. Je crois que le sujet n’est pas de résoudre les problèmes d’un coup de baguette magique, il est de montré qu’on a compris le sujet et qu’on va essayer, peut-être sur deux, trois, ou quatre ans, de régler les choses. Nous sommes dans un pays qui se laisse toujours emporté par ses peurs ou ses coups de cœur. Nous avons du mal à traiter un sujet avec sérénité. Or, l’hôtellerie et la restauration font partie des vecteurs d’activité qui peuvent et doivent apporter des réponses. Ce sont en outre des lieux de convivialité et de présence.

D. C. : Quel jeune ne sera pas venu dans notre métier ne serait-ce que pour gagner sa vie d’étudiant ? Nous sommes un secteur d’insertion, mais aussi d’aménagement du territoire. Nous avons signé un accord social qui nous place dans l’avenir. Aujourd’hui, si nous voulons nous vendre dans le bon sens du terme, nous devons avoir les organisations de salariés avec nous. Nous devons travailler ensemble. Il faut qu’on évolue vers le modèle social à l'allemande. Bâtir des relations sociales sur autre chose que des invectives. Nous avons besoin de nos collaborateurs et ils ont besoin de nous…. Nous avons voulu prendre des mesures emblématiques. Désormais, il n’y a plus de smicards chez nous. Quant à l’apprentissage, qui est pourtant la voix royale, on s’aperçoit qu’il y a encore beaucoup de travail. Alors que nous sommes, nous, un métier d’ouverture, nous constatons la mobilité de l’apprentissage est freinée par un tas d’éléments. Celle n’est pas favorisée en France. A l’échelon européen, les apprentis ne peuvent pas bénéficier du système Erasmus. C’est absurde. Parce qu’on est apprenti on ne peut pas faire d’expérience dans d’autres pays.

J.-H. L. : Nous devons rendre les choses plus ouvertes que par le passé. Nous rentrons dans une situation compliquée. Aucun des problèmes mondiaux n’est seulement compris. Les gens qui ont des décisions à prendre sont tétanisés. Tout le monde est très perplexe…  Vous avez cette crise financière mondiale avec un passage d’activité de l’est vers l’ouest. Les matières premières font l’objet d’une bagarre très importante. Nous confrontés à beaucoup de sujets simultanément. On ne sait pas bien où on va aller et on a peur. Qu’est-ce qu’il y a derrière un accord ? Pour qu’un accord soit positif, il faut de la confiance… La crise a cette vertu bénéfique qu’elle oblige à remettre tout à plat. Il ne faut pas se référer au passé, mais changer l’espace des jeux de la discussion.
Propos recueillis par Sylvie Soubes

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