Gérald Passédat plonge dans la Méditerranée

Marseille (13) Le chef 3 étoiles Michelin du Petit Nice à Marseille (13) confie ses secrets, ses passions et ses recettes pour la première fois dans un livre absolument magnifique. Rencontre.

Publié le 02 octobre 2013 à 16:20

Quand avez-vous su que vous vouliez devenir cuisinier ?

Mes parents ont eu la bonne idée de m'emmener très jeune à de grandes tables. Le déclic a eu lieu pour moi chez Alain Chapel [La Mère Charles à Mionnay, dans l'Ain, NDLR]. Entre la classe de l'homme, l'esprit assez monacal de l'endroit et sa cuisine, notamment sa Nage de crustacés qui m'a subjugué, j'ai su que je voulais avoir 3 étoiles Michelin un jour. J'avais 12 ans. Cela devait déjà me titiller avant, mais ce jour-là, c'est devenu une évidence. À cette époque, en 1972, ce monsieur avait une créativité tout à fait à part. À 16 ans, je suis entré à l'École hôtelière de Nice.

S'il ne fallait retenir qu'un plat parmi vos créations ?

Le Homard abyssal, créé en 2007. C'est le résultat de la transformation d'un plat, un consommé de homard au gingembre qui ne me plaisait plus. J'ai décidé, entre autres, d'y ajouter de la mauve, en hommage à ma grand-mère. C'est ce qui donne sa superbe digestibilité et surtout cette couleur abyssale, une couleur anti-culinaire. C'était un défi. Au début, les clients ont eu du mal à comprendre. Avec ce plat, on a l'impression de plonger dans la Méditerranée. Aujourd'hui, je le remets de temps en temps dans des menus spéciaux.

Quel est le plat best-seller à votre carte ?

Le Loup Lucie Passédat. C'est le premier plat que j'ai mis au point et je voulais faire plaisir à ma grand-mère. Je voulais lier la terre et la mer dans l'assiette. Ce plat a évolué au fil des années. Du poisson entier farci, on est passé aux tronçons, truffes du Ventoux, courgettes, concombre… et la base Lucie faite minute. Mon souhait était de réaliser un poisson que l'on mange à la cuillère. Ce plat reflète à la fois la Provence et la Méditerranée. Il marche toujours très bien. Il fait partie de mon identité et il est inscrit dans le Menu Passédat. Mais je n'avais pas encore compris qu'il fallait travailler et défendre les poissons oubliés.

Le plat que vous auriez aimé inventer ?

La Nage de crustacés d'Alain Chapel. Les nages aux saveurs délicates, j'adore ça.

Le repas le plus éblouissant en France ?

Sans aucun doute les poissons au four que ma tante, pharmacienne, nous faisait le dimanche. Ils étaient sublimes. Je précise que son mari était pêcheur.

Le repas le plus éblouissant à l'étranger ?

Ce fut un dîner chez Roberta Sudbrack à Rio. J'ai été bluffé par la finesse et la pureté de sa cuisine. C'est une femme d'origine modeste, autodidacte, qui a commencé par la cuisine de rue avant de monter son restaurant.

Ce qui vous agace le plus ?

La façon dont on peut parler en mal de la gastronomie française, surtout par rapport à ce qui se fait l'étranger. Or, on voit que les modes passent et que l'on revient toujours à la cuisine française. Ça m'agace que la cuisine devienne une leçon de géopolitique. Ce qui m'agace aussi, c'est que les gouvernements, quel qu'ils soient, ne saisissent pas l'importance de la cuisine. On devrait mettre à l'honneur la gastronomie autant que l'art. Avec nous les cuisiniers, mais aussi tous les producteurs, agriculteurs, viticulteurs, créateurs des arts de la table… C'est de la culture. D'autres pays ont bien compris l'intérêt de soutenir cette profession. Nous devons être soudés et faire avancer ce combat, c'est d'ailleurs l'objectif du Collège culinaire de France.

Le plus beau compliment ?

Lorsque l'on me dit : votre menu ou votre plat m'a ému. Lors de l'opération Tous au Restaurant, j'ai eu une cliente qui avait les larmes aux yeux en dégustant sa daurade farcie. On se sent même un peu gêné, mais c'est le plus beau des compliments.

La critique qui vous a le plus marqué ?

Les critiques méchantes, de mauvaise foi, émanant de jaloux. Franchement, je les oublie. Je ne conserve que les critiques constructives qui sont nécessaires. Il y a deux choses que les clients me disent parfois : "Il n'y a pas de crème ou de beurre dans votre cuisine". C'est un fait. La seconde, c'est "pourquoi inscrivez-vous ce poisson à la carte alors que vous n'en avez pas ?". Il me faut alors user de psychologie pour expliquer aux clients que chez moi, c'est la Méditerranée qui donne à manger et que l'on ne peut pas déroger à cette règle d'or. C'est la pêche qui décide et selon les conditions climatiques, nous n'avons pas pu recueillir certains poissons. C'est la spécificité de ce restaurant de travailler en direct avec la Méditerranée.

Votre plus grand rêve ?

Mon rêve a pris naissance en 1972 et je suis en train de le vivre. Je m'accomplis chaque jour. Toutefois, j'espère que le meilleur reste à venir.

Si vous deviez choisir une personne à laquelle vous souhaitez rendre hommage ?

Je pense à mes parents qui ont tout fait pour que je puisse reprendre cette maison en toute sérénité et qui m'ont permis d'arriver au firmament de la cuisine. Laisser ses enfants suivre leur propre voie et savoir s'effacer, ce n'est pas facile. C'est une vision rare. Cette transmission a permis mon épanouissement. Vraiment chapeau !


Publié par Propos recueillis par Nadine Lemoine



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