×

L'Hôtellerie Restauration et ses partenaires utilisent des «cookies» pour assurer le bon fonctionnement et la sécurité du site, améliorer votre expérience, personnaliser des contenus et publicités en fonction de votre navigation et de votre profil, réaliser des statistiques et mesures d'audiences afin d’évaluer la performance des contenus et publicités, et partager des contenus sur les réseaux sociaux.

Certains de ces cookies sont soumis à votre consentement. Vous pouvez exprimer votre choix de manière globale, ou paramétrer vos préférences par finalité de cookies. Vous pouvez modifier ces choix à tout moment par le lien en bas page.

Accédez à notre politique cookies en cliquant ici




Actualités
Accueil > Actualités > Restauration

Sauvons les dictons, tours de main, trucs, astuces… et testons-les !

Restauration - vendredi 7 novembre 2008 16:42
Ajouter l'article à mes favoris
Suivre les commentaires
Poser une question
Ajouter un commentaire
Partager :
Article réservé aux abonnés

La cuisine française est un trésor culturel… qui peut être amélioré, comme une pépite d’or peut être tirée de sa gangue caillouteuse, comme un diamant brut peut briller de mille feux quand il est taillé. Il nous reste… à travailler.



La mayonnaise prend toute son ampleur, notamment avec Antoine-Marie Carême (1847).
La mayonnaise prend toute son ampleur, notamment avec Antoine-Marie Carême (1847).

Oui, la cuisine s’est développée empiriquement. Lentement, les praticiens de la cuisine ont observé des phénomènes, se sont posés des questions, ont parfois trouvé des réponses expérimentales… mais “c’est un fait que nombre de trucs de bonne femme” ont encore cours en cuisine, ce qui n’est évidemment pas supportable du point de vue de l’enseignement.
Dans une série de trois articles, je vais effleurer la question… puisque je réserve le morceau principal pour les Cours 2009 de gastronomie moléculaire, en janvier 2009.

De réelles découvertes
J’ai dit plus haut que la cuisine était une activité empirique : ce n’est pas une critique, mais un fait. Lors de la préparation des mets, d’abord dans les foyers, puis dans les auberges, tavernes, puis restaurants (pour faire court une longue histoire subtile et compliquée), la préparation des aliments, par des êtres humains, doués d’entendement donc, a conduit à des découvertes, d’une part, et à des inventions, d’autre part. Par exemple, le moulin à légumes a été une invention, tout comme le verre doseur (attention, ils sont généralement très faux), ou bien la broche, le four de campagne, etc.
Toutefois, il y a également eu des découvertes. Comme, par exemple, quand il y a sans doute trois siècles, la mayonnaise fut produite pour la première fois. Dans les livres de cuisine français antérieurs à 1742, je n’ai pas trouvé de sauce émulsionnée. Plus exactement, je ne trouve pas de sauce dont la liaison soit produite par l’émulsion. Bien sûr, on trouve des sauces analogues à nos sauces au vin montées au beurre, où effectivement le beurre émulsionné dans la solution aqueuse – disent les chimistes - qui a été produite par réalisation d’un fond, additionné de vin, par exemple. En revanche, on ne trouve pas d’équivalent de la sauce mayonnaise, où l’épaisseur de la sauce résulte de l’émulsion d’une large quantité de matière grasse. Rappelons que la fermeté d’une mayonnaise dépend à la fois de la quantité de matière grasse - plus il y en a, plus la sauce est épaisse - et aussi de la taille des gouttelettes : une sauce est plus épaisse, à quantité de matières grasses constantes, si elle est très battue. À noter que alors, la sauce sent plus la matière grasse que la solution aqueuse.
Bref, il n’y avait pas de mayonnaise dans le Viandier de Guillaume Tirel, dit Taillevent, en 1319.  Ni dans les livres de Pierre François La Varenne (Le cuisinier François, Le pâtissier François, Le confiturier François). La première que je trouve figure dans L’art de bien traiter, qui date de 1674 et fut rédigé par un certain LSR, initiales que l’on a traduites par “Le Sieur Robert” (et alors ? sans informations supplémentaires, on est bien avancé !). LSR écrit : “ IV. Des liaisons. Prenez des amandes douces, jetez-les en eau bouillante quelque temps pour les peler plus facilement en eau froide, pilez-les dans un mortier de marbre ou de bois bien net, à quoi vous ajouterez quelque peu de bouillon, en sorte que tout cet appareil soit presque réduit en consistance de pâte.”
Oui, il y a production d’une pâte qui doit sa consistance à la double dispersion dans l’eau des tissus végétaux des éclats d’amande, et, aussi, de l’huile d’amande, sous la forme de gouttelettes de matière grasse. Cependant, on n’est pas encore à la mayonnaise. En revanche, La Suite des Dons de Comus, de 1742, comporte une recette de "Beurre de Provence" qui est une véritable émulsion. On trouve cette recette dans deux autres recettes “Pigeons au beurre de Provence” et “Œufs au beurre de Provence” (voir encadré).
Dans les deux recettes, le protocole est clair… sauf hélas au moment crucial de la fin… où nous sommes réduits à interpréter. En gros, il s’agit encore de faire une pâte, mais l’on “délaye” cette dernière avec de l’huile “de sorte que cela soit épais”. S’il faut que la sauce épaississe, c’est que le “délayage” donne de l’épaisseur, et, donc, que l’ajout d’huile a créé une émulsion. Il s’agit donc d’une sorte d’aïoli, plutôt que de mayonnaise, mais, en tout état de cause, il s’agit bien d’une émulsion. 

Mayonnaise sans moutarde : magnonaise
Plus tard, la mayonnaise prend toute son ampleur, notamment avec Antoine Marie Carême (1847) : il l’a fait à partir de jaune d’œufs, de vinaigre, d’huile d’Aix, sur glace pilée et à la cuiller en bois : “[Après avoir travaillé le jaune avec une cuillerée de vinaigre]. Dès qu’il se lie, vous y mêlez peu à peu une cuillerée à bouche d'huile d'Aix et un peu de vinaigre, en ayant soin de frotter la sauce contre les parois de la terrine. De ce frottement réitéré dépend la blancheur de la sauce magnonaise. À mesure qu'elle prend du volume, vous mettez plus d'huile, plus de vinaigre à l fois et un peu de gelée d'aspic. [...] Vous devez ajouter un jus de citron pour la rendre plus blanche.
Pas de moutarde, dans cette sauce ! Et un nom qui n’est pas “mayonnaise”, mais “magnonaise”, contrairement à la recette donnée la même année par La cuisinière de la campagne : “Mayonnaise blanche : mettez dans une petite terrine un jaune d’œuf, poivre, sel, quelques gouttes de vinaigre, tournez et mêlez bien ; ajoutez goutte à goutte, et toujours en tournant, une cuillerée d’huile. Votre sauce étant prise, et d’une quantité suffisante, ajoutez du vinaigre en tournant  doucement et en tournant toujours. Cette sauce est très délicate, mais il faut avoir de la patience, car elle prend un quart d’heure pour bien la faire et bien tourner.” Pas de moutarde là non plus. Au mieux, on remplace le vinaigre par du jus de citron, comme dans Le cuisinier national de la ville et de la campagne (ex-Cuisinier royal), par Viart, Fouret et Délan : “Magnonaise. Cette sauce se fait prendre de bien des manières avec des jaunes d’œufs crus, avec de la gelée, avec de la glace de veau ou de cervelle de veau. La manière la plus usitée est de mettre un jaune d’œuf cru dans une petite terrine, avec un peu de sel, et un jus de citron : vous prenez une cuiller de bois, vous tournez en laissant tomber un filet d’huile et remuant continuellement ; à mesure que votre sauce devient épaisse, vous y ajoutez un peu de vinaigre ; vous y mettez ainsi une livre de bonne huile.”
Oui, pas de moutarde dans la mayonnaise, ce que redira bien Philéas Gilbert plus tard… mais ne nous égarons pas : la mayonnaise, absente des livres de cuisine du XVIIIe siècle, devient présente ensuite. Comment la découverte des liaisons à la matière grasse a-t-elle été faite ? Nous n’avons pas de document (ni même sur le nom donné à la sauce), mais nous pouvons faire des hypothèses… à condition de nous souvenir que l’être humain est doué de raison, d’entendement, comme je l’ai déjà dit.
Imaginons une cuisinière ou un cuisinier qui fait une sauce pour une salade, par exemple, où il mêle le vinaigre, l’huile, des œufs, parfois des herbes, du sel, du poivre et autres épices. Habituellement, il mêle les ingrédients dans un bassin, et il les mélange sommairement. Mais, un jour, par hasard, la sauce se lie. Il goûte… et il constate que le goût a changé du tout au tout. Oui, rien de commun entre une mayonnaise réussie et une mayonnaise ratée (mais cela sera pour une autre chronique). Le lendemain, il veut reproduire la belle réalisation de la veille, et il reprend les mêmes ingrédients… mais la liaison ne se fait pas. Il s’interroge, alors : est-ce la quantité des ingrédients, qui est en cause ? La façon de battre ? L’ordre de l’ajout des ingrédients ? La température ? Les phases de la lune ? Les règles féminines ?
Tout y passe, parce que l’être humain est curieux… et motivé par la gourmandise ! Ainsi naissent les dictons culinaires nombreux, relatifs à la mayonnaise.
Mais… s’ils sont nombreux, comment les ordonner ? Quels enseignements tirer de leur existence ? Sont-ils toujours justes ?
Ces questions feront l’objet d’articles à venir dans L’Hôtellerie Restauration.

Complément d'article 107p42

Hervé This

Journal & Magazine
SOS Experts
Une question > Une réponse
Implanter et équiper son restaurant
par Jean-Gabriel du Jaiflin
Services