Les mots 'justes' du vin, avec Gérard Perse
Suivre les commentaires Poser une question
Ajouter un commentaire Partager :
75 - Paris A l’occasion de la parution du nouveau Dictionnaire des noms de cépages de France (CNRS Editions) de Pierre Rézeau, Gérard Perse, propriétaire notamment du château Pavie, 1er grand cru de Saint-Emilion, a réuni trois oenophiles et linguistes pour évoquer le langage du vin. La discussion a eu lieu Chez Drouant. Goûts et saveurs, au bout de la langue.

Pierre Rézeau, auteur du Dictionnaire des noms de cépages de France :
"Parmi les trésors de la langue françaises, je me suis aperçu que les noms des cépages, mal décrits, peu accompagnés d’exemples, et dont les notices s’avèrent mal fournies, faisaient partie des secteurs de la langue défavorisés. La place que les dictionnaires français leur accordent n’est certainement pas à proportion de la célébrité mondiale de beaucoup de ces vins. Ma citation favorite sur les cépages est de Frédérique Hébrard : Le duc et la duchesse semblaient fort épris. La terre les avait liés l’un à l’autre comme deux épis et quand, la voix chavirée, ils se parlaient de muscadelle, de sauvignon, de merlot, de sémillon, d’alicante ou de verdotpetit (sic), on croyait les entendre échanger des mot d’amour et on se sentait indiscret. (Le Harem) Et mon mot du vin favori ? "Savourer", car on peut savourer un texte, une étymologie comme un bon vin. Cela traduit bien qu’au-delà de leur histoire, les mots traduisent bien souvent une réalité très charnelle. Mais aussi "bibliothèque"… qui peut aussi désigner une cave. Comme dans cette expression que j’affectionne tout particulièrement : viens donc dans ma bibliothèque d’en bas… Puisque nous avons abordé le repas avec un vin de Monbousquet blanc produit à Saint-Emilion qui paraît-il est anecdotique, mais pas tant que ça quand on le goûte, je vais dire quelques mots sur le cépages à partir desquels il est élaboré, sauvignon blanc et sauvignon gris. Toute ma recherche a consisté à mettre des étiquettes d’histoire et d’étymologie sur ces noms de cépages, autrement dit de leur donner une fiche d’identité. Le mot sauvignon apparaît dans le fameux "Abrégé des bons fruits" de Merlet en 1690. Louis XIV avait cinquante deux ans. La première mention dans le Bordelais date elle de 1720 à Margaux. Il faudra attendre 1783-1784 pour voir apparaître le mot sauvignon gris grâce à une enquête de Dupré de Saint-Maur, intendant de la Guyenne juste avant la Révolution. Celui-ci a eu l’idée de créer une pépinière de cépages à côté de Bordeaux, des cépages en bouture que l’on envoyait d’un peu partout avec des mentions de première main parfois délicieuses comme "inconnu" ou "blanc simplement dit". Pour ce qui est de l’origine du nom, on pense que sauvignon a une parenté avec le mot sauvage. L’un des indices : dans le Berry, le nom local du sauvignon est le fié gris, que l’on rattache au latin "ferus" qui signifie "sauvage". On a là probablement une confirmation de l’étymologie, qui reste enveloppée d’une honnête obscurité. Mais le vin que l’on boit lui est très clair…"
Martine Coutier, linguiste au CNRS, auteur du Dictionnaire de la langue du vin (CNRS Editions) a choisi quant à elle de s’appuyer sur des citations également pleines de richesse culturelle :
"Erckmann-Chatrian (Le Chant de la Tonne) : Moi, l’âme du vieux vin, cette âme plus vivante que notre âme, cette âme de Mozart, des Gluck, des Weber, des Théodore Hoffmann, envahissait mon être et me faisait dresser les cheveux sur la tête… Oh ! m’écriai-je, souffle divin ! Oh ! musique enchanteresse ! Non, jamais, jamais mortel ne s’est élevé plus haut que moi dans les sphères invisibles ! Pierre Veilletet (Le Vin. Leçon de choses) : Avec son cou fuselé, ses épaules rondes et son ventre plat ; avec – sauf le respect dû à l’une et à l’autre – un cul moins lourd que a bourguignonne, la bordelaise est l’harmonie même. L’enveloppe idéale pour retenir l’âme du vin."
François Berléand, spécialiste du langage du vin a été questionné de son côté sur le mot ’équilibre’ et son approche du vin :
"C’est aujourd’hui devenu un mot clé dans la dégustation du vin. Il désigne une harmonie, une homogénéité, un rapport heureux entre ses différents éléments qui constituent le vin, acidité, alcools, tannins. Ce mot est apparu en 1948, sous la plume de Charles Bonvin dans "Un art de France, Le savoir-boire" à propos des vins de Mâcon… J’ai été intronisé Pair de la Jurade à Saint-Emilion l’année dernière. J’ai une passion pour bordeaux et dans le Bordelais une prédilection pour la Rive Droite parce qu’il y a le merlot, un cépage pour lequel j’ai une grande passion. Je viens de goûter les trois Côtes-de-castillon de Gérard Perse également, et c’était magnifique. Des vins bien équilibrés, fruités, soyeux, tout ce que j’aime. Il est vrai que c’est avec les bordeaux de la Rive droite que mon grand-père a fait mon éducation gustative dès l’âge de dix ans. Deux fois par mois, il me servait, à petite dose évidemment, des châteaux Gazin, La Conseillante, Pétrus… Progressivement, j’ai commencé à aimer, à trouver des mots, à savoir m’exprimer. C’est donc avec le pomerol puis le saint-émilion que j’ai fait mon initiation. C’est ma petite ‘madeleine’. Mes plus beaux mots du vin sont charpenté et équilibré. Et mon cépage fétiche : le merlot."
Derniers commentaires
Un Plan saisonnier pour pallier la pénurie de personnel dans le tourisme
L'Ambroisie change de propriétaire
Après deux années difficiles, l'activité affaires reprend des couleurs
Benoît Vidal ferme son restaurant doublement étoilé Michelin
A quoi sert le Resto-Score