Matières extra-scolaires : pourquoi elles font carton plein

"Cette année, nous avons travaillé sur Marcel Pagnol. Un texte a été écrit, puis mis en musique dans une version slam par un élève. Nous ne savions pas que ce jeune faisait du slam." Agnès Vaffier, fait partie de ceux qui croient aux vertus des matières extra-scolaires. "Parce qu'une discipline, comme le théâtre, permet de révéler certains jeunes. Notamment les plus timides", ajoute la présidente de l'Association française des lycées d'hôtellerie et de tourisme (Aflyht) et proviseur du lycée hôtelier et CFA de Marseille (13).

Avis partagé par Colette Geneste, professeur de marketing au lycée Guillaume Tirel à Paris (XIVe). Elle a introduit "l'image dans la cuisine" depuis une dizaine d'années. Fan de photo, elle est partie du principe que photographier des plats "peut aider les élèves à prendre du recul par rapport à ce qu'ils préparent". Pari réussi : l'atelier de design et de photographie culinaire, qu'elle a créé et rebaptisé en 2012 le Laboratoire, incite les jeunes "à ne plus laisser traîner un torchon à côté de leur préparation, à soigner une présentation, à penser à l'image qu'ils vont renvoyer de leur travail."

L'enseignante fait en sorte de motiver les artistes en herbe - une douzaine chaque année, en BTS ou mise à niveau. De quelle façon ? En initiant un partenariat avec des étudiants de l'École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d'art (Ensaama-Olivier de Serres), puis en faisant parrainer chaque promotion par un chef depuis 2009. Se sont ainsi succédé Thierry Marx, Alain Senderens, Michel Troisgros, Inaki Aizpitarte et Claire Heitzler. "Pour continuer de faire évoluer notre métier, il faut chercher la créativité ailleurs que dans nos cuisines. Aller vers des designers, artistes, scientifiques, photographes, nez, sociologues…", confie Mehdi Bensalem-Favri, élève en BTS au lycée Guillaume Tirel. Antoine Robert, pour sa part, a été séduit par le Laboratoire, "car je n'ai jamais pensé la cuisine sans penser au visuel. On mange d'abord avec les yeux avant de manger avec la bouche", explique cet autre élève de BTS du lycée parisien.

 

Les enseignants apprennent à travailler autrement

"Ce type de démarche pédagogique est constructive pour les jeunes et pour les enseignants", constate Colette Geneste. En effet, au lycée Guillaume Tirel, le Laboratoire apprend à des professeurs de lettres modernes, de marketing et de cuisine "à travailler ensemble, autrement". À l'École hôtelière du Périgord (24), le professeur de français Stéphane Terrasson a oeuvré de concert avec le metteur en scène de la troupe Zizanie, Fabien Bassot, pour monter un spectacle avec les apprentis de seconde baccalauréat professionnel lors d'un déjeuner organisé le 13 juin dernier. "Le fil conducteur était : comment un serveur peut-il gérer un client difficile et des situations cocasses ?" Une occasion pour Stéphane Terrasson de travailler "sur l'expression orale, la diction, comment vaincre sa timidité, avoir de l'assurance, soigner sa tenue, savoir écouter les autres, gérer son stress et réagir tout en gardant son calme lors de situations complexes."

Toutefois, ces expériences ne sont pas toujours simples à mettre en place. "Surtout quand on sort des référentiels", souligne Colette Geneste. Ce qui est son cas. Il faut avoir l'envie, la volonté, l'endurance pour continuer. À chaque rentrée, elle se dit qu'elle va lever le pied, puis elle replonge, parce que certains élèves choisissent désormais d'étudier à Guillaume Tirel pour son Laboratoire. Durant tout ce mois de septembre, elle va donc de nouveau éplucher les lettres de motivation des jeunes qui souhaitent intégrer son Laboratoire. Avis aux amateurs.