Les lycées hôteliers sont-ils confrontés à la violence scolaire ?

Selon la dernière étude en date de l'Éducation nationale, les lycées professionnels concentrent le plus fort taux d'incidents violents. La filière hôtelière est-elle concernée par ce phénomène ?

Publié le 30 janvier 2013 à 10:56

Selon la dernière enquête Sivis (Système d'information et de vigilance sur la sécurité scolaire), les lycées professionnels concentreraient le taux le plus élevé d'incidents, tant verbaux que physiques, avec 19,6 faits déclarés pour 1 000 élèves, soit presque quatre fois plus que dans les lycées d'enseignement généraux. "Sivis est un outil utile mais incomplet. Ces statistiques sont basées sur les déclarations des adultes, en particulier des proviseurs et ne permet pas, par exemple, de mesurer la cyber-violence", explique Éric Debarbieux, délégué ministériel en charge de la prévention et de la lutte contre les violences à l'école. "En outre, le phénomène n'est pas nouveau, une étude des années 1980 mettait déjà en corrélation la violence et l'orientation par défaut dans les filières professionnelles", s'empresse-t-il d'ajouter.

"En deux ans, j'ai peut-être été confronté à un ou deux épisodes de jeunes qui se sont regardés, qui ne se sont pas compris, qui se sont alpagués", explique le très lyrique Christian Badinand, proviseur du lycée des métiers de l'hôtellerie Jean Drouant à Paris (XVIIe). À l'autre bout de la France, dans la cité phocéenne, Agnès Vaffier, proviseur du lycée hôtelier et CFA de Marseille et présidente de l'Association des lycées hôteliers et de tourisme (Aflyht), s'estime, comme son confrère, peu concernée par la violence scolaire. Le taux de pression élevé - un ratio correspondant au nombre de candidatures par place disponible - tend à atténuer les risques : "90% des élèves sont sélectionnés, donc motivés, sauf en CAP où demeurent quelques problèmes comportementaux mais on s'en sort très bien en quelques semaines, constate Agnès Vaffier. Les élèves acceptent la discipline car c'est inhérent aux professions enseignées. Ils le comprennent, à condition qu'on leur explique." Cependant, la proviseur concède avoir été confrontée l'année dernière à un incident très grave : "J'ai renvoyé un élève qui en avait poignardé un autre dans le bras. L'auteur des faits, mineur, a été incarcéré. Il a repris par la suite sa formation dans un autre établissement. Je n'avais jamais vu ça en vingt ans de carrière."

Des règles de discipline acceptées

Au lycée hôtelier et CFA Paul Augier de Nice, le proviseur Francis Kolb estime que les rares problèmes rencontrés concernent les plus jeunes : "Ceux qui arrivent du collège avec des codes de comportements inadaptés. Ils sont vite cadrés, sans difficultés. Avec un taux de pression de 3, nos élèves sont contents d'être là. Il n'y a pas de frustration."

Arnaud Dubois, le proviseur du lycée hôtelier François Rabelais à Dugny (93), qui fut auparavant au même poste à Soisson dans un lycée professionnel polyvalent avec trois filières (hôtellerie, bâtiment et automobile), est apte à nuancer le problème : "À Soisson, on pouvait reconnaître les hôteliers, parmi les autres élèves dans la cour, à leur tenue. Ils étaient peu concernés par la violence à contrario des autres branches. Être en 'secrétariat' ou en 'nettoyage des locaux' n'est pas un choix, cela ne fait pas rêver, contrairement à la cuisine. Cela peut induire des comportements de rébellion." Le proviseur de l'unique lycée hôtelier de Seine-Saint-Denis estime travailler dans un milieu préservé en dépit d'un environnement compliqué : "Nous accueillons beaucoup de jeunes issus des quartiers difficiles sans que cela ne pose de problèmes. Ils acceptent les règles car elles s'appliquent à tous et ils en avaient connaissance avant d'intégrer le lycée. On ne laisse rien passer : tenue, ponctualité, politesse. L'enseignement des métiers de l'hôtellerie canalise les plus impulsifs, nous sommes parfois stupéfaits par la rapidité des changements." Fabrice de Barros, qui a été en poste dans un établissement qui formait aux métiers du bâtiment et est aujourd'hui proviseur du lycée hôtelier de Mazamet, dans le Tarn, confirme : "La filière du bâtiment est exclusivement masculine, et les garçons ont tendance à régler leurs conflits de manière virile."

Avoir un emploi et même devenir célèbre

D'autres arguments entrent en compte pour expliquer le climat apaisé qui règne dans les lycées professionnels hôteliers. "Ils sont rassurés à l'idée d'avoir à coup sûr un emploi à la fin des études, c'est motivant. Ils savent qu'ils n'iront pas pointer à Pôle-emploi", s'enthousiasme Francis Kolb. "Les stages dans les grands hôtels et restaurants arrivent rapidement et légitiment définitivement la discipline comme une nécessité", pense Agnès Vaffier.  Philippe Giroux, le chef des travaux du lycée polyvalent Nicolas Appert, à côté de Nantes, refuse quant à lui de s'enfermer dans des propos lénifiants : "Sur 1 400 élèves, 480 suivent une formation hôtelière. Si ces derniers arborent très vite une attitude professionnelle, nous restons confrontés à un très gros problème : le cannabis."

Si les établissements hôteliers semblent ne pas être concernés par la violence qui mine les lycées professionnels, c'est aussi grâce à la valorisation des métiers de la cuisine et l'engouement pour leur apprentissage que suscite la pléthore d'émissions culinaires. "Aujourd'hui, les chefs cuisinier font partie des élites. Ils côtoient les politiques, le show-business. La télévision les présente comme des artistes qui pratiquent l'excellence. Et quand quelque chose devient précieux - comme intégrer un lycée hôtelier où les places sont chères -, on ne prend pas le risque de gâcher cette chance", ajoute Christian Badinand, avant de conclure : "En revanche, pour les métiers de la salle, tout reste à faire."


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Publié par Francois PONT



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