Joseph Le Gal : “Je manque de liberté pour innover et anticiper”
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Le président de l’Association nationale des écoles privées d’hôtellerie et de tourisme (Anephot) revient sur la cohabitation entre élèves et enseignants à l’heure d’internet et des restrictions budgétaires, et détaille le calendrier 2010-2011 de son association.

Selon vous, quels sont les nouveaux défis de l’enseignement dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration ?
Il s’agit avant tout de répondre aux attentes des professionnels et préparer les jeunes au monde du travail ainsi qu’aux métiers de demain. Toutefois, nous ne pourrons relever ces défis qu’avec les moyens que l’on nous donne. Et, mon seul regret lorsque je quitterai l’enseignement, sera de ne pas avoir eu suffisamment de liberté pour innover et anticiper. En effet, à chaque fois que je fais une demande particulière dans le cadre de l’innovation, j’essuie un refus.
Comment expliquez-vous ce climat si frileux ?
La politique menée par le Gouvernement va dans le sens de la réduction des heures de cours et de la diminution des budgets, mais elle ne prend pas suffisamment en compte les réalités de terrain et les besoins spécifiques de chacun. Aujourd’hui, certaines personnes utilisent trop la machine à calculer alors qu’elles feraient mieux d’aller se frotter un peu plus au terrain.
Pourquoi cela vous inquiète plus particulièrement aujourd’hui ?
Parce que, d’un côté, le secteur de l’hôtellerie et de la restauration souffre d’un manque de personnel. Et, de l’autre, les jeunes sont plus nombreux qu’hier à vouloir travailler dans ces domaines. Or, malgré cela, on ne peut pas augmenter la capacité d’accueil des lycées hôteliers. Ainsi, dans l’établissement que je dirige à Saint-Nazaire, ai-je une liste d’attente pour le bac pro en trois ans. C’est absurde.
Comment expliquez-vous cet engouement des jeunes pour le secteur de l’hôtellerie et de la restauration ?
Les émissions de cuisine à la télévision y ont contribué. Mais ce n’est pas tout. L’image de la profession a également changé avec l’arrivée des 35 heures et la baisse de la TVA.
Le profil des élèves a-t-il changé au fil des années ?
Dans les années 1980, les jeunes se passionnaient plus qu’aujourd’hui pour le monde de l’hôtellerie et de la restauration. Ils me sollicitaient pendant la récréation pour parler du métier, évoquer leur avenir, échanger leurs expériences... Aujourd’hui, à peine la sonnerie retentie, tous les élèves rentrent chez eux. C’est la tendance du moment.
En revanche, je retrouve toujours cette envie de donner un peu de soi et un peu de temps. À titre d’exemple, les jeunes s’impliquent dans toutes les opérations à but humanitaire que nous organisons à Saint-Nazaire. Et c’est en les voyant se mobiliser de la sorte que je garde espoir quant à leur motivation : je crois à ces jeunes qui, avec leurs compétences, assureront demain l’avenir de la profession.
Les élèves d’aujourd’hui seraient-ils plus réfractaires à la discipline du lycée hôtelier ?
Je ne pense pas. La preuve : je n’ai organisé aucun conseil de discipline durant l’année 2009-2010. C’est une première dans ma carrière. Il faut dire que j’ai établi un règlement précis au sein de mon établissement et j’insiste pour qu’il soit appliqué à la lettre par les élèves. Or, je m’aperçois que lorsque les jeunes ont des points de repère, ils les respectent.
Quant aux quelques élèves qui contournent le règlement - il y a toujours des réfractaires -, je privilégie le conseil de médiation avant le conseil de discipline. Nous avons des jeunes qui viennent de tous les horizons. Ils ont donc des défauts, des qualités et nous allons faire en sorte de développer leurs qualités, sans les braquer, mais plutôt en les accompagnant durant leur cursus scolaire.
Que préconisez-vous pour aller au-devant des jeunes qui souhaitent s’inscrire dans un lycée hôtelier ?
Je suis favorable aux réunions d’information qui impliquent toute l’équipe pédagogique d’un établissement. Par ailleurs, je prône également le déplacement des élèves et des professeurs dans les collèges, les lycées, les salons et autres forums. Quant aux journées portes ouvertes dans un lycée hôtelier, elles sont une occasion unique de rencontrer les familles tout en confiant l’organisation de leur accueil aux élèves de l’établissement. Enfin, dans chaque dossier d’inscription, nous demandons aux jeunes une lettre de motivation. Alors oui, certains vont dire que cette lettre peut être rédigée par les parents : je ne suis pas certain que ce soit souvent le cas, au regard du nombre de fautes d’orthographe recensées dans ces courriers.
Comment expliquez-vous cette orthographe défaillante ?
La faute aux SMS ! Et je crains que cela n’aille qu’en empirant. D’ailleurs, sur ce point, je pense que c’est aux professeurs de sensibiliser les élèves et de leur rappeler l’importance de l’orthographe dans la rédaction d’un C.V. ou d’une lettre de motivation.
Dans un tel contexte de mutations et de changements, les professeurs doivent-ils adapter leur façon d’enseigner ?
Oui. Et ce d’autant que l’outil informatique engendre des changements de comportement et de fonctionnement. Les enseignants doivent s’adapter aux outils d’aujourd’hui. Le professeur qui ne modifie pas ses cours a tort. Il ne doit pas perdre de vue que les élèves d’aujourd’hui utilisent l’outil informatique comme les élèves d’hier écrivaient à la plume.
Les enseignants parviennent-ils toujours à garder un contact régulier avec les professionnels ?
Chez certains professeurs, nous pouvons regretter le manque de relations avec le domaine professionnel. Pour ma part, je serais ravi de voir les enseignants partir en stage en entreprise de façon régulière. Parce que la profession évolue et il faut la voir vivre pour la comprendre. Ce n’est pas en visitant un élève stagiaire de temps en temps que l’on peut se rendre compte de toute la réalité du terrain. Et ce d’autant que les jeunes ont besoin d’avoir une vision juste et dynamique de ce qui les attend : c’est le moteur de leur motivation. Ils veulent savoir comment cela se passe sur le terrain.
Quel est le calendrier de l’Anephot pour cette année scolaire 2010-2011 ?
Notre congrès national aura lieu à Cambrai les 24 et 25 novembre prochains. Une soixantaine d’établissements seront alors représentés. Par ailleurs, je veille à être présent dans la majorité des manifestations organisées par les professionnels : les hôteliers comme les restaurateurs doivent comprendre que nous sommes à leurs côtés. Je le fais également à titre personnel, car j’ai besoin d’aller sur le terrain voir ce qui se fait en cuisine. Selon moi, c’est une condition sine qua non pour former des jeunes qui n’iront pas au Pôle emploi demain.
Quelles sont vos relations avec l’Aflyht ?
Nous sommes comme des partenaires. Je vais main dans la main avec ma collègue du public, Agnès Vaffier, dans des réunions et autres congrès. C’est un bel exemple de collaboration entre public et privé. Il faut dire que nous travaillons avec le même objectif : l’intérêt des jeunes et de la profession.
Propos recueillis par Anne Éveillard |
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