Le 40e anniversaire de l’Amforht sous le signe du “tourisme responsable”

Interview de Serge Perrot, fondateur et président d’honneur de l’Association mondiale pour la formation hôtelière et touristique.

L’Hôtellerie Restauration : Vous organisez le 40e anniversaire de l’Association mondiale pour la formation hôtelière et touristique (Amforht) le 7 décembre à l’InterContinental Le Grand, à Paris. Quelle est aujourd’hui la mission de l’association ?

Serge Perrot : Elle n’a pas changé. Sa mission demeure celle que ses pairs lui ont donnée lors de sa création à l’École hôtelière de Nice, en 1969. Des visionnaires qui, dans le même mouvement, créèrent l’Organisation mondiale du tourisme (OMT, agent des Nations unies), officialisée en 1975. Son objectif : étudier et définir l’adaptation des formations touristiques et hôtelières de tous niveaux aux besoins et évolutions du secteur, et transmettre les messages aux écoles du monde. Du fait de cette mission et de l’appui soutenu des instances supérieures du tourisme, on peut dire que l’Amforht est aujourd’hui l’interface entre le monde de la formation et celui des professionnels (tourisme, hôtellerie et restauration, directeurs et directeurs des ressources humaines).

Peut-on dire que l’Amforht soit arrivée à un tournant de son histoire ?
La profession toute entière est à un tournant de son histoire. Comment ne pas voir que l’industrie du tourisme est aujourd’hui chargée d’une responsabilité croissante face aux problèmes de l’environnement, de la société, des populations d’accueil, de ses personnels, de ses actionnaires, et des touristes eux-mêmes ? L’Amforht est condamnée à intégrer tous ces nouveaux paramètres et, en termes de formation, à se préparer à des tournants. Forte de ses 250 membres présents sur les cinq continents, des CFA aux universités publiques et privées, la masse d’informations qui remonte de l’extrême diversité des centres de formation, des expériences, des méthodes et des résultats incite l’Amforht à se préparer aux changements. Sa prochaine assemblée générale va restructurer et renforcer son conseil d’administration, et sans doute, confier aux représentants des nouveaux pays émergents (Afrique, Asie, Amérique latine…) des responsabilités accrues.

Vous avez choisi pour thème de votre forum la responsabilité. Est-ce primordial pour vous ?
Oui. En matière de tourisme comme ailleurs, le décideur, comme l’opérateur, est pris dans la vague de fond du respect de l’écologie, du bio, de la santé, et dans l’aspiration profonde à un retour aux valeurs, à l’authentique et à l’éthique. Avec son code mondial d’éthique du tourisme, l’OMT a enfoncé le clou. De plus, avec la crise actuelle, le manager est soumis aux fluctuations d’un environnement économique, financier, social et bancaire sur lequel il n’a aucune prise. L’Amforht a compris que, pour ce nouveau tourisme, les formations d’hier ne suffiront plus. C’est un professionnel nouveau qu’il faudra former. Au-delà des connaissances et compétences opérationnelles, managériales et gestionnaires indispensables à son poste - et qui le resteront -, il faudra former un professionnel capable, tout en gardant le sourire de l’accueillant et la passion du métier, de faire face à une foule d’exigences et de contraintes nouvelles. Sur quel socle de connaissances et de compétences allons-nous construire ce professionnel nouveau ? Autour du mot tourisme, les termes génériques ne manquent pas : durable, équitable, solidaire, etc. Volontairement, nous nous sommes ralliés à la notion forte de responsabilité, qui englobe la totalité. Car le champ de la responsabilité du manager et du décideur s’étend désormais à l’environnemental, à l’écologique, à l’humain et au social, comme la responsabilité de l’industrie touristique elle-même face à la société et à tous ceux qui la font vivre.

Quels messages souhaitez-vous transmettre au-delà de ce forum ?
À tourisme nouveau, formation nouvelle. Les objectifs de la nouvelle formation devront reposer sur une base de valeurs retrouvées, d’authenticité et d’éthique pour faire face aux défis de l’avenir, à ses exigences et contraintes. C’est la solidité de la personnalité qui portera les qualités désormais fondamentales des métiers du tourisme : responsabilité, engagement, vocation, etc. Enfin, l’élévation du niveau de culture générale facilitera l’adaptation et l’ouverture au monde. En termes de méthodes, il faudra recourir aux pédagogies et technologies de pointe, comme l’enseignement des langues vivantes ou de la communication avec le recours au multimédia. En termes de structure et d’organisation des études, il conviendra d’oublier la conventionnelle accumulation de disciplines purement scolaires (lycée traditionnel) pour aller vers un type de formation professionnelle modulaire axée sur l’acquisition des compétences (champ opérationnel, business, management, leadership). Enfin, il faudra rapprocher le monde de la formation de celui de la profession. Bien qu’il n’en soit qu’à ses débuts, le domaine des partenariats formation-profession offre déjà de bons résultats 

Le forum montrera concrètement ces ouvertures vers l’école du tourisme de demain. Existe-t-il un avenir pour un réseau comme Amforht ?
Les appels à l’aide d’écoles ou d’étudiants d’Afrique et d’Amérique latine sont émouvants. Ces pays se rendent compte qu’à l’époque où le tourisme est mondialisé, une école hôtelière isolée, sans échanges avec le monde extérieur, prive ses élèves de tout espoir de carrière internationale. Internet est certes intéressant, mais dans une profession comme celle de l’hôtellerie et du tourisme, qui repose sur la relation humaine, c’est le contact personnel et la rencontre qui génèrent les échanges entre enseignants et écoles, lesquels conduisent souvent à des jumelages ou des partenariats. Plus que jamais, il y a donc un avenir pour les réseaux d’écoles et d’universités d’hôtellerie et de tourisme, et surtout pour le réseau mondial de l’Amforht.